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3.2 Pré-étude MobyPost RP1 : utilisation de 3 OICs

3.2.5 Résultats descriptifs et discussions de la pré-étude

Dans le cadre de nos observations durant la revue de projet, les acteurs ont identifié des problèmes et contradictions qui nécessitent des convergences et une prise de décisions entre les acteurs participants. Nous notons plus particulièrement la convergence ergonomie-mécanique-design industriel sur la largeur du sol et du toit de l’habitacle du véhicule. Le concept ergnomique proposé par l’équipe ERCOS inclut une réduction de la largeur du sol et du toit de l’habitacle du véhicule. En effet, du point de vue des ergonomes, cette réduction doit permettre de diminuer les torsions du cou, et de faciliter la montée-descente répétitive du facteur lors des activités de distibution du courrier. Pourtant, pour les ingénieurs mécaniciens du fabricant, cette réduction implique un éloignement de l’architecture proposée ce qui conduit à des difficultés de fabrication et à une augmentation des coûts. Dans ce cas, les ingénieurs mécaniciens proposent d’augmenter la hauteur du pavillon à la place de réduire la largeur du toit. Cette augmentation de la hauteur s’avère limitante pour le designer industriel en termes de style du véhicule. Afin de trouver une convergence entre les points de vue des acteurs, le designer industriel propose aux ingénieurs mécaniciens d’incliner les côtés de l’habitacle afin de réduire la largeur du toit. Pour les ingénieur mécaniciens, cela peut impliquer une difficulté pour intégrer des portes pour les véhicules. Dans ce cadre, les ergonomes de La Poste indiquent qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter des portes pour le véhicule pour maintenir le confort de montée-descente et l’accès au véhicule.

De ce fait, une convergence a été opérée et un compromis a été atteint par les acteurs métiers. Il s’agit d’une inclinaison latérale pour réduire la largeur du toit et du sol de l’habitacle. De plus, une décision a été prise pour ne pas mettre de portes au futur véhicule.

Un autre point de convergence traité dans la revue de projet est le siège du véhicule et la position des pédales. Les ingénieurs mécaniciens ont demandé aux ergonomes leurs préconisations concernant la hauteur du poste de conduite, les différents angles et dimensions ergonomiques du siège afin de les intégrer lors de la fabrication. Toutes les préconisations ont été jugées réalisables par les ingénieurs mécaniciens.

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Figure 38. la largeur et la hauteur du pavillon

Pour chaque point de convergence dans la revue de projet, nous pouvons observer trois étapes entre les acteurs métiers (Figure 39):

Une étape de définition du problème de convergence : elle consiste à identifier un problème de convergence entre les différents acteurs métiers dans la revue de projet. Il s’agit d’identifier un point de contradiction entre les critères et les contraintes des acteurs comme le fait d’identifier par exemple qu’il y a une contradiction entre la largeur de pavillons (définie par les ergonomes) et la facilité de fabrication (définie par les ingénieurs mécanicien) ou encore entre la hauteur du pavillons et les lignes de style, etc.

Une étape de recherche des solutions pour contourner le problème de convergence identifié : par exemple, proposer d’incliner le côté latéral du véhicule pour diminuer la largeur du toit.

Une étape de vérification et d’évaluation des solutions proposées : par exemple vérifier l’impact de l’inclinaison sur les critères des ingénieurs mécaniciens.

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Figure 39. Trois étapes de convergence

Nous avons observé que les OICs ont été un support aux acteurs métiers dans les phases de convergence dans leurs activités afin d’arriver à un compromis. Nous pouvons associer les activités réalisées par les acteurs métiers aux activités définies dans la littéature par D’Astous et al. (2004) :

Activités de synchronisation mentale : dans ce cadre, les OICs ont fourni une aide aux acteurs pour externaliser et expliquer leurs points de vue individuels, mais aussi pour comprendre le point de vue des autres acteurs afin d’arriver à une compréhension commune du problème. Par exemple, la compréhension des différentes dimensions proposées par l’équipe ERCOS a été complètement supportée par la maquette physique sur la plateforme SArHA (Figure 40).

