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La compétence de prélever des taxes d'orientation

POUR METTRE EN OEUVRE DES TAXES D'ORIENT A TI ON

III. La compétence de prélever des taxes d'orientation

Cette question ayant déjà fait l'objet de nombreuses étudeszt, nous ne l'examinerons pas dans toute sa profondeur, mais nous nous contenterons d'en tracer les points essentiels.

Il s'agit principalement de savoir sur quels fondements constitutionnels la Confédération peut mettre en oeuvre des taxes d'orientation (ci-après 1.). En outre, nous exposerons les principes selon lesquels la compétence cantonale, dans ce domaine, doit se déduire par rapport à la Constitution (ci-après 2.).

1. La compétence de la Confédération A. Le problème

La compétence de la Confédération pour prélever des taxes d'orientation peut tout d'abord se déduire d'une base constitutionnelle expresse qui énonce à la fois l'emploi de l'instrument fiscal et le but à atteindre. C'est le cas de l'imposition de l'alcool à des fins de limiter la consommation de ce produit, qui peut se fonder, sans autre, sur l'article 32bis Cst. Ce cas ne pose pas de problèmes particuliers.

Eri revanche, on peut aussi se poser la question de savoir si une base constitutionnelle expresse, se prononçant sur les deux éléments essentiels des taxes d'orientation (l'instrument et son but), est toujours indis-pensable pour permettre à la Confédération de mettre en oeuvre des redevances incitatives. Deux hypothèses peuvent se présenter, qu'il convient d'analyser séparéme~t. D'un côté, la Constitution prévoit, pour la Confédération, un certain objectif à atteindre, mais non l'emploi précis de l'instrument fiscal comme moyen d'atteindre ce but (ci-après B). D'un autre côté, la Confédération dispose de la compétence de prélever diverses contributions publiques, sans que la Constitution ne se

21 Pour un résumé des diverses opinions, voir Diriwlichter, Lenkungsabgaben, pp. 103 ss; plus récemment, Vallender, Lenkungsabgaben, pp. 74 ss.

prononce sur une utilisation de celles-ci à des fins autres que fiscales (ci-après C).

B. La compétence implicite déduite d'une attribution matérielle

Il s'agit de vérifier si, sur la base d'une compétence constitutionnelle expresse attribuant à la Confédération le pouvoir d'exercer certaines tâches particulières (politique économique, protection de l'environne-ment, par exemple), peut se déduire implicitement le pouvoir de pré-lever des taxes d'orientation destinées à encourager la réalisation de ces attributions.

a) Insuffisance de la distinction entre impôts et taxes causales comme critère

Nous avons constaté que les redevances d'orientation pouvaient être rattachées tant à la catégorie des impôts qu'à celle des taxes causales, même si en règle générale, elles se présentent plutôt sous la première forme. Il pourrait sembler logique, suite à ce qui a été dit plus haut (point I, chiffre 2), de conclure que, dans le premier cas, la mise en oeuvre d'un tel instrument devrait être expressément prévue dans la Constitution, et non dans le second22, dans la mesure où il serait possible de déduire une compétence implicite de prélever une taxe causale dans le cadre d'une tâche déterminée.

Ce point de vue ne peut cependant prévaloir, s'agissant de contributions publiques à but d'orientation. En effet, dès lors que l'Etat entend utiliser celles-ci comme instruments d'une politique étatique, la question de la compétence de prélever de telles redevances est étroitement liée à celle de la compétence de réaliser une tâche particulière.

Une telle compétence ne dépend pas de la question de savoir s'il est possible de rattacher une contribution publique à une prestation étatique.

22 Cette opinion est soutenue par Müller-Stahel/Rausch, Der Umweltschutzartikel, p. 48.

En effet, nous avons pu vérifier que n'importe quelle contribution publique pouvait servir à conduire une tâche étatique déterminée, qu'il s'agisse d'un impôt ou d'une taxe causale. Il serait, en conséquence, illogique d'admettre un pouvoir implicite dans un cas plutôt que dans l'autre. A cela s'ajoute que la distinction entre impôt et taxe causale est purement formelle, et que ces deux catégories de redevances peuvent, dans une certaine mesure, être substituées23.

C'est ainsi qu'il peut se révéler difficile de distinguer certains impôts prélevés sur un petit nombre de personnes des taxes causales indépendantes des frais. On songera, par exemple, à la différence purement formelle, de ce point de vue, entre l'impôt sur les plus-values immobilières et la contribution de plus-value (charge de préférence indépendante des frais)24.

