• Aucun résultat trouvé

La justification juridique du critère de l'objectif visé

LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES TAXES D'ORIENTATION

II. Le but poursuivi par une taxe d'orientation

1. La justification juridique du critère de l'objectif visé

Selon ce critère, il convient de distinguer les redevances qui ont, de façon prépondérante, pour objectif d'agir sur le comportement des

particuliers, de celles qui tendent principalement à procurer des ressources à l'Etat (le fisc): les secondes appartenant à la catégorie des redevances fiscales, les premières, à celle des taxes d'orientation (''Lenkungsabgaben'').

A notre avis, une telle distinction, malgré ses imperfections et les difficultés qu'elle comporte2, nous semble justifiée, et cela pour les raisons suivantes:

a) La principale d'entre elles, à nos yeux, réside dans les limites constitutionnelles particulières qui vont s'imposer à l'emploi de redevances dans un but d'orientation.

En premier lieu, à partir du moment où certaines redevances servent d'instruments de régulation de l'Etat, la compétence constitutionnelle de la Confédération ne peut plus se déduire d'une simple norme de compétence financière permettant à l'Etat de se procurer des ressources. L'action de la Confédération devra nécessairement se fonder, à tout le moins, sur une compétence constitutionnelle matérielle (aménagement du territoire, politique de l'environnement, politique économique, par exemple).

En deuxième lieu, l'intervention de l'Etat au moyen de la fiscalité sur les comportements des particuliers aura tendance à heurter les droits fondamentaux ou constitutionnels de ces derniers, de façon analogue à d'autres mesures étatiques à caractère contraignant. Or, et on aura l'occasion de le vérifier, un des critères essentiels pour examiner la compatibilité de telles restrictions aux droits fondamentaux consiste dans l'objectif visé par la mesure en cause; dans le motif de l'intervention3.

De ce point de vue, sera déterminant le but spécifique que l'Etat cherche à atteindre par le prélèvement de taxes d'orientation.

2 3

Sur les difficultés de déterminer l'objectif poursuivi, voir infra, 1re partie, chapitre 2,ll.2.

Hangartner, Grundrechte, pp. 82 ss; le même, Eigentumsgarantie, p. 715; le même, Freiheitsbeschrankungen, p. 149; Hafelin/Haller, Bundesstaatsrecht, Nos 1127 ss.

C'est, en particulier, le cas des restrictions à la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31 Cst.) qui ne peuvent reposer, à moins d'habilitation spéciale, que sur des objectifs bien particuliers (notamment de police ou de politique sociale4); il en va de même des atteintes à la garantie de la propriété qui ne peuvent se justifier si elles ont uniquement pour but d'augmenter le patrimoine financier de l'Etat5•

En troisième lieu, le critère de l'objectif visé est également essentiel pour juger de la compatibilité des mesures étatiques avec le droit constitutionnel à l'égalité, ainsi qu'avec les autres principes constitutionnels tirés de l'article 4 Cst. C'est, en effet, également le but visé par une réglementation qui permet, dans une première étape, de vérifier le respect du principe de l'égalité dans la loi, en examinant si l'état de fait visé par la mesure est correctement délimité par rapport à l'objectif poursuivi6. Etant donné que les taxes d'orientation frappent, en règle générale, un petit groupe de particuliers, l'analyse du but poursuivi sera un critère déterminant pour circonscrire et justifier, en regard des exigences de l'article 4 Cst., le cercle souvent étroit des contribuables.

De surcroît, le respect du principe de proportionnalité exige, notamment, que la mesure visée soit propre à atteindre le but recherché tout en respectant le plus possible la liberté de l'individu?. Un examen de l'objectif poursuivi par une taxe d'orientation se révèle donc, là aussi, indispensable pour juger de sa constitutionnalité, dès lors qu'il ne s'agit plus d'examiner une contribution purement fiscale - auquel cas le principe de proportionnalité est d'application restreintes -, mais un instrument d'une politique étatique.

En quatrième lieu, sous le couvert d'une contribution publique nettement fiscale, l'Etat pourrait être tenté de se servir de celle-ci pour conduire une politique à caractère interventionniste. A l'inverse, une taxe d'orientation pourrait être utilisée comme source de financement supplémentaire et ainsi être détournée de son objectif. L'analyse de l'objectif poursuivi permet ainsi de tracer des limites aux interventions

4 5 6 7 8

Sur cette question, voir infra, 2e partie, chapitre 3, II. 3.

