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Les critères indépendants du but poursuivi

HI. La prépondérance de l'objectif d'orientation

IV. Les critères indépendants du but poursuivi

1. Introduction

Après avoir tracé la perspective essentielle pour appréhender les taxes d'orientation, à savoir l'objectif visé, il est nécessaire d'examiner comment cette approche s'intègre dans les différentes catégories de contributions publiques admises jusqu'ici (impôt, impôt d'affectation, taxe causale). En effet, à ce stade, nous n'avons pas encore examiné le rattachement possible des taxes d'orientation à l'une ou l'autre de ces catégories. A cette fin, nous nous proposons d'envisager l'examen des taxes d'orientation selon les critères qui ont également été utilisés jusqu'alors pour opérer une qualification juridique distincte des diverses contributions publiques, critères qui ne tiennent pas compte des objectifs (fiscaux ou non) visés par celles-ci.

2. Le lien entre le prélèvement et une prestation de l'Etat A. Le critère et sa justification

L'analyse du système actuel des contributions publiques, à laquelle nous avons procédé dans le chapitre premier, nous a conduit à distinguer deux catégories de redevances: les impôts et les taxes causales. Le critère est simple: dans la mesure où l'état de fait sur lequel repose la contribution correspond à une prestation ou à un avantage objectivement équivalent accordé par l'Etat au contribuable, on se trouve en présence d'une taxe causale (émolument, charge de préférence ou taxe de remplacement), dans le cas contraire, la contribution publique doit être qualifiée d'impôt.

Cette distinction, appliquée de façon ininterrompue par le Tribunal fédéral68 et la doctrine69, est d'importance en ce qu'elle entraîne, on l'a constaté, des conséquences juridiques fort diverses pour chacune des catégories qu'elle permet de départager. De surcroît, elle est censée opérer une subdivision exhaustive entre les diverses contributions publiques7o.

Peut-on appliquer, sans autre, un tel critère aux redevances d'orientation, ou doit-on constater son inaptitude à caractériser ce type récent de contribution ? C'est ce qu'il convient d'examiner maintenant.

B. Un critère inadéquat?

a) La théorie de Auer

Res Auer, remettant en cause le système des contributions publiques, estime que la subdivision de base n'a plus qu'un caractère historique71, pour avoir été mise en place à une époque où des redevances d'un type nouveau (contribution de plus-value, taxe pour l'environnement, etc.)

68 Voir supra, chapitre 1, III. 1.

69 Voir supra, chapitre 1, II. 1. A. a.

70 "Tertium non datur", Vallender, Kausalabgabenrecht, p. 33.

71 Sonderabgaben, p. 34.

étaient inconnues. Il propose de revenir à la conception de Mayern, pour qui l'impôt est une prestation en argent prélevée par la puissance souveraine pour couvrir les besoins financiers, mais selon une norme générale.

Cette définition, selon R. Auer, permet à Mayer, d'une part, de distinguer l'impôt des émoluments et charges de préférence, car ces derniers reposent sur une contre-prestation étatique, et d'autre part, d'opposer l'impôt aux amendes et à ce que Mayer appelle le

"Kostenersatz", à savoir la couverture des coûts particuliers par ceux qui les ont causés. L'impôt, à la différence de ces deux derniers types de prélèvements, a pour but en effet de procurer des ressources financières à l'Etat. Selon Mayer, ainsi, l'inconditionnalité de l'impôt n'est pas synonyme de "sans contre-prestation", car elle doit permettre de distinguer également l'impôt des amendes, ainsi que du "Kostenersatz"

"und überhaupt von allen besonderen Zweckzusammenhangen"73.

L'inconditionnalité de l'impôt signifie ainsi, selon R. Auer, "ohne besonderen Verpflichtungsgrund"74. Le critère décisif, valable pour distinguer toutes les prestations en argent, fiscales ou non, réside dans la cause du devoir de paiement, c'est-à-dire dans la raison juridique qui motive le prélèvement75.

La subdivision (entre impôts et taxes causales) présentée comme exhaustive par la doctrine helvétique dominante, est, selon R. Auer, viciée à la base, car elle ne peut recouvrir celle des redevances spéciales à but d'orientation, ou de compensation.

Les taxes d'orientation, en particulier, ne reposent pas sur une contre-prestation étatique, ce qui exclut la qualification de taxe causale. En outre, elles ne sont pas inconditionnelles (au sens de "ohne besonderen Verpflichtungsgrund"), puisqu'elles sont motivées par des considérations

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Deutsches Verwaltungsrecht, 3e éd., Münich 1924, p. 316 "Die Steuer ist eine Geldzahlung, welche dem Untertanen durch die offentliche Gewalt auferlegt wird schlechthin zur Vermehrung der Staatseinkünfte, aber nach einem allgemeinen Masstabe".

