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3 Chapitre 3 : A l’appui d’une mise en perspective pragmatique de l’intonation d’implication : le modèle

3.1 Deux modèles concurrents

3.2.2 Aperçu des différents aspects du modèle genevois

3.2.2.7 Les dimensions et organisations que nous n’utiliserons pas et pourquoi

Dans la volonté assumée par ses auteurs d’élaborer :

« Un modèle global s’appliquant à toutes les dimensio ns de toutes les formes de discours. » (Roulet et al. 2001 : 5)

La version 2001 du modèle genevois décrit d’autres formes d’organisations que celles que nous avons présentées. Nous ne les décrirons pas dans le détail car elles n’ont pas servi notre projet. Cependant, il nous faut brièvement expliquer pourquoi.

La question se pose en particulier pour l’organisation périodique, lieu principal dévolu à la prosodie dans cette version du modèle : comment se fait-il que nous l’ayons laissé de côté ? Précisons d’abord que dans le modèle, l’information prosodique provient d’une part du module lexical où est encodée la prononciation des mots ; elle est d’autre part couplée avec l’information syntaxique dans ce qui est appelé l’organisation phono-prosodique ; enfin, elle est le marqueur principal de l’organisation périodique qui seule fait l’objet d’un chapitre (le chapitre 8) dans l’ouvrage de 2001. Or cette dernière concerne la ponctuation du discours c’est-à-dire la fonction de structuration qu’assume la prosodie pour toute parole prononcée. Comme nous l’avons évoqué au chapitre 2, il se trouve que nous utilisons un autre modèle, issue de la recherche en prosodie, pour rendre compte de cette fonction de structuration de la prosodie. C’est justement pour aborder les aspects non structuraux du fonctionnement de l’intonation d’implication que nous avons choisi un modèle de discours indépendant. Telles sont les raisons qui nous ont

amenée à ne pas utiliser l’organisation périodique malgré son intérêt, en particulier celui de ses propositions d’articulation avec les autres dimensions discursives (voir Roulet et al., 2001, p. 248).

Les organisations informationnelle et topicale qui traitent de la mise en valeur de l’information à transmettre au fur et à mesure que le discours progresse, constituent une problématique centrale pour l’analyse du discours comme pour les études prosodiques puisque l’on sait quel rôle important joue la prosodie dans le marquage du focus. Néanmoins, le chapitre qu’Anne Grobet consacre à ces organisations (le chapitre 9) n’évoque pas l’interface prosodie/discours. Quant à nous, ce n’est pas en terme de structure informationnelle que nous rendrons compte du fonctionnement de l’intonation d’implication.

Des organisations énonciative et polyphonique, sans les utiliser directement, nous retiendrons cependant la notion de discours représenté, qui vient remplacer le terme de discours rapporté dans le modèle de Genève. Eddy Roulet en donne l’explication suivante, qui convient bien à nos observations empiriques :

« Nous utilisons, en suivant l’usage de Fairclough (1988), le terme de discours représenté, plutôt que les termes usuels de discours rapporté ou de reprise, puisque le discours en question n’a pas nécessairement été énoncé antérieurement (il peut s’agir d’une anticipation du discours d’autrui) et qu’il n’est pas nécessairement formulé (il peut être seulement désigné ou implicité) (…). » (Roulet et al., 2001 : note 3 p. 278)

Nous verrons comment l’intonation d’implication est fréquemment utilisée par certains locuteurs dans des mises en scènes polyphoniques impliquant virtuellement leurs contradicteurs.

Enfin, nous n’utiliserons pas non plus à proprement parler l’organisation stratégique, qui, de l’aveu de Roulet lui-même :

« (…) est sans doute la forme d’organisation complexe qui résiste le plus à une description systématique. » (Roulet et al., 2001 : 351)

Le chapitre 12 de l’ouvrage donne trois exemples d’analyses dont il est néanmoins utile de s’inspirer pour traiter des rapports de position actionnelle et de place des interlocuteurs dans le discours. Cependant, cette question est déjà en partie traitée dans le cadre de la dimension référentielle (voir en particulier la notion de position actionnelle à l’intérieur du cadre actionnel, section 3.2.2.4. ci-dessus). Aussi, ce chapitre ne proposant pas de nouveaux outils qui nous permettraient de pousser plus loin l’analyse, nous ne nous en servirons pas.

attestées. Il montre aussi comment ce modèle global qui synthétise de nombreux acquis dans la plupart des domaines fondamentaux de l’analyse du discours est plus approprié à notre projet descriptif que des modèles centrés principalement sur un aspect du fonctionnement discursif comme le traitement de l’information pour le modèle de Grosz et Sidner et les relations rhétoriques pour la RST de Mann et Thompson.

Grâce au modèle genevois, nous pourrons décrire non seulement la place que l’intonation d’implication occupe dans la structure hiérarchique et les relations illocutoires et interactives génériques auxquelles elle s’associe le plus souvent, mais nous pourrons aussi évoquer pourquoi certains locuteurs l’utilisent différemment à cause de la situation qu’ils occupent dans le cadre interactionnel. Nous pourrons également montrer comment les actions participatives décrites dans le cadre actionnel sont remplies par les énoncés porteurs de l’intonation d’implication, tout comme nous montrerons comment celle-ci accompagne un certain type d’effets compositionnels.

Pour conclure cette première partie théorique nous rappellerons les points qu’elle nous a permis de retenir pour notre étude écologique de la forme et du sens de l’intonation d’implication en conversation :

L’examen des travaux antérieurs concernant l’interface prosodie/discours présentée dans le chapitre 1 a mis en évidence l’importance de mener une étude située, qui soit capable de rendre compte non seulement du rôle structurel du contour intonatif, mais également des aspects interactionnels de son fonctionnement et des connotations émotionnelles qu’il véhicule.

Les précédents travaux menés en prosodie sur l’intonation d’implication et exposés dans le chapitre 2 signalent à notre attention l’existence d’un contour montant-descendant avec pic sur la pénultième parfois confondu avec lui, parfois distingué. Ils évoquent la dimension emphatique du contour, dont nous chercherons les corrélats phonétiques (alignement). Ils nous suggèrent aussi de tester la possibilité de distinguer deux hauteurs de chute du contour (Mertens, 1990) ou d’associer des variations phonétiques à l’expression du doute versus l’évidence (Martin, 1981).

Quant au chapitre 3 qui présente le modèle genevois, il nous a permis de définir les directions que peut prendre notre analyse discursive pour guider la mise en évidence des différents aspects du fonctionnement pragmatique de l’intonation d’implication.

La seconde partie de notre travail sera consacrée à l’analyse empirique des données prosodiques du point de vue phonétique d’une part, du point de vue discursif d’autre part.