Sur cette question, voir infra, 2e partie, chapitre 4, III. 2.

Weber-Dürler, Die Rechtsgleichheit, pp. 66 ss.

Knapp, Précis, No 533.

Sur cette question, Zimmerli, Verhaltnismassigkeit, pp. 112 ss.

de l'Etat dans le domaine fiscal; cela s'impose d'autant plus si l'on adopte le point de vue de certains auteurs pour qui les redevances d'orientation ne nécessitent qu'une base constitutionnelle implicite9.

b) La découverte d'un objectif non fiscal, mais d'orientation, aura également son importance pour l'analyse de la contribution publique elle-même, et notamment pour son application ultérieure aux divers états de faits pouvant se présenter.

Il est admis, en effet, que les normes dirigistes ("Lenkungsnormen") sont à interpréter à la lumière de l'objectif d'orientation particulier qu'elles tendent à réaliserto.

C'est donc cet objectif qui, dans les cas douteux, permettra, par exemple, de confirmer l'assujettissement à la taxe d'orientation en cause, ou au contraire, d'en exempter quelques particuliers dont le comportement ne correspondrait pas à la logique particulière poursuivie par cette redevance.

En conséquence, le fait que l'Etat mette en oeuvre une contribution publique non point pour couvrir ses dépenses, mais pour tenter par ce biais d'inciter à un certain comportement qu'il juge favorable à sa politique, nous paraît entraîner suffisamment de conséquences juridiques pour être utilisé comme critère de distinction des contributions publiques entre elles.

Ceci posé, il convient de vérifier, au préalable, si le critère du but poursuivi par une redevance est susceptible d'opérer une distinction claire entre les taxes d'orientation et les contributions politiques fiscales.

Pour que tel soit le cas, il importe de démontrer dans quelle mesure l'identification d'un objectif d'orientation peut se fonder sur des critères praticables.

9 10

Saladin, Commentaire ad. art. 3 Cst., No 130; Bockli, Rechtliche Aspekte, pp.

45s; R. Auer Sonderabgaben, p. 178.

Tipke/Lang, Steuerrecht, p. 104; Vogel, Die Abschichtung, p. 99.

2. Identification de l'objectif d'orientation

Déterminer l'objectif poursuivi par une redevance nécessite l'interprétation de la norme instaurant une telle mesurell. Nous n'examinerons pas en détail, cependant, la question de la recherche du but visé par une norme, en particulier, par une norme servant à instituer une contribution publique, question pouvant à elle seule justifier une étude approfondie12. Nous nous contenterons d'exposer quelques points de repère permettant de mettre en évidence, face à une redevance particulière, la présence d'un objectif d'orientation.

A. Le but du législateur

Pour pouvoir déterminer l'objectif visé par le législateur, l'interprète dispose de plusieurs méthodes d'analyse, dont aucune n'est censée avoir le pas sur l'autre13. C'est, en effet, de la combinaison de ces diverses méthodes que le but visé par la norme analysée peut et doit se dégager. Il est admis, cependant à l'instar de l'interprétation du sens d'une norme -que le point de départ de l'analyse réside dans le texte de cette dernière14.

L'approche est ainsi facilitée lorsque le but se déduit de façon évidente de la législation en question, soit parce qu'il est défini expressément dans la loi instaurant la taxe d'orientation15, soit parce qu'il résulte de façon

Sur les divers problèmes posés par l'interprétation des normes, voir notamment, Meier-Hayoz Artur, Berner Kommentar, ad. art. 1 CCS, Einleitungsband, Berne 1962, Nos 203 ss; Germann Oscar, Probleme und Methoden der Rechtsfindung, 2e éd., Berne 1967, pp. 66 ss; en droit fiscal, voir, Vallender, Die Auslegung,

Voir, par exemple, les articles 19 al. 1litt. a LAgr qui prévoient le prélèvement de suppléments de prix sur l'importation des matières fourragères, notamment, pour

"maintenir en champ une surface qui facilite l'adaptation de la production aux possibilités de placements ( ... )"; de même, l'article 26 al. 1 LAgr prévoit le prélèvement de taxe sur le lait et la crème de consommation "tant pour assurer un bon ravitaillement du pays en lait( ... ) que pour faciliter la vente du lait à des prix équitables".

indiscutable de la législation. Par exemple, l'article 19 litt. f LAgr et l'article 12 al. 2 de l'ordonnance instituant le régime de l'autorisation pour la construction d'étable16, prévoient expressément que les taxes pour étables qui ne sont pas au bénéfice des autorisations requises doivent être fixées de telle sorte que l'exploitation d'animaux non autorisée ne soit pas rentable. Le Tribunal fédéral a ainsi pu conclure que la taxe en question "ist damit eindeutig Lenkungsabgabe ( ... )"17, dès lors que le but visé par cette taxe se déduit, sans difficulté, des diverses normes dans lesquelles la redevance en cause est réglementée.