R. Auer, Sonderabgaben, p. 30.

R. Auer, Sonderabgaben, p. 34.

Ibid., p. 31, "Steuer und nichtsteuerliche Abgaben unterscheiden sich im rechtlichen Grund der Leistungspflicht", avec référence à Otto Mayer.

juridiques spéciales. La qualification d'impôt est donc tout aussi bien exclue.

De telles redevances appartiennent, par conséquent, à la catégorie nouvelle des "Sonderabgaben"76.

b) Prise de position

La construction deR. Auer, pour ingénieuse qu'elle soit, ne nous semble pas pour autant valable en droit suisse, et cela pour plusieurs raisons:

Tout d'abord, si à l'époque où Ernst Blumenstein a établi en Suisse la distinction entre impôts et taxes causales, les redevances à buts non fiscaux étaient inconnues, on voit mal pourquoi il en irait autrement de la classification proposée à la même époque par Mayer, à laquelle précisément E. Blumenstein se réfère77. Il n'est pas inutile de replacer les choses dans leur contexte, car Blumenstein expose, déjà dans son ouvrage de 1926, "Schweizerisches Steuerrecht", p. 9 : "Gewollt oder ungewollt konnen sich jedoch bei der Steuererhebung auch weitere Wirkungen geltend machen, welche die Stellung gewisser Steuerarten, sei es verwaltungsrechtlich, sei es volkswirtschaftlich in ein besonderes Licht rücken (sog. "Nebenwirkungen der Steuer"( ... ). Je nach dem Standpunkte des Beobachters konnen diese letztern den fiskalischen Zweck an innerer Bedeutung sogar überragen oder ibn auch vollig in den Hintergrund drangen". L'utilisation des impôts à des fins autres que fiscales était donc parfaitement envisagée par Blumenstein.

En outre, le concept de "Kostenersatz" dont parle Mayer, en opposition avec celui d'impôt, se recoupe en droit suisse avec celui d'impôt d'affectation. Comme exemple d'impôt de cette catégorie, Ernst Blumenstein cite l'impôt sur les automobiles78 dont le revenu sert à financer les travaux de réparation des routes. Il s'agit bien ici de faire supporter les coûts étatiques par ceux qui en sont spécialement 76 R. Auer, Sonderabgaben, p. 69.

77 E. Blumenstein, Steuerrecht, p. 1.

78 Ibid., p. 3.

responsables, ce qui correspond à la notion de "Kostenersatz" proposée par Mayer.

Ceci atteste en définitive que le but, fiscal ou non, visé par un impôt, n'est pas, selon Blumenstein, un élément déterminant pour la qualification juridique de cette catégorie.

Ce point de vue se vérifie d'ailleurs dans le droit actuel. En effet, il existe des impôts "inconditionnels", au sens de Auer, qui peuvent avoir pour but, même de façon prépondérante, d'agir sur le comportement des individus. Tel est le cas des droits de douane79, dont la double fonction (création de ressource financière et instrument de politique commerciale) a sans cesse été mise en exergue par la doctrine8o.

Personne, pas même Res Auer81, ne conteste la qualification d'impôt des droits de douane.

Il en va de même de l'impôt sur les boissons distillées82, destiné, selon le texte même de la Constitution, à lutter contre les abus de la consom-mation d'alcool (art. 32 bis al. 1 Cst.).

En conséquence, le concept d'impôt, en droit suisse, n'implique pas nécessairement, selon nous, le but de couvrir les besoins financiers de l'Etat. La définition de l'impôt proposée par Nawiasky83 correspond exactement à ce point de vue: "Steuem sind Geldleistungen, die durch die Rechtsordnung zu Gunsten der Offentlichen Verwaltung ohne besonderen Zusammenhang mit einem von ihr gebotenen V orteil auferlegt werden".

Si la définition juridique de l'impôt est indépendante de l'objectif, fiscal ou non, visé par celui-ci, tel est également le cas de la définition juridique des taxes causales.

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Pour l'analyse des droits de douane, voir infra, 1re partie, chapitre 3, I. 1.

Burckhardt, Kommentar, pp. 212 ss; Bôckli, Indirekte Steuern, p. 265;

Schürmann, Wirtschaftsverwaltungsrecht, p. 232.