Figure 40. Une négociation entre les acteurs sur Visioconcept (à gauche), un échange et une synchronisation mentale sur la plateforme SArHA (à droite)

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Activités d’évaluation : les OICs ont aussi aidé les acteurs à évaluer et à tester les solutions et les concepts proposés. Par exemple : le prototype virtuel sur la plateforme de réalité virtuelle a permis aux acteurs d’évaluer et de tester l’accessibilité des boîtes à lettres depuis le poste de conduite (Figure 41) et la facilité de la montée-descente du concept ergonomique proposé.

Figure 41. Un acteur simule la distribution du courrier depuis le poste de conduite (à gauche), un acteur visualise le prototype virtuel du concept d’un point de vue extérieur (à droite)

Activités d’exploration et d’élaboration des solutions : les phases de convergence multidisciplinaire nécessitent aussi des activités d’exploration pour proposer des solutions au problème de convergence. Les OICs étaient aussi un support pour ces activités. Par exemple, les acteurs dessinent des croquis durant la revue de projet afin de proposer des solutions pour le problème de la largeur du toit du véhicule.

Activités de négociation : les OICs ont permis aux acteurs de négocier et argumenter durant la phase de convergence. Pour exemple, nous pouvons citer la négociation de la largeur du pavillon sur la plateforme SArHA.

Nous avons pu voir à travers ce projet en cours que les OICs étaient au centre du processus d’interaction sociale proposé par Hey et al. (2007) (Figure 42). Ce processus commence par une extériorisation des points de vue individuels des acteurs pour les rendre plus explicites. Ensuite, des confrontations entre ces points de vue sont conduites pour identifier des conflits éventuels. Finalement, une combinaison des différents points de vue par négociation est proposée pour arriver à un point de vue commun. Comme nous l’avons constaté, les OICs ont permis d’aider les acteurs métiers dans leurs interactions sociales pour arriver à une convergence sur le couple produit/usage. En

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effet, les OICs utilisés, dans ce cas de convergence, n’étaient pas de simples objets commissionnaires qui ne faisaient que transmettre des intentions ou des idées. Ils étaient plutôt des objets médiateurs [Jeantet et al., 1996] permettant aux acteurs de faire évoluer les intentions et les idées durant les phases de convergence. Le concept de la cabine, proposé par les acteurs de l’équipe ERCOS pour faciliter la montée/descente du véhicule a évolué à travers les interactions sociales entre les acteurs métiers pour intégrer les contraintes de fabrication et les contraintes économiques. Ces objets étaient ouverts laissant aux acteurs métiers un certain dégrée d’interprétations des idées et des intentions. Par conséquent, les idées étaient interprétées par les acteurs avec des points de vue différents selon leurs enjeux de conception. Pour cela, nous proposons de positionner les OICs utilisés durant ces phases de convergence dans le cadran D (médiateur/ouvert) comme montré dans la Figure 43.

Figure 42. Les OICs au centre du processus d’interaction sociale entre les acteurs métiers [adapté de Hey et al. (2007)]

Figure 43. Le positionnement des OICs utilisés durant la revue de projet dans le cadran D du classement proposé par Jeantet et al. (1996)

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Globalement, cette pré-étude qui se voulait exploratoire nous a permis d’illustrer la manière dont sont utilisés les OICs lors des phases de convergence. Elle nous montre la manière d’utiliser les OICs pour supporter la collaboration entre les acteurs métiers dans les phases de convergence multidisciplinaire. Les OICs ont permis notamment de faire cohabiter les différentes disciplines liées à la conception, à travers des représentations communes du couple produit/usage malgré les difficultés de communication.