Lorsque l'évidence n'est pas de mise, d'autres méthodes d'interprétation sont susceptibles de concrétiser la recherche, notamment la méthode historique, objective ou subjective18, et la méthode téléologique19.

Cela étant, le but visé par le législateur historique n'est pas nécessairement déterminant. Les travaux préparatoires ne fournissent souvent pas une image claire des motifs que le législateur avait en vue risquent de s'écarter d'autant plus rapidement des exigences du moment.

En outre, comme l'expose Junod22, le rapport entre le but officiel de l'intervention et son objectif véritable est parfois inexistant, parce que l'Etat vise, en réalité, un autre but qui s'explique par l'effet résultant de

Vallender, Die Auslegung, pp. 37 ss; A. Grise!, Traité, pp. 135 ss; Knapp, Précis, No422.

Ruppe, Lenkungsinstrument, p. 51.

Knapp, Précis, No 423; A. Grise!, Traité, p. 129s.

Problèmes actuels, p. 645.

En conséquence, seul sera concluant le but d'orientation d'une redevance qui se déduit objectivement de la norme instituant celle-ci23. Il convient ainsi de s'arrêter, pour définir un tel but, non pas sur celui que le législateur avait en tête à l'époque, mais, en définitive, sur la fonction de la redevance en question24 à la lumière du texte sur lequel elle se fonde, des circonstances actuelles et des effets prévisibles ou constatés de cette mesure25.

Cela ne signifie pas que l'intention du législateur historique soit dépourvue de signification. Dans certains cas, le but qui s'en dégage peut correspondre au but objectif de la norme, ou, à tout le moins, servir à l'objectif d'orientation, à l'heure actuelle, est très certainement passé au second plan étant donné l'importante source de revenu que cette imposition représente pour la Confédération.

B. La portée des effets d'orientation

Certains auteurs ont émis des doutes, nous l'avons vu29, sur la classification des contributions publiques en fonction de l'objectif qu'elles tendent à réaliser. En s'appuyant sur l'analyse économique, ils Wirtschaftsverfassungsrecht, p. 77; Junod, Problèmes actuels, p. 645; Hertig, Les aides, p. 24.

Vogel, Die Abschichtung, p. 106; Friauf, Wirtschaftslenkung, p. 22s.

Hertig, Les aides, p. 24; Vogel, Die Abschichtung, p. 106.

Vogel, Die Abschichtung, p. 101.

Knapp, Précis, No 423.

Voir infra, 1re partie, chapitre 3, VI. 1.

Voir supra, chapitre 1, II. 2. A.

démontrent que le fait qu'une norme vise un but d'orientation ne signifie pas encore qu'elle sera pourvue d'un tel effet. Ce sont des facteurs économiques, en particulier, l'élasticité - prix de la demande du produit imposé et l'existence de produits de substitution qui permettront de décider, en pratique, de la prépondérance d'un effet d'orientation (à savoir une modification du comportement) sur l'effet fiscal (à savoir le revenu produit par le prélèvement)30.

Selon nous, cette affirmation, incontestable, ne saurait, d'un point de vue constitutionnel, ôter son importance au but particulier visé par une contribution publique, notamment s'il s'agit pour l'Etat de se servir de celle-ci aux fins d'orienter un certain comportement. Le législateur est lié par le droit constitutionnel, lors de l'élaboration d'une norme3t déjà, et à ce stade, il lui incombe d'effectuer des pronostics sur l'efficacité future de la mesure qu'il entend mettre en oeuvre32. Un tel examen, pour le législateur, est cependant destiné à parfaire l'objectif particulier que l'Etat tend à réaliser par une taxe d'orientation. Dans une perspective constitutionnelle, c'est donc bien cet objectif qui est déterminant.

Les effets qui vont résulter de cette redevance, par la suite, ne sont pas pour autant dénués de pertinence.

