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La procédure d’indentification de l’intonation d’implication dans le corpus

4 Chapitre 4 : Le corpus : un débat radiophonique

4.2 La procédure d’indentification de l’intonation d’implication dans le corpus

Afin d’identifier l’objet de notre étude au sein de l’ensemble écologique que nous avions choisi, plusieurs procédures s’avèrent envisageables. L’analyste peut réaliser seul l’identification auditive des contours qu’il veut décrire. Il peut aussi utiliser le signal de parole pour renforcer sa perception auditive. Il peut encore s’en remettre au jugement de sujets non impliqués dans son projet descriptif. Nous avons choisi une solution mixte que cette section a pour but de justifier et de décrire.

4.2.1 Quelle solution et pourquoi

Le principal écueil à éviter est celui de la circularité. Nos propres hypothèses

Nous avons donc opté pour une solution mixte qui consistait à mener une identification uniquement auditive et non pas aussi instrumentale (acoustique) des exemplaires de l’intonation d’implication présents dans le corpus et de demander une contre expertise à un second expert.

Il fallait néanmoins pour cela choisir une description de référence parmi celles que propose la littérature. Nous avons choisi celle de Delattre pour plusieurs raisons : il s’agit de la première description influente des contours du français et tous les experts la connaissent. Sa description est suffisamment précise et suffisamment souple pour ne pas contraindre trop fortement l’identification et tous les traits qu’elle propose sont repris par les autres modèles. Enfin, la conception de Delattre (voir la section 2.2.1) lie fortement forme et fonction ce qui permet de lier l’une et l’autre dans le processus d’identification (la fonction « d’implication » est par ailleurs suffisamment générale pour ne pas contraindre le choix trop strictement).

Nous avons donc proposé à un autre expert de se soumettre à la même tâche d’identification que celle que nous avons nous-même entreprise. La section suivante en décrit les modalités.

4.2.2 Description de la procédure d’identification

Nous expliquerons d’abord en quoi consistait précisément la tâche d’identification que nous avons nous-même suivie scrupuleusement et que nous avons proposée au second expert. Nous donnerons ensuite en les commentant les résultats issus de l’expertise.

4.2.2.1 La tâche d’identification auditive

Chacun de nous disposait de la transcription orthographique non ponctuée du corpus telle qu’on la trouve en annexe (« Transcription orthographique »). On trouvera aussi dans la section suivante (4.3) des explications sur l’établissement de cette transcription. Nous disposions également de l’enregistrement sonore de l’intégralité de l’émission radiophonique. La consigne était fournie sur un document séparé. Nous la reproduisons ci-dessous :

Consignes aux experts :

A partir de l’enregistrement audio que vous pouvez écouter autant de fois qu’il est nécessaire il s’agit d’identifiez les contours intonatifs selon la description qu’en donne P. Delattre (1966).

Si vous le désirez, vous pouvez procéder en plusieurs passages sur l’intégralité du corpus.

A partir de cette écoute et sur la transcription orthographique non ponctuée du corpus, vous noterez l’alignement avec le texte de la frontière droite de chacun des exemplaires de ces contours que vous identifierez à l’aide des symboles suivants :

II = continuatif majeur I = continuatif mineur pi = implication

T = finalité.

Q = question Int = interrogation Echo =écho

Par = parenthèse basse Excl = exclamation Com = commandement

En plus de l’intonation d’implication, la consigne impose l’identification des autres contours dont Delattre fait l’inventaire. En effet, si l’on conçoit le système intonatif comme un système d’oppositions, l’identification d’un contour se fait par contraste avec les autres contours qu’il importe alors de repérer.

4.2.2.2 Résultats de la procédure d’identification des contours

Après avoir synthétisé les réponses des deux experts, nous avons recueillies quelques données chiffrées sur la répartition des différents contours qui ont influencé le choix des analyses que nous avons menées ensuite.

4.2.2.2.1 Synthèse des résultats

Une fois recueillies l’identification produite par chacun des deux experts nous les avons synthétisées sur un document unique qu’on trouvera en annexe sous le titre

« Corpus+contours » dont la figure 10 ci-dessous présente un extrait :

pères fondateurs I pensaient I qu'avec les marchés communs I on allait arriver à l'Europe politique T14 ça marche pas T15 d'autres ont dit II la monnaie unique IouII va inéluctablement nous amener à l'Europe politique T16 inéluctablement II était le mot magique II qui permettait de faire la démonstration Api6(T) 2syl3 d'autres pensent II que c'est la politique étrangère commune 2syl4(II) d'autres pensent IouII que c'est la défense euh la politique de sécurité commune T17 on voit là que on refuse d'aborder le cœur du sujet II euh qui est celui I que euh j'indiquais tout à l'heure T18

Ja12 : mais pour avoir un un lieu de de décision euh politique II peut-être euh et pour qu'elle soit efficace IouII cette décision politique I en matière de lutte contre le chômage II par exemple II euh sans doute faudrait-il aussi IouII un un espace I euh de débat pi1 le fait de borner l'Europe II de l(e) borner de la borner en ses frontières II et de la borner en son droit II avec l'adoption d'une constitution II comme le réclamait Alain Lamassour CT1 ne suffit probablement pas IouII à à à identifier I plus clairement I le le projet politique Cpi1(T)