Il s'avère donc nécessaire de rechercher d'autres critères pour élaborer une solution au problème de la compétence de la Confédération pour prélever des taxes d'orientation. A cette question, la doctrine a cependant déjà proposé plusieurs réponses.

b) Les solutions proposées

On peut distinguer deux tendances principales. Il y a, d'un côté, les auteurs qui admettent la compétence implicite fédérale par connexité matérielle. L'autre côté est représenté par ceux qui font valoir les limites imposées à ce pouvoir implicite par les normes de compétence financière, et adoptent ainsi une position nettement plus restrictive quant à l'admissibilité d'un tel pouvoir.

23

24

Diriwiichter, Lenkungsabgaben, p. 109; Hohn, Lenkungsabgaben, p. 88.

Diriwiichter, ibid., pp. 108 ss; Hohn, Geleitwort, pp. 11 ss.

aa) La compétence implicite par connexité matérielle

Ces auteurs25, partent du point de vue que les contributions publiques (dès lors qu'elles tendent à agir sur le comportement des individus) sont un moyen parmi d'autres permettant de remplir une tâche constitutionnelle, et estiment donc que le pouvoir d'utiliser cet instrument doit pouvoir se déduire implicitement du pouvoir d'exercer une telle tâche. La compétence implicite sera donc admise si la tâche conférée autorise la Confédération à restreindre ou influencer un comportement. La réponse à cette question dépendra surtout de la particularité de la tâche conférée et de la situation socio-économique26, En revanche, aucune base constitutionnelle tirée des normes de compétence fiscale n'est nécessaire, car ces dernières ne visent, en principe, que les impôts à buts fiscaux.

Avec cette théorie, toutefois, le risque est grand d'empiéter sur ce que Thomas Fleiner27 appelle le "substrat" fiscal cantonal, en ce sens que certains comportements, générateurs de rendements pour les cantons, risqueraient d'être réduits par une taxe d'orientation fédérale, et ainsi d'entraîner une diminution des recettes cantonales. Conscients de ce problème, les partisans de cette conception ne s'accordent toutefois pas sur l'importance qu'il convient d'accorder à ce danger. Certains n'y accordent qu'une importance négligeable28 ou modeste29, tandis qu'un autre auteur pense qu'il est nécessaire de ne pas empiéter sur la matière fiscale des cantons3o. même, Innovation, pp. 186, 203; Saladin, Commentaire ad art. 3 Cst., No 130.

Saladin, Commentaire ad art. 3 Cst., No 130.

Rechtsgutachten, p. 311.

Pour R. Auer, Sonderabgaben, p. 178, dans la mesure où la taxe est exclu-sivement déterminée au but qu'elle tend à réaliser, il n'y a plus de place pour le respect de la souveraineté cantonale.

Saladin, Commentaire ad art. 3 Cst., No 130, estime que la contribution d'orientation visée ne doit pas frapper la matière fiscale cantonale "übermiissig, d.h. in einem Missverhiiltnis zum verfolgten Steuerungsziel ( ... )".

B&kli, Rechtliche Aspekte, p. 46.

bb) Les limites de la compétence implicite imposées par les normes constitutionnelles prévoyant la compétence fmancière

Le point de départ de cette conception31 réside dans le point de vue que les contributions publiques non fiscales ne se distinguent pas de façon claire des contributions publiques fiscales, quant à l'effet qu'elles produi-sent sur les particuliers. Les impôts fiscaux ont un effet d'orientation, de même que les redevances d'orientation permettent d'obtenir des ressources. En outre, la distinction "impôt/taxe causale", "impôt géné-raVimpôt d'affectation", ne peut servir de critère pour élaborer des règles de compétences, dès lors que cette distinction ne repose finalement que sur le choix opéré par le législateur pour une catégorie particulière32. A cela vient enfin s'ajouter que la Constitution elle-même ne fait aucune distinction, du point de vue de la compétence constitutionnelle, entre les impôts fiscaux (l'impôt fédéral direct) et ceux qui ont un but compensatoire (la taxe militaire) ou d'orientation (l'impôt sur l'alcool), puisqu'elle décrit une telle compétence explicitement et de façon énumérative dans chacun de ces cas33.