Les taxes d'orientation vont nécessairement provoquer deux types d'effets: un effet d'orientation (des contribuables vont modifier leur comportement conformément aux intentions du législateur) et un effet fiscal (la redevance va procurer à l'Etat un certain rendement qui résulte de l'attitude des contribuables qui ne se seront pas laissé influencer par la taxe). Ces deux effets sont inévitables, car, même si le législateur cherche à induire une modification de comportement, il doit compter avec le fait que certains contribuables ne vont pas modifier complètement leur comportement et préféreront s'acquitter de la

30

31

32

Diriwiichter, Lenkungsabgaben, pp. 26 ss; Frey, Lenkungsabgaben, pp. 52 ss.

A. Auer, La juridiction, No 139; le même, Les libertés, p. 5.

Birk, Das Leistungsfahigkeitsprinzip, p. 198; Richli, Rahmenbedingungen, p. 106;

sur les divers problèmes posés par l'évaluation des effets de la mise en oeuvre des lois, voir en particulier Mader, L'évaluation, pp. 41 ss.

redevance; sinon, c'est une véritable interdiction qui aurait constitué la mesure appropriée33.

Il n'en demeure pas moins que si l'Etat cherche, de façon prépondérante, à influencer les comportements, cet objectif doit se traduire dans les faits par un certain effet d'orientation auprès des personnes visées. Cet effet ne doit pas forcément être prépondérant; le législateur incite et donc vise à créer une tendance qui peut se traduire par une modification progressive de l'attitude des personnes visées par la redevance.

Qu'en est-il si des effets différents se produisent, ou si l'on constate que la réglementation adoptée n'a qu'un faible effet d'orientation, c'est-à-dire que la majorité des personnes visées ne modifient pas leur comportement, et qu'en conséquence la taxe d'orientation produit à l'Etat un rendement considérable ?

Cette situation peut s'expliquer de deux manières: soit la mesure n'était pas propre à atteindre le but visé, car le législateur s'est trompé dans ses pronostics, auquel cas elle viole le principe de proportionnalité, soit le législateur visait en réalité un autre but qui s'explique par l'effet obtenu34,

Par conséquent, les effets prévisibles ou constatés d'une taxe d'orientation sur le comportement des individus ne sont pas dépourvus de signification: ils permettent d'éclairer la fonction réelle de la taxe d'orientation, et ainsi de définir le but objectivement visé par le législateur.

L'ambivalence des effets d'une taxe d'orientation implique également que, d'un point de vue constitutionnel, la taxe d'orientation ne doit pas être analysée uniquement sous l'angle des effets recherchés intentionnellement par le législateur3s (la modification des comportements taxés), mais également sous celui des effets avec lesquels 33 34

35

Hohn, Lenkungsabgaben, p. 85.

En ce sens, dans la perspective des effets de limitation de la concurrence d'une mesure étatique, par rapport à l'objectif du législateur: Junod, Problèmes actuels, p. 645; Hertig, Les aides, p. 24.

Contra, Selmer, Steuerinterventionismus, p. 218.

le législateur doit objectivement compter36 (ceux qui résultent du comportement des contribuables qui ne se seront pas laissé influencer par la taxe d'orientation), ou qui se sont effectivement produits.

C. La présentation formelle propre aux taxes d'orientation

Lorsque ni le texte de la norme elle-même ni le but visé par le législateur ne permettent de conclure avec certitude à la présence d'une taxe d'orientation, d'autres méthodes subsistent - qui peuvent, d'ailleurs, servir simplement à confirmer les résultats auxquels l'interprète sera parvenu plus haut.

Si l'on examine les diverses taxes d'orientation de la législation actuelle, on peut en effet relever certaines caractéristiques typiques ayant trait à leur présentation formelle dans la législation. La description sommaire de ces particularités, qui concernent plutôt la technique législative, nous paraît d'importance, car leur présence peut aider l'interprète à identifier une redevance d'orientation.

a) Un caractère d'exception

Les normes fiscales à but d'orientation prennent dans la règle la forme de disposition d'exception ("Ausnahmebestimmung"), ou d'impôt spécial (" Sondersteuer")37.

Il est rare, en effet, qu'une taxe d'orientation prenne pour point d'ancrage un état de fait qui se trouve réalisé par un grand nombre de particuliers. A l'inverse des impôts destinés à couvrir les dépenses de la collectivité, les taxes d'orientation, d'une part, ont pour objet un comportement précis que l'on rencontre auprès d'un groupe délimité et, en général, restreint de contribuables; et, d'autre part, reposent sur des circonstances particulières justifiant le frein de ce comportement. Ces éléments se traduisent, en pratique, par la mise en oeuvre des redevances

36

37 Birk, Das Leistungsfiihigkeitsprinzip, p. 201; Ruppe, Lenkungsinstrument, p. 64s.

Ruppe, Lenkungsinstrument, p. 50; Vogel, Die Abschichtung, pp. 102 ss.

d'orientation dans des lois spéciales, souvent de durée limitée3s, ou, dans le cadre d'une norme générale, sous la forme de dispositions dérogatoires permettant dans des circonstances exceptionnelles de prendre des mesures exceptionnelles39.

Ces caractéristiques ne constituent cependant que des indicateurs imparfaits4o, qui méritent d'être approfondis par la suite au moyen d'autres critères d'analyse.

On relèvera, par exemple, que le fait que les taxes d'orientation ne frappent qu'un petit cercle de personnes, se rencontre également en présence de contributions publiques clairement fiscales. Tel est le cas de l'impôt minimal sur les personnes morales4t prélevé par certains cantons sur des entreprises dont les résultats ne reflètent pas la juste capacité contributive. Il en va également ainsi de certaines taxes causales qui ne visent que les personnes bénéficiant de l'avantage étatique spécial (charges de préférence).

On peut cependant faire valoir que ces deux derniers exemples permettent de concrétiser un principe général, l'imposition selon la capacité contributive, et son corollaire, l'égalité devant les charges publiques42. En général, une taxe d'orientation présente, à l'inverse, une dérogation à ces deux principes43.

38

On en verra des exemples lors de l'examen de diverses taxes d'orientation de droit agricole.

Par exemple, art. 7 de la Loi fédérale sur le tarif des douanes (RS 632.10).

En ce sens, Ruppe, Lenkungsinstrument, p. 51; Vogel, Die Abschichtung, pp.102 ss, est également sceptique et propose de se référer, pour déduire l'exception de la règle, à la "gesetzliche Wertung" instituée par la norme faisant l'objet de l'examen.

Voir, à ce sujet, ATF Migros-Saint-Gall et Schaffhouse, 96 1 560 (572); Migras-Saint-Gall, 102 la 254 (255); Vallender, Die Minimalsteuer, p. 161; Imboden, Minimalsteuer, pp. 194 ss; 1. Blumenstein, Die Minimalsteuer, pp. 1 ss;

Reymond, L'influence, pp. 417 ss.

En ce sens, Knapp, Précis, No 2783, qui estime qu'une charge de préférence résulte de l'application a contrario du principe de l'égalité devant les charges publiques.

Voir infra, 2e partie, chapitre 2, III. 2. et V. 3.

b) L'utilisation de notions juridiques imprécises

Cette caractéristique, typique du droit administratif économique44, se rencontre fréquemment pour décrire à quelles conditions une redevance d'orientation peut être perçue ou comment elle doit être calculée.

Ceci s'explique par le fait que, dès lors que l'Etat entend utiliser une contribution publique comme instrument d'action sur l'économie, l'utilisation de normes imprécises permet de pallier "la difficulté objective de typiser et de saisir dans une norme générale tous les développements et les faits économiques45", C'est ainsi que l'article 19 LAgr, base légale des suppléments de prix qui frappent l'importation des matières fourragères, de la paille et des litières, prévoit à son alinéa 1 que le Conseil fédéral prend de telles mesures "compte tenu des intérêts des autres branches économiques et de la situation du reste de la population". Les droits de douane supplémentaires, selon l'article 23 LAgr, ne peuvent être prélevés que si les importations compromettent le placement de produits agricoles "du même genre", "à des prix équitables", et si celles-ci dépassent "un volume déterminé". Enfin, l'article 26 al. 1 LAgr, base légale des taxes sur le lait et la crème de consommation, prévoit que l'Assemblée fédérale peut prélever ces redevances "tant pour assurer un bon ravitaillement du pays en lait ( ... ) que pour faciliter la vente du lait à des prix équitables ( ... ), en tenant compte des intérêts de l'économie nationale".

Cette particularité, qui ne concerne cependant de façon frappante que les redevances utilisées comme instruments de politique économique, et non toutes les redevances d'orientation46, constitue en conséquence un indice

Cette particularité, qui ne concerne cependant de façon frappante que les redevances utilisées comme instruments de politique économique, et non toutes les redevances d'orientation46, constitue en conséquence un indice