R. Auer, Sonderabgaben, p. 71, pour qui l'art. 30 Cst. signifie (contra !egem)

"dass die Zollerhebung zu Einahmen führt und immer auch zu Einahmen führen muss".

Pour l'analyse de cet impôt, voir infra, 1re partie, chapitre 3, VI. 1.

Grundbegriffe, p. 541.

Il est, par exemple, admis que la taxe de parcomètre constitue un émolument. Cela n'a cependant pas empêché le Conseil fédéral de laisser récemment ouverte la question de savoir si cette taxe constituait une taxe d'orientation84 visant à inciter les conducteurs à faire un usage modéré des places de stationnement.

On peut également citer l'exemple de la surtaxe HLM genevoise, qualifiée de charge de préférence indépendante des frais, et qui représente également, selon le Tribunal administratif, "une pénalité visant à inciter les locataires dont le revenu dépasse les normes réglementaires à quitter le logement"85.

Dans ces deux cas, il s'agit manifestement de taxes causales, car de telles contributions reposent sur une contre-prestation étatique : l'installation, la maintenance et la surveillance des parkings pour la taxe de parcomètre, et l'avantage pour un locataire à revenu élevé de pouvoir bénéficier d'un logement bon marché pour la surtaxe HLM.

Cette qualification n'empêche cependant pas la conduite parallèle d'une politique étatique tendant à agir sur le comportement des individus86, En conséquence, on ne saurait, à notre avis, opposer à la dichotomie traditionnelle "impôt/taxe causale" une nouvelle catégorie intitulée

"Sonderabgaben", en affirmant, comme le fait Auer, que la caracté-ristique de cette nouvelle catégorie réside dans l'objectif non fiscal qu'elle tend à réaliser. En effet, nous avons démontré que la poursuite d'objectifs non fiscaux n'était incompatible ni avec le concept d'impôt, ni avec celui de taxe causale.

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86

JAAC 50 (1986) No 14, pp. 94 ss (99).

ATA Pittueo, RDAF 1981 pp. 187 ss (193).

Comp. cependant Knapp, Imposition, p. 227, qui estime que les taxes causales, du moins celles qui sont soumises au principe de la couverture des frais, ne sauraient avoir pour finalité d'orienter l'activité économique. A notre sens, le fait qu'une taxe causale tende à couvrir les frais des prestations de l'Etat n'exclut cependant pas la poursuite, secondaire, d'un but d'orientation; seule la marge de manoeuvre de l'Etat est réduite, en ce qui concerne l'agencement du taux de la taxe, en raison de l'application du principe de la couverture des frais.

Cela posé, nous n'excluons pas que certaines redevances du droit actuel s'adaptent difficilement à la subdivision admise jusqu'ici. Il n'est pas exclu, notamment, que la trilogie traditionnelle des taxes causales (émolument-charge de préférence-taxe de remplacement) ne soit incom-plète pour caractériser certaines redevances qui, sans être incondi-tionnelles, ne se rattachent que de façon imparfaite à cette distinction.

Il en va ainsi par exemple de la contribution de plus-value, qui permet de compenser l'avantage économique qu'un particulier retire des mesures d'aménagement du territoire. La qualification de taxe causale, défendue par la doctrine majoritaire87 et, de façon nuancée, par le Tribunal fédéral88, a ceci de cohérent que, contrairement à un impôt, la taxe en question repose effectivement sur une cause: l'avantage économique accordé par l'Etat à un particulier qui bénéficie des mesures étatiques de planification. Savoir s'il s'agit effectivement d'une charge de préférence ou d'un autre type de redevance causale n'est, à partir de cette conclusion, plus d'un grand intérêt.

L'élément essentiel qui permet de distinguer les contributions publiques traditionnelles (impôts/taxes causales) demeure ainsi, à notre sens, le critère du rattachement possible ou non de la contribution publique à une contre-prestation ou un avantage étatique équivalent89.

C. Le critère et les taxes d'orientation

a) Les impôts et les taxes causales d'orientation

Sur la base de ces prémisses, nous pouvons ainsi conclure à l'existence possible de taxes d'orientation tant dans la catégorie des impôts que dans celles des taxes causales. En effet, si nous sommes parvenu à la conclusion que le but visé par une contribution publique n'était pas un élément essentiel de la définition des impôts ainsi que des taxes causales,

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Voir les auteurs cités à la note 48 supra, chapitre 1, II. 1. A. d.

ATF Hausbesitzer-Verein Basel, 105 la 134 (145s)

=

JdT 1982 pp. 550 ss (558s).