Il en résulte qu'en principe, les normes constitutionnelles de compétence financière ("die Finanzkompetenzordnung") s'opposent à la délégation du pouvoir implicite de prélever des taxes d'orientation, qu'il s'agisse d'impôts ou de taxes causales, de même que toutes contributions publiques fiscales34. Dans tous ces cas, il faut, en conséquence, une base constitutionnelle expresse, même si la tâche conférée à la Confédération autorisait celle-ci à statuer l'interdiction ou l'obligation d'un certain comportement.

Il ne faut cependant pas oublier que l'article 42 litt. h Cst. prévoit des ressources qui ne reposent pas sur une compétence constitutionnelle explicite, tandis que les tâches attribuées à la Confédération ne peuvent

31 32 33 34

Hohn, Lenkungsabgaben, pp. 81 ss; T. Fleiner, Rechtsgutachten, pp. 311 ss;

Diriwiichter, Lenkungsabgaben, pp. 102 ss; Vallender, Lenkungsabgaben, pp. 76 ss.

Hohn, Lenkungsabgaben, p. 89.

Vallender, Lenkungsabgaben, p. 77.

Hohn, Lenkungsabgaben, p. 89.

véritablement être exercées sans que celle-ci ne dispose de certaines ressources35.

La dualité des normes de compétence constitutionnelle qui prévoient en même temps l'attribution de tâches d'une part, le prélèvement de ressources de l'autre, conduit ainsi à une contradiction apparente, en ce que deux règles opposées peuvent en être déduites36. Pour résoudre cette contradiction - et c'est ici que ces différents auteurs se séparent - trois compétence constitutionnelle (l'attribution de tâches, d'un côté, les ressources financières explicitement énumérées, de l'autre) est à replacer dans son contexte historique. Elle signifie que la matière fiscale des cantons ne peut être réduite que si la Confédération y est expressément autorisée. En conséquence, la Confédération ne pourrait prélever implicitement des taxes d'orientation que dans la mesure où elle serait compétente pour prendre d'autres mesures (interdictions, par exemple) qui empiéteraient sur la matière fiscale cantonale de façon identique38.

Pour Hohn39, il résulte de cette contradiction entre deux règles qu'aucune d'entre elles n'est absolue, et qu'il convient d'admettre des exceptions, par voie d'interprétation. Ainsi, des contributions ne peuvent être considérées comme constitutionnelles que si elles sont inévitables ("unerHisslich") pour mener à bien une tâche précise4o.

Ce serait le cas, notamment, si la redevance d'orientation a une

Lenkungsabgaben, p. 91; dans le même sens, Diriwiichter, Lenkungsabgaben, pp. 125 ss, propose, pour résoudre le conflit entre ces deux principes, l'emploi du principe de proportionnalité.

Hohn, Lenkungsabgaben, p. 91.

Ibid., p. 93.

Pour Vallender42, on se trouve en présence de deux objectifs contradictoires : d'une part, la matière fiscale cantonale ne doit pas être amoindrie, de l'autre, l'utilisation d'un moyen efficace pour atteindre certains objectifs ne doit pas se voir empêchée par les normes constitutionnelles de compétence financière. Pour trouver une solution, V allender propose, en vertu du principe d'inter-prétation constitutionnelle de la concordance pratique, une sépara-tion de la compétence de prélever les taxes d'orientasépara-tion de celle d'en tirer les revenus éventuels43. Une telle solution, qui permet de réconcilier les deux objectifs conflictuels, revient à laisser la compétence à la Confédération de prélever des redevances d'orientation, dans la mesure où elles sont proportionnées et nécessaires, et à en laisser le produit aux cantons44.

c) Prise de position

La deuxième conception (ci-dessus bb.) nous semble plus convaincante, en ce qu'il ne nous paraît pas possible de conclure simplement au pouvoir implicite de prélever des redevances d'orientation comme instruments d'une politique attribuée à la Confédération, sans tenir compte des règles de partage de la compétence financière figurant dans la Constitution. Il est en effet manifeste, à la différence du droit allemand pour lequel le concept d'impôt doit correspondre à une définition constitutionnelle précise45, que la Constitution suisse décrit explicitement, de façon énumérative, différentes contributions publiques que la Confédération peut prélever pour mener à bien ses tâches, sans se prononcer en faveur d'une définition constitutionnelle de l'impôt, respectivement des autres contributions publiques.

Il peut s'agir d'impôts à buts fiscaux (impôt fédéral direct, droit de timbre, impôt sur le chiffre d'affaires), de taxes causales (taxe militaire)

42 43 44 45

Lenkungsabgaben, p. 80.

