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HI. La prépondérance de l'objectif d'orientation

V. Résultat de l'analyse

1. Le but comme critère déterminant

Après avoir passé en revue les divers critères susceptibles de qualifier juridiquement les taxes d'orientation, il apparaît clairement qu'un seul 148 C'était le cas pour la taxe vaudoise sur les pneus à clous; voir A TF Touring-Club

Suisse, 99 la 236 (241).

d'entre ces derniers permet de distinguer ce type de contributions publiques des autres catégories. Les taxes d'orientation sont en effet caractérisées par l'objectif particulier pour lequel elles sont mises en oeuvre.

La distinction entre impôts d'orientation et taxes causales d'orientation, qui se fonde sur le rapport plus ou moins étroit entre les redevances d'orientation et une prestation ou un avantage étatique particulier, ne fait que préciser la notion juridique fondamentale de taxe d'orientation. Dans une perspective constitutionnelle, l'importance de cette subdivision, ainsi que nous aurons l'occasion de nous en rendre compte par la suite, n'est pas à surestimer. Pour le particulier, c'est le caractère interventionniste de l'action de l'Etat qui aura le plus d'influence sur la sphère de protection que la Constitution lui accorde.

La difficulté principale, au stade de la qualification juridique, réside dans l'identification d'une taxe d'orientation. Ce problème ne nous semble toutefois pas insurmontable. L'interprète dispose de nombreux moyens pour déceler une tendance incitative auprès d'une contribution publique, que ce soit dans le texte de la réglementation ou dans les intentions de l'auteur de la mesure. Une foule d'indices sont de même susceptibles de confirmer ou d'infirmer les conclusions auxquelles l'exégèse aura conduit.

2. La définition des taxes d'orientation

Par taxe d'orientation, nous entendons ainsi une contribution publique prélevée par une collectivité publique dans le but prépondérant d'influencer le comportement des individus, c'est-à-dire de servir d'instrument d'une politique étatique de caractère dirigiste.

Précisons chacun de ces termes:

Contribution publique: en ce sens qu'il peut s'agir aussi bien d'un impôt que d'une taxe causale.

Collectivité publique: cela vise la Confédération, les cantons, mais également les collectivités et établissements publics décentralisés à qui le pouvoir d'imposition a été délégué.

L'objectif prépondérant: il s'agit du but objectivement visé par le législateur, décelé au moyen des règles d'interprétation reconnues et également à l'aide d'indices (le caractère spécial de la réglementation, l'affectation des ressources, l'emploi de notions indéterminées, les effets prévisibles ou constatés de la mesure).

Cet objectif doit, en outre, être prépondérant, c'est-à-dire laisser clairement à l'arrière-plan le but de procurer des ressources financières à la collectivité publique.

En cas de doute sur la prépondérance d'un objectif sur l'autre, et dans la mesure où l'on peut démontrer l'existence d'un but d'orientation suffisamment important pour remettre en question le caractère purement fiscal d'une redevance, la qualification de taxe d'orientation ambivalente doit être retenue.

L'influence sur le comportement des individus: la collectivité publique en cause entend exercer une pression sur le comportement des personnes qu'elle frappe de la taxe, au moyen d'un taux ou d'un montant censé orienter leur comportement dans une direction jugée plus favorable à la politique en cause. Parallèlement, la taxe peut servir à financer des mesures d'encouragement pour un comportement jugé conforme à la politique étatique que la taxe met en oeuvre.

Une politique étatique dirigiste: ce dernier terme est pris dans un sens largei49. Il tend à montrer que l'Etat cherche à diriger les 149 Neumark, Grundsatze, p. 224, distingue entre "Steuerdirigismus", qui concerne toutes les mesures fiscales destinées à favoriser ou défavoriser des groupes économiques, des branches de production ou des moyens de consommation, et

"Steuerinterventionismus", qui concerne les mesures fiscales qui tendent à agir sur les agrégats économiques tels que l'emploi, la production, le niveau des prix, etc.

Cette distinction ne sera pas reprise ici, le terme "diriger" étant pris dans son acception large de conduire l'économie.

particuliers au moyen d'une pénalisation d'un comportement par le biais d'une contribution publique, destinée à inciter à un autre comportement.

Ce comportement sera, très souvent, de type économique (importation, exportation ou production de certains biens, par exemple), mais pas nécessairement: un comportement polluant ou entraînant une forte consommation d'énergie, par exemple, pourra également se voir frappé par une redevance incitative.

3. Les éléments essentiels des taxes d'orientation

Etant donné les multiples possibilités d'utilisation des contributions publiques en tant qu'instruments d'orientation, il ne s'agit ici que de donner un aperçu, de caractère très général, des caractéristiques typiques des redevances d'orientation. Cet aperçu qui résulte de l'observation de ces redevances sera mis en évidence de façon plus approfondie dans la partie spéciale, consacrée à la présentation de quelques taxes d'orientation du droit actuel.

On peut résumer les éléments essentiels des taxes d'orientation de la façon suivante:

Les contribuables sont, en règle générale, les personnes dont le comportement est jugé contraire à la politique étatique en question (les importateurs, les producteurs qui dépassent le quota admis, les entreprises responsables d'émissions polluantes, par exemple).

Le taux ou le montant perçu doit permettre d'engendrer une modification de comportement. La plupart du temps, le taux est ainsi fonction de facteurs économiques variables. Pour les produits agricoles, par exemple, le prix des cours mondiaux, l'importance de la production et de la consommation indigène, sont des éléments déterminants.

L'assiette dépend de la politique étatique en question. D'une manière générale, l'assiette doit permettre d'évaluer la valeur économique du comportement à orienter. S'agissant par exemple de

limiter l'importation ou la production de certains biens, l'assiette est fonction de la quantité importée ou produite.

Les montants obtenus par ces contributions sont en général affectés à des mesures d'encouragement qui permettent de renforcer la politique étatique visée. Il s'agit presque toujours de financer l'attribution de subventions en vue de favoriser le comportement jugé souhaitable ou nécessaire.

En définitive, les caractéristiques des taxes d'orientation sont toutes asservies au but que le législateur entend poursuivre. Elles tendent à maximiser les chances que l'objectif visé par le prélèvement de la contribution soit effectivement atteint.

CHAPITRE 3

LES TAXES D'ORIENTATION DANS LE DROIT