Cependant, nous observons plusieurs limites et points particuliers lors de cette revue de projet. Dans le cas du prototype virtuel, la réalité virtuelle a donné la possibilité de voir le concept ergonomique proposé par l’équipe ERCOS de manière plus réaliste à l’échelle 1/1. Les acteurs métiers ont pu aussi simuler dans une certaine limite la distribution du courrier en termes de gestuelle, de position du poste de conduite et de visibilité extérieure et intérieure. Cette simulation commune de l’usage par les acteurs métiers a créé une meilleure compréhension de l’importance des exigences des ergonomes et une confrontation mutuelle sur des parties du véhicule en cours de conception et en avance de phase du projet. Il apparaît, sur la base de cette première approche, que dans le cadre de l’analyse de l’usage du véhicule, l’apport de la technologie de la réalité virtuelle reste très intéressant pour la convergence sur le couple produit/usage. Cependant, la qualité de la collaboration entre les acteurs métiers a été limitée sur la plateforme Prevercos. Nous constatons en effet un manque d’interactions entre les acteurs métiers et le prototype virtuel. Ainsi, lors des entretiens semi-directifs, le designer industriel et le concepteur mécanicien ont émis le besoin de faire certaines modifications sur le prototype virtuel afin d’expliquer leurs idées. Ils ont évoqué les difficultés rencontrées pour dépasser la phase de commentaires et pour proposer des modifications. Nous citons, par exemple, le besoin du designer industriel de modifier le concept du tableau de bord afin d’améliorer la visibilité du courrier. Nous parlons ici d’interactions au sens de Broberg et al. (2011) « object-in-the-making » déjà présenté dans le chapitre précédent. En effet, ici, le prototype virtuel est présenté aux acteurs métiers dans un état qui demande à évoluer par la collaboration de ces acteurs pour apporter une meilleure compréhension commune et une évolution du produit. L’idée émise par les acteurs métiers revient à ce que le prototype virtuel soit plus interactif afin de le faire évoluer sur la base de modifications, d’évaluations, d’annotations…. Cela devra rendre l’OIC plus médiateur et accorder les acteurs métiers plus de marge de manouvre de modifications [Mer et al., 1995]. Ces interactions pourraient faciliter les échanges entre les acteurs métiers et les aider ainsi à mieux exprimer leurs idées. Ce constat nous permet de poser notre première hypothèse de recherche H1 :

H1: L’ajout d’interactions (au sens object-in-the-making de Broberg) dédiées aux acteurs métiers par l’intermédiaire de l’OIC permet d’améliorer la qualité de la collaboration et donc la convergence sur le couple ‘produit-usage’.

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Tout comme pour le prototype virtuel, nous avons pu observer l’apport de la maquette physique par l’intermédiaire de la plateforme SArHA. Cette maquette a été utilisée comme une représentation commune entre les acteurs pour échanger sur les dimensions ergonomiques choisies par les ergonomes. Pourtant, cette maquette physique atteint ses limites aux termes de la simulation de l’usage du futur produit et de l’expérience de l’usage. En effet, des croquis ont été utilisés pour explorer et communiquer de nouvelles idées aux autres acteurs métiers. Cela a été fait pour compléter la maquette physique qui ne permettait pas facilement « d’expérimenter » les solutions envisagées. On retrouve ici la même limite que pour le prototype virtuel : la maquette physique n’est pas complétement suffisante en elle-même pour fournir le support de réflexion et de collaboration aux acteurs métiers. Cela illustre et confirme l’intérêt de notre l’hypothèse H1.

Nous avons observé que les OICs ont été utilisés de manière différente durant les phases de convergence. Nous constatons que de par leurs natures différentes (2D, 3D, numérique, physique, etc.) les apports semblent être eux aussi différents. Ainsi, avoir recours à des OICs implique la compréhension de leur influence sur la qualité de la collaboration entre acteurs métiers et sur les objectifs visés par ces acteurs dans les phases de convergence multidisciplinaire sur le couple produit/usage. Ce résultat confirme l’intérêt de notre deuxième hypothèse de recherche H2 :

H2 : Le choix des OICs impacte la qualité de la collaboration et les objectifs traités par les acteurs métiers durant la convergence.

Le schéma dans la Figure 44 illustre l’étape actuelle de notre démarche que nous proposons pour traiter nos expérimentations.

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Figure 44. Schéma représentant les étapes de nos expérimentations (état1)

L’objectif de la partie suivante est de présenter notre première série expérimentale afin de vérifier notre première hypothèse de recherche H1. Pour valider cette hypothèse, nous nous plaçons dans le cadre des technologies de la réalité virtuelle.

3.3 Série expérimentale 1 : valorisation de la collaboration en réalité