Ibid., p. 80s.

Ibid., p. 81.

Tipke!Lang, Steuerrecht, p. 71; Henseler, Sonderabgaben, p. 16.

ou d'impôt d'orientation (impôt sur l'alcool)46. En conséquence, la règle de partage des compétences financières ne devrait pas être différente suivant la qualification juridique à donner à une contribution publique.

Cependant, le principe qui veut qu'une compétence financière ne soit attribuée à la Confédération que par une disposition expresse, n'a pas valeur absolue. Elle n'est pas contestée pour les impôts, ou du moins pour les "wichtigen, ertragsreichen entsprechend "merklichen", belastenden, zur Deckung des eidgenossichen Finanzbedarfs bestimmte Bundessteuem"47. Elle est moins rigide pour les taxes causales, dès lors ces dernières sont, dans la règle, la contrepartie d'une prestation étatique accordée au contribuable.

En outre, l'article 42 litt. h Cst., s'il n'a pas de valeur juridique attribu-tive de compétence, n'en implique pas moins l'existence d"'autres recet-tes" qui ne sont pas mentionnées expressément dans d'autres normes constitutionnelles4s. A cet égard, nous avons pu constater, à la lecture du chapitre 3, que le droit fédéral agricole, notamment, prévoyait, en se fondant simplement sur l'article 31 bis al. 3 litt. b Cst. par exemple, de nombreuses redevances à rendement non négligeable qui ne trouvent aucune base constitutionnelle expresse. La Constitution se contente, dans cette disposition, d'affirmer que, lorsque l'intérêt général le justifie, la Confédération a le droit, en dérogeant à la liberté économique, d'édicter des dispositions pour conserver une forte population paysanne, assurer la productivité de l'agriculture et consolider la propriété rurale. Faut-il pour autant conclure à l'inconstitutionnalité de toutes ces contributions publiques?

On constate, de surcroît, que l'exigence stricte d'une norme constitution-nelle expresse pour fonder toute contribution publique, quelle que soit sa qualification juridique, risquerait de priver la Confédération d'un instrument parfois indispensable pour mener à bien ses tâches49. Il y a donc bien un conflit entre deux règles de rang constitutionnel, conflit 46 Voir l'article 32bis al. 2 Cst. qui prévoit que la législation sur l'alcool"tendra à

di-minuer la consommation et, partant, l'importation et la production de l'eau-de-vie".

47 Saladin, Bund und Kantone, p. 486s.

48 Hohn, Lenkungsabgaben, p. 90.

49 En ce sens, Diriwachter, Lenkungsabgaben, p. 132.

que l'on ne peut arbitrer qu'en effectuant de cas en cas, pour chaque redevance envisagée, une pesée d'intérêt entre l'importance pour la Confédération, dans le domaine donné, de mener à bien ses tâches au moyen d'une taxe d'orientation, par rapport à l'intérêt au respect des règles constitutionnelles d'attribution des compétences financières.

Il nous semble ainsi que les règles d'attribution de compétence financière ne s'appliquent strictement qu'en présence de contributions publiques destinées, de façon prépondérante, à procurer des ressources à la Confédération. Une exception doit être admise, dans la mesure où la matière fiscale des cantons n'est pas atteinte, en présence de redevances destinées à agir sur le comportement des individus, et qui servent à renforcer la conduite d'une politique étatique que la Confédération doit poursuivre.

Une telle règle ne saurait cependant être admise à la légère.

Nous avons en effet pu vérifier qu'il n'était pas toujours aisé de s'assurer que l'objectif prépondérant d'une redevance était de nature non fiscale, et que certaines redevances pouvaient viser plusieurs objectifs à la fois.

S'agissant d'une règle exceptionnelle, on doit l'interpréter restrictivement. Dans le doute, c'est-à-dire en présence d'une contribution hybride, ou dont l'objectif ne peut être décelé avec certitude, il convient d'opter pour le principe qui offre le plus de protection juridique. Ces redevances doivent donc respecter les règles strictes de compétenceso.