YS5a : je j(e) veux donner juste un p(e)tit exemple II Ja : Yves Salesse T

YS5b : excusez-moi I là-d(e)ssus T(II) parce que euh ça rejoint I euh la critique IouII que j'adresse I à ceux qui ont mené la construction l européenne CT1 euh depuis très longtemps T1 qui est exactement c(e)la T2 euh lorsqu y a un traité qui est très mal connu I qui est celui d(e) l'acte unique T3 l'acte unique IouII euh a euh ouvert I la procédure I du grand marché T4 mais il y a quelque chose qui est peu connu pi1 y avait déjà l(e) débat I sur le fonctionn(e)ment institutionnel I et la majorité qualifiée T5 et y a eu IouII le vote à la majorité qualifiée cd(II) de façon donc on comprend bien 2syl1 c'est plus facile I d'adopter des décisions à la majorité II plutôt qu'à l'unanimité

Figure 10. Extrait du corpus annotémontrant la synthèse des jugements des deux experts La figure 10, montre comment les symboles qui marquent les contours intonatifs sont intégrés à la transcription orthographique à la fin du segment textuel auquel les contours se rapportent. Les contours continuatifs sont représentés par les symboles

« I » pour la continuation mineure et « II » pour la continuation majeure ; lorsque les experts sont en désaccord sur le degré de la continuation (majeure ou mineure) les deux symboles sont coordonnés par « ou » dans la transcription « IouII » ; les symboles

« CTx » représentent les contours continuatifs majeurs consensuels (identifiés par les deux juges) qui seront comparés avec l’intonation d’implication dans l’analyse phonétique ; certains continuatifs sont représenté par les initiales « cd » pour

« continuatif descendant » car auditivement leur pente a été identifiée comme descendante par au moins un des deux juges ; le niveau (majeur ou mineur) apparaît alors entre parenthèses. Les contours de finalité sont notés par le symbole « T » seuls s’ils sont non consensuels car l’un des deux experts les a jugés comme continuatifs ou ne les a pas relevés ; les contours de finalité consensuels (la grande majorité) apparaissent avec un numéro d’ordre x qui correspond à leur ordre d’apparition dans le tour de parole « Tx ». L’intonation d’implication, quant à elle par le symbole « pi » (« patron d’implication ») seul lorsque les deux juges sont d’accord (pi consensuels), par le symbole « Api » lorsque seul le juge A a identifié l’item comme tel et « Cpi » si l’item est reconnu uniquement par le juge C ; dans ces deux derniers cas, le jugement de l’autre expert apparaît entre parenthèses. Enfin, nous avons rajouté un détail qui

n’était pas dans la consigne et ne concerne donc pas les juges : lorsque un contour s’avére montant-descendant mais aligne son maximum de F0 avec la syllabe pénultième, nous l’avons marqué dans la transcription par le symbole « 2syl » (nous avons opéré cette identification auditivement). Il arrive, mais ce n’est pas systématique, que ce contour coïncide avec une identification d’intonation d’implication, auquel cas les deux symboles apparaissent dans la transcription ; cette coïncidence n’est cependant pas systématique. Les chiffres qui accompagnent tous les événements (pi, CT et T) qui seront pris en compte dans l’analyse phonétique notent le numéro d’apparition de l’événement dans le tour de parole. Chaque événement se trouve donc désormais identifié par le nom du tour de parole auquel il appartient suivi de son symbole et de son numéro d’ordre dans ce tour : ainsi, le premier contour implicatif du tour YS5 présent dans la figure 10 est-il identifié par le nom « YS5_pi1 ».

4.2.2.2.2 Répartition des contours dans le corpus

Les contours proposés par l’inventaire de Delattre sont très différemment représentés dans le corpus. Le tableau 4 ci-dessous donne les effectifs des contours qui ont été identifiés par les deux experts :

I II IouII cd CT T Api Cpi pi 2syl Q Int Par 586 269 178 73 191 168 38 14 62 16 4 7 4

1297 114

Tableau 4. Effectif des différents contours identifiés dans le corpus

Certains contours n’apparaissent pas du tout dans le corpus comme les contours d’écho (Echo) d’exclamation (Excl) ou de commandement (Com). D’autres y sont peu représentés comme les contours de question (Q), d’interrogation (Int) ou de parenthèse (Par). Le très faible nombre de contours de question rend impossible la comparaison entre ce contour et l’intonation d’implication bien qu’une telle comparaison soit d’autant plus intéressante que l’intonation d’implication peut assumer une fonction interrogative comme le proclame la littérature (Fontaney, 1991) et comme nous le verrons au chapitre 6 de ce travail. Le tableau 4 permet aussi de constater la suprématie écrasante des contours continuatifs, tous types confondus (1297 items au total) ; Les deux autres contours les plus représentés sont les contours de finalité (T) et l’intonation d’implication (pi). On constate également que pour ce qui concerne les pi ambigus (Api

L’examen des jugements du deuxième expert dans le cas des exemplaires non consensuels de l’intonation d’implication (reconnus uniquement par l’expert A ou l’expert C) donne les résultats suivants :