Voir infra, 1re partie, chapitre 3, et comp. Vallender, Kausalabgabenrecht, p. 34.

la qualification de taxe d'orientation n'est pas exclue, dans un cas comme dans l'autre.

On verra par la suite que, en grande majorité, les taxes d'orientation appartiennent à la catégorie des impôts9o, en ce sens qu'il s'agit très souvent de prélèvements inconditionnels sur certains types de compor-tements jugés défavorables (l'importation de certains produits, les activités polluantes, etc.). Mais cela n'exclut nullement l'emploi de taxes causales en tant qu'instrument d'une politique étatique. Dans un "obiter dictum" du fameux arrêt Hausbesitzer-Verein Basel, le Tribunal fédéral ne l'a du reste pas exclu en posant que "le Conseil d'Etat relève, il est vrai, que la contribution de plus-value doit être considérée comme une nouvelle taxe causale à tendance dirigiste ("mit Lenkungscharakter").

Elle a d'une part une fonction de compensation( ... ) d'autre part, elle sert d'instrument de planification urbaine, destinée à contrecarrer la dimi-nution de la population urbaine"9I.

Pourtant, dans un arrêt ultérieur concernant la qualification juridique à donner à la contribution de remplacement exigée des propriétaires dispensés de l'obligation de construire un abri, notre Haute Cour, hésitant entre la qualification de contribution de remplacement ou d'impôt spécial, a cependant affirmé que "für eine Qualifikation als Steuer spricht der Lenkungscharakter, den die Abgaben für den privaten Schutzraumbau haben sollen"92. Sur la base de l'arrêt Hausbesitzer-Verein précité, le Tribunal fédéral n'aurait cependant pas dû s'arrêter sur cet élément qui ne plaidait, à notre sens, ni en faveur de la qualification d'impôt, ni de celle de taxe de remplacement. Du reste, notre Haute Cour nous paraît avoir clairement penché en faveur du rattachement de la redevance dont il est question à la catégorie des contributions de remplacement (taxes causales), puisqu'elle affirme plus loin que cette contribution n'est en tout cas pas inconditionnelle, étant donné qu'elle présuppose la construction ou la transformation d'une maison sans abri.

90 Dans le même sens: Knapp, Précis, No 2799; F. Gygi, Verwaltungsrecht, p. 282;

Bêickli, Indirekte Steuern, p. 57, qui parle, pour cette raison, de "Lenkungs-steuern"; contra, R. Auer, Sonderabgaben, pp. 141, 146 ss.

91 ATF 105 la 134 (147)

=

JdT 1982 pp. 550 ss (559).

92 ATF Baugenossenschaft H., 1121b 358 (367).

Ici encore, il s'agirait d'un exemple de taxe causale poursuivant parallè-lement, ou accessoirement, à tout le moins un but d'orientation.

En revanche, on ne saurait suivre le point de vue de la Division fédérale de la Justice, dans son avis du 25 août 196793, où, ayant à juger de la qualification juridique de diverses taxes du droit agricole, elle est arrivée à la conclusion que de telles "moderne, wirtschaftspolitisch motivierte und damit unmittelbar interventionistische, d.h. zur Lenkung der Wirtschaft eingesetzte ôffentliche Abgaben"94 constituaient des taxes causales. Selon son point de vue, une telle qualification est motivée par le fait que, dans ces cas, l'avantage étatique octroyé par l'Etat consiste en une restriction moins incisive (la taxe à l'importation, par exemple) qu'une autre mesure nettement plus pénalisante (une interdiction d'importer) que l'Etat pourrait tout aussi bien mettre en oeuvre. En d'autres termes, en instituant une taxe d'orientation, l'Etat renonce à adopter une mesure plus restrictive, une interdiction ou une obligation de comportement, ce qui constitue un avantage pour les particuliers.

Cette opinion ne saurait cependant prévaloir.

D'une part, elle ne concerne ici que certaines redevances du droit agricole, en particulier les taxes à l'importation de certains produits95, et ne peut, comme telle, valoir pour toutes les taxes d'orientation. Il ne saurait, en effet, être question de renoncement à des mesures étatiques plus sévères, en présence, par exemple, des suppléments sur les impôts fédéraux visés à l'article 31quinquies al. 3 Cst., qui permettraient à la Confédération d'intervenir sur le comportement des particuliers, en augmentant le montant de leurs impôts généraux96.

D'autre part, nous aurons l'occasion de vérifier que les droits de douane, dont la qualification d'impôt n'a jamais été mise en doute par la Division fédérale, peuvent servir à limiter, voire prohiber, les importations de certains produits. Pourtant, si l'on devait suivre le raisonnement tenu par 93

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95 96

JAAC 33 (1966) No 95, pp. 149 ss.

