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Etat de l’art

4. La complexation électrostatique

4.4. Résistance des complexes à l’addition de sel

La projection du diagramme de phase dans le plan alternatif (Figure 16b) montre que l’addition de sel simple (ligne 1) induit un retour dans la région monophasique. Cela se traduit dans le diagramme de stabilité du plan de mélange, par une réduction de la région biphasique.

Cette projection montre aussi que moins il y a de sel d’ions simples dans le système, moins le coacervat contient d’eau. Moins un coacervat contient d’eau, plus il ressemble à un précipité.

Polyélectrolyte 1

Polyélectrolyte2

A - Modèle «échelle»

B - Modèle «œufsbrouillés »

44 Certaines études expriment cela en disant que la coacervation nécessite une quantité minimale de sel. C’est l’amplitude de l’attraction entre les polyélectrolytes et leur capacité à compenser mutuellement leurs charges qui détermine la quantité d’eau dans le complexe.

Macroscopiquement, on observera une coacervation (le complexe est liquide) quand les interactions sont faibles.86 Et l’on observera une précipitation (le complexe est solide) quand les attractions sont fortes.91

La Figure 20 montre l’effet de l’augmentation de la concentration en sel dans le milieu qui conduit à une augmentation de la quantité d’eau et de sel dans le coacervat PIC6692,93

Figure 20: Représentation schématique de l'effet d'ajout de sel (augmentant de gauche à droite) sur la microstructure des PIC précipités (sans sels), précipités (avec une faible concentration en sels), coacervats et solutions.94

Au-delà d’une concentration seuil en sel (de 0.5 à 1.5 M selon les systèmes) les complexes de polyélectrolytes se dissocient. On explique cela par l’écrantage des attractions électrostatiques par la présence de sel, ce qui signifie qu’en présence de sel additionnel, les contre-ions condensés sur les polyélectrolytes gagnent moins d’entropie de mélange à se dissocier : la place est déjà prise par d’autres ions simples. Si la tendance des contre-ions simples à se dissocier est plus faible, la tendance des polyélectrolytes à s’associer diminue.

Il est intéressant de constater l’évolution de la projection du diagramme de phase dans le plan de mélange lors de l’addition continue de sel.95 Cela a été établi sur un mélange de polymères et de micelles de charges opposées (Figure 21). L’ajout de sel diminue dans un premier temps le domaine biphasique, ce qui signifie que les coacervats contiennent plus d’eau. La disparition complète du domaine biphasique indique qu’à cette concentration de sel, les polymères se mélangent entre eux et dans l’eau dans toutes proportions. Si l’on poursuit l’addition de sel, on induit à nouveau une démixtion, mais l’orientation des lignes de conjugaison parallèles à l’axe qui relie les sommets des polymères, indique que les deux

45 polyélectrolytes en présence se repoussent. Une phase est riche en polymère 1 et l’autre phase riche en polymère 2. Les deux contiennent de l’eau. On parlera de coacervation ségrégative.

La coacervation ségrégative caractérise plus généralement des polymères dits « incompatibles », soit parce que l’interaction effective entre les deux est répulsive, soit que les deux polymères n’ont pas la même affinité pour le solvant.

Figure 21: Séparation de phase pour le mélange d'un polyélectrolyte et d'un tensioactif de charges opposées. Evolution de la séparation de phase en fonction de l'ajout d’éléctrolyte, de l’association à l’absence de séparation et finalement à la ségrégation. Cet exemple montre le mélange d’un tensioactif cationique, TTAB et d’un polysaccharide anionique, l’hyaluronate de sodium avec ajout de bromure de sodium.95

Une façon intéressante d’étudier la résistance des complexes électrostatiques à l’addition de sel est de considérer le mélange d’un polyacide et d’une polybase dans la projection du diagramme de phase dans le plan alternatif. Dans la Figure 22 nous utilisons des axes « eau-sel complexe » et « eau-sel simple » orthogonaux. Le sommet « eau » correspond à l’origine des axes.96

La concentration du sel complexe P-Q+ est en abscisse et celle du sel simple Q+A-. est en ordonnée. La droite d’équivalence décrit les compositions pour lesquelles les concentrations en sel simple ajouté et en sel complexe correspondent au même nombre de

46 charges. C’est la droite que l’on parcourt quand on prépare les mélanges à partir du polyacide et de la polybase sous leur forme neutralisée P-M+ et Q+A-, à la stœchiométrie des charges.

Figure 22: Effet du sel [M+A-] sur le diagramme de phase pour une coacervation complexe entre les polyions P- et Q+ par mélange de polymères P-M+ et Q+A- .96

Imaginons qu’on mélange un polyacide et une polybase en absence de sel. Les ions échangés sont des protons H+, qui sont transférés du polyacide vers la polybase. La complexation ne libère aucun ion, [M+A-]=0 et la composition du mélange appartient à l’axe des abscisses, quelque part entre cm1 et cm2 qui sont les concentrations du complexe PQ dans chacune des phases. Dans ces conditions cm1 << cm2, le coacervat se rapproche d’un précipité et la cohésion du complexe est sans doute maximale.

En ajoutant du sel dans le système à partir de C’m de telle sorte que la composition se trouve sur la droite d’équivalence, on observe que les concentrations en sel complexe des deux phases se rapprochent : c’e > cm1 et c’c < cm2. Mais on ne sort de la zone de coexistence qu’en ajoutant encore plus de sel.

Dans la pratique, on part le plus souvent des polyacides et des polybases sous leur forme neutralisées. La quantité [M+A-]T - [M+A-]e représentée exprime donc bien la tolérance en sel du mélange de polyélectrolytes.

Dans cette représentation, le point d’intersection entre la ligne d’équivalence et la courbe de composition de phase d’abscisse [P-Q+]= c’’m correspond à la limite de gonflement (en parcourant la droite d’équivalence d’en haut à droite vers le bas à gauche).

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