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Coacervation des mélanges de polyélectrolytes de charges opposées opposées

Etat de l’art

4. La complexation électrostatique

4.2. Coacervation des mélanges de polyélectrolytes de charges opposées opposées

La mise en présence de polyélectrolytes de charges opposées provoque l’apparition d’un trouble dans la solution en raison de la formation d’une dispersion de gouttelettes denses.

La coalescence de ces gouttelettes aboutit à la séparation macroscopique d’une phase liquide concentrée en polymères, souvent plus dense, et appelée coacervat.82 On parlera de coacervation du complexe et non pas de précipitation. Le coacervat est en équilibre avec une phase diluée contenant essentiellement les ions simples (Figure 14).86

Figure 14: Equilibre entre le coacervat du complexe de PDMAEMA et PAA et sa phase diluée86

Phase diluée (surnageant)

Phase concentrée (coacervat)

38 La description géométrique complète d’un système constitué de deux polyélectrolytes (polyions + contre-ions) de charges opposées requiert un polyèdre à cinq sommets puisque le système comporte cinq constituants : l’eau et les quatre sels neutres qui peuvent être obtenus par combinaison des quatre espèces ioniques.

Figure 15 : Diagramme de phase pyramidal à 5 constituants, (a) vue de coté, (b) vue de dessus. 87

La description complète de ces systèmes nécessiterait donc un diagramme de phase pyramidal tel que celui présenté sur la Figure 15 a 87, mais celui-ci serait non seulement bien difficile à représenter mais également sans doute peu commode à lire. Pour une représentation bidimensionnelle, il s’avère plus intéressant de considérer les deux projections principales indiquées sur la