En revanche, on doit admettre que l'intérêt de la Confédération à disposer d'un instrument adéquat et nécessaire à la conduite des tâches que la Constitution lui attribue, l'emporte sur celui du respect strict des règles de partage des compétences financières, aux conditions cumu-latives suivantes:

En premier lieu, la Confédération doit disposer de la compétence d'interdire aux particuliers d'adopter le comportement qui doit faire l'objet d'imposition. En effet, si la Confédération est compétente pour

50 En ce sens également, Arndt, Sonderabgaben, p. 37.

prohiber la poursuite d'un comportement, il nous paraît difficile de soutenir que ce pouvoir n'englobe pas celui d'instituer une mesure moins restrictive, telle une imposition, laquelle ne conduit pas, en principe, à l'abandon pur et simple du comportement, mais ne fait que le freiner.

En respectant cette condition, la taxe d'orientation ne risque pas d'em-piéter sur la matière fiscale cantonale, puisque de toute façon une interdiction d'agir aurait privé les cantons de toute possibilité de recettes sur le comportement visé.

Encore faut-il, selon Fleiner5t, que dans ce cas, le montant de la taxe ne dépasse pas celui des coûts que l'adoption du comportement incité par la redevance aurait causé à la personne visée par une mesure directe. En effet, dans le cas contraire, les recettes fiscales cantonales risqueraient de se voir amoindries. Cette exigence risque cependant de poser de délicats problèmes d'évaluation. Certes, les recettes cantonales peuvent se voir diminuées, si une taxe d'orientation dépasse le montant des coûts nécessaires à une entreprise pour adopter directement le comportement que la taxe tend à favoriser, car, dans cette hypothèse, les revenus de l'entreprise frappée vont diminuer d'autant, ce qui va réduire l'impôt cantonal sur le rendement de cette entreprise. Cependant, d'un autre côté, la diminution du comportement dommageable est susceptible, comme l'a relevé Vallender52, de réduire d'autres dépenses du budget cantonal.

En présence d'une règle difficilement praticable, il n'y a pas lieu de poser des exigences irréalisables. Il convient de s'inspirer des règles du principe de proportionnalité53, Si, en principe, une taxe d'orientation ne doit pas empiéter sur la matière fiscale cantonale, le principe de proportionnalité commande que, dans les situations où l'évaluation du montant admissible de la taxe d'orientation devient un obstacle insurmontable à la mise en oeuvre d'instruments pourtant indispensables à atteindre l'objectif visé, une solution adéquate soit trouvée qui respecte le mieux possible ces deux exigences.

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Rechtsgutachten, p. 311; le même, Commentaire ad art. 24septies Cst., No 78s.

Lenkungsabgaben, p. 80.

En ce sens, Weber-Dürler, Praktikabilitiit, p. 209s.

En deuxième lieu, la mise en oeuvre de taxes d'orientation devra respecter strictement le principe de proportionnalité54. Cette exigence se justifie d'autant plus si l'on admet que l'institution de taxes d'orientation, ne pouvant se fonder qu'implicitement sur des normes constitutionnelles de compétence matérielle, provoque en soi une restriction aux normes de partage des compétences financières. De ce point de vue, et nous aurons l'occasion de préciser plus avant ce que le concept de proportionnalité recouvre 55, la taxe d'orientation devra être propre à atteindre les objectifs que la Constitution attribue à la Confédération, elle devra être nécessaire à la réalisation de ce but et ne pas être plus restrictive que l'exige ce dernier.

En troisième lieu, comme il est manifeste que les redevances d'orientation produisent un revenu - à l'exception de celles qui sont prohibitives (hypothèse plutôt rare) -, il nous semble que le montant de celles-ci doit être affecté à des mesures permettant de renforcer l'objectif visé ou bloqué, car sinon le risque d'un détournement de l'objectif visé initialement ou prétendument visé ne peut être évité complètement.

On le constate, la conception proche de celles de Hahn et de Diriwachter - que nous adoptons ici, avec quelques nuances et une adjonction quant à la nécessité, de principe, d'affecter les revenus produits par les taxes d'orientation - nous semble répondre le mieux à ce double objectif constitutionnel contradictoire : assurer la réalisation des tâches de la Confédération de façon optimale, d'un côté; éviter un transfert des compétences financières des cantons vers la Confédération, de l'autre.

Par contre, la solution de Vallender, qui consiste à séparer la compétence de prélever de celle de recevoir les revenus d'une taxe d'orientation, ne nous semble pas correspondre à la conception de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons prévue dans la Constitution56.

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En ce sens également, Diriwiichter, Lenkungsabgaben, pp. 133 ss.

Voir infra, chapitre 2, III.

Voir infra, chapitre 2, III.