Ibid., p. 150.

Pour l'analyse de quelques exemples, voir infra, 1re partie, chapitre 3, ll. 2.

Pour une description, voir infra, 1re partie, chapitre 3,

m.

1.

cette dernière en matière de taxes agricoles, on pourrait soutenir que l'Etat, dans certaines hypothèses, renonce ainsi à prendre des mesures plus sévères telles qu'une interdiction d'importer, pour se contenter d'imposer le passage des produits en Suisse.

Enfin, même dans les exemples relatés par la Division fédérale, il nous paraît que la qualification de taxe causale n'est pas convaincante. Prenant l'exemple d'une taxe agricole destinée à pénaliser l'importation d'un produit, la Division fédérale estime qu'une taxe de ce type correspond à un avantage étatique représenté par la faculté d'importer, certes limitée, mais encore autorisée. En réalité, l'avantage étatique octroyé par ce système consiste ici, à notre avis, bien plutôt en une revalorisation des produits indigènes, plus chers que les produits importés, dont la production se voit favorisée de la sorte. Or, on a vu que par "cause"

d'une taxe causale, on entend soit une prestation, soit un avantage étatique particulier concédé au contribuable. Cependant, la revalorisation des produits indigènes, si elle confère un avantage au producteur indigène, ne constitue pas la cause de la contribution, au sens utilisé dans le terme "taxe causale", faute d'être prélevée chez celui qui bénéficie de l'avantage en question. En effet, la caractéristique des taxes causales est justement que ces dernières se trouvent être la contrepartie des avantages consentis par l'Etat. On ne saurait, à moins d'élargir la notion de taxe causale, admettre un rapport de prestation/contre-prestation dans le cas où l'Etat prélève une taxe sur des particuliers, alors que les montants de celles-ci représentent une certaine contribution à des avantages octroyés par l'Etat à des tiers.

En résumé, loin d'exclure la catégorie des taxes d'orientation, le critère de la contre-prestation permet au contraire de préciser la qualification juridique de celles-ci, et de démontrer qu'il existe aussi bien des impôts d'orientation ("Lenkungssteuern") que des taxes causales d'orientation ("Lenkungsabgaben'').

Notre point de vue se rattache au courant majoritaire, en ce qu'il n'entraîne pas la reconnaissance d'une troisième catégorie du droit des contributions publiques, indépendante des catégories traditionnelles, qui aboutirait à la trilogie "impôt/taxe causale - redevance d'orientation".

D'un autre côté, cette approche vient greffer sur la dichotomie traditionnelle "impôt/taxe causale" le point de vue de l'objectif prépon-dérant poursuivi, et permet de compléter, par un autre point d'analyse, la qualification juridique. En s'inspirant d'un schéma proposé par Bockli97, on peut, à titre de résumé, proposer le tableau suivant:

IMPOTS

L'importance juridique de la distinction entre impôts et taxes causales d'orientation est toutefois loin d'être fondamentale, dans la perspective constitutionnelle qui nous occupe, ainsi que nous aurons l'occasion de le vérifier dans la seconde partie de ce travail, et cela pour deux raisons.D'une part, les limites constitutionnelles ne sont pas foncièrement différentes entre les impôts et les taxes causales indépendantes des frais9s.

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98 Die Schwerverkehrsteuer, p. 32.

En ce sens, ATF Hausbesitzer-Verein Basel, 105 la 134 (146) = JdT 1982 pp.

550 ss (559): "Mais il n'est pas nécessaire de fixer définitivement la nature fiscale

Or la majorité, si ce n'est la totalité99, des taxes d'orientation peuvent se rattacher à l'une ou à l'autre de ces catégories. La raison en est fina-lement assez simple: si le législateur est limité dans l'aménagement d'une taxe d'orientation par le montant total des coûts que représente la contre-prestation étatique qu'il procure aux contribuables, la marge de manoeuvre est plutôt restreinte. En outre, l'effet pénalisant d'une telle taxe sera bien souvent, pour le contribuable, compensé par la contrepartie fournie par l'Etat. En tout état de cause, il sera difficile, en présence d'un avantage ou d'une prestation étatique correspondant économiquement à la taxe, de démontrer l'existence d'un objectif d'orientation prépondérant.

D'autre part, dans la perspective qui est la nôtre, c'est l'objectif particulier visé par une contribution publique qui est déterminant, et qui

D'autre part, dans la perspective qui est la nôtre, c'est l'objectif particulier visé par une contribution publique qui est déterminant, et qui