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Instruments de politique conjoncturelle

LES TAXES D'ORIENTATION DANS LE DROIT ACTUEL

III. Instruments de politique conjoncturelle

1. Les "suppléments" sur les impôts et taxes fédéraux

L'article 31quinquies al. 3 Cst. autorise la Confédération, dans le but d'équilibrer la conjoncture, à prélever, en particulier, des suppléments sur les impôts et taxes fédéraux. Les fonds obtenus par cette imposition supplémentaire doivent être stérilisés aussi longtemps que la situation conjoncturelle l'exige. Les impôts et taxes fédéraux directs seront ensuite remboursés individuellement, et les impôts et taxes fédéraux indirects affectés à l'octroi de rabais ou à la création de possibilités de travail (art. 31quinquies al. 3 Cst.). A teneur du Message121, il s'agirait, lorsqu'une poussée de l'inflation menace, de percevoir temporairement des suppléments aux fins de tempérer la demande, donc d'utiliser des contributions publiques dans un objectif de pure politique économique.

L'absence de caractère fiscal est manifeste, selon le texte même de la Constitution, qui prévoit le blocage, puis le remboursement des montants résultant des contributions publiques directes, ou l'affectation des redevances indirectes. On peut donc conclure à la qualification de taxe d'orientation de ces suppléments122. Cet exemple, de surcroît, vient confirmer la thèse que nous soutenonsl23, à savoir que tant les taxes causales que les impôts peuvent servir d'instruments d'une politique étatique. Dans le cas présent, la Confédération pourrait utiliser, en effet, toutes les contributions publiques dont elle dispose en vertu d'autres 121 Message du Conseil fédéral du 27 septembre 1976, concernant un article

conjoncturel de la Constitution, FF 1976 III pp. 693 ss (723).

122 Du même avis, Weissen, Der Konjunkturartikel, p. 176; Richli, Zur Leitung, p. 208.

123 Voir supra, chapitre 2, N. 2. C. et D.

normes constitutionnelles, qu'il s'agisse d'impôts ou de taxes cau-sales124.A cet égard, le fait que le taux de certains impôts soit spécialement ancré dans la Constitution (art. 4lter et 8 DT/Cst.) ne constitue pas un obstacle au pouvoir de la Confédération, car l'article 3lquinquies Cst. représente sur ce point une disposition spéciale, qui déroge à la règle générale des articles 41ter Cst. ou 8 DT/Cst,125,

Comme l'a montré Richli126, l'utilisation, selon le droit actuel, des impôts fédéraux directs à des fins de politique conjoncturelle, se heurte cependant au fait que ces derniers sont calculés selon la méthode praenumerando (selon laquelle la période de calcul est antérieure à la période de taxation). En cas de récession, les salaires et revenus diminuent, de telle sorte que la charge fiscale calculée sur une période antérieure est encore plus f01te, ce qui accroît encore la tendance à la diminution de la demande127. Dans la mesure où la méthode de calcul praenumerando serait maintenue, dans le cadre de la réforme de l'impôt fédéral direct qui est actuellement en cours12s, l'utilisation efficace de cet impôt à des fins de politique conjoncturelle serait à nouveau entravée.

2. Le dépôt à l'exportation

Il s'agit d'un instrument jamais entré en vigueur, mais dont l'utilisation a été envisagée dans le courant des années 70, conjointement à une série de mesures destinées à lutter contre l'inflation. L'idée était de réduire la demande étrangère en obligeant les exportateurs à déposer auprès de l'Administration des douanes un montant correspondant à 5 % de la valeur de la marchandise exportée franco frontière129. Ce montant devait

124 Weissen, Der Konjunkturartikel, p. 180.

125 Junod, La Refonte, p. 21; Weissen, Der Konjunkturartikel, p. 184.

126 Gegenwartsbesteuerung, pp. 116 ss; voir également Vallender, Die Wirtschafts-freiheit, p. 216s.

127 Richli, Gegenwartsbesteuerung, p. 119.

128 Voir le Message sur l'harmonisation fiscale, pp. 14 ss.

129 Voir le projet d'AF instituant un dépôt à l'exportation, FF 1970 I pp. 209 ss, de même que le rapport ultérieur du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale, du 6 mai 1970, FF 1970 I pp. 1041 ss, où il est exposé, p. 105s, "si le dépôt à l'exportation constitue assurément une mesure schématique de politique conjoncturelle, la réévaluation du franc aurait eu des effets encore plus draconiens, plus étendus et

être alors stérilisé, sans intérêt, et restitué lorsque la situation conjoncturelle le permettait.

Cet exemple devrait, à lui seul, répondre aux détracteurs de l'existence des taxes d'orientation, car s'il ne devait exister qu'un exemple d'une redevance de cette catégorie, ce serait le dépôt à l'exportation. Il est en effet inconcevable de parler de but fiscal en présence d'une mesure dont le montant, sans produire des intérêts, devait être gelé auprès de l'Administration des douanes. La base constitutionnelle invoquée à l'appui de cet instrument, conçu comme un droit de sortie, était les articles 28 et 29 Cst.BO.

3. L'intérêt négatif sur les fonds étrangers

Sur la base de l'Arrêté fédéral sur la sauvegarde de la monnaie, du 8 octobre 1971131, la Confédération a pris, toujours dans les années 70, une série de mesures pour lutter, en particulier, contre l'afflux de fonds étrangers. Elle a édicté sur cette base une ordonnance concernant la rémunération des fonds étrangers, le 4 juillet 1972132, Cette ordonnance prévoyait le prélèvement obligatoire par les banques d'une "commission"

trimestrielle de 2 % sur les avoirs étrangers, laquelle devait alors être versée à la Banque Nationale, le Conseil fédéral décidant de son affectation. Aux dires mêmes du Conseil fédéralm, "la commission vise à renchérir la spéculation et à dissuader les étrangers d'accumuler des avoirs bancaires en francs suisses". Prélevée sans contrepartie particulière, il s'agissait manifestement d'un impôt d'orientation de politique conjoncturelle134, Le taux de cette "commission" a d'ailleurs été

au surplus irréversibles"; pour plus de détails, voir Bückli, Indirekte Steuern, p. 65s.

130 Cette base constitutionnelle est très discutable; sur la question de la portée à accorder aux articles douaniers, voir infra, 2e partie, chapitre 3, V. 2. A. b. aa.

131 RO 19701 pp. 1446 ss.

132 FF 19721I pp. 352 ss (368).

133 Ibid.

134 Bückli, Indirekte Steuern, p. 97; voir également l'A TF Texon, 105 lb 348 (359),

"Die Kommission ist primar ein wirtschaftspolitisches Instrument, dass die Nachfrage nach Schweizerfranken eindammen und diejenige nach Devisen stiirken soli".

maintes fois augmenté, pour atteindre 40 % au mois de janvier 1975135, avant d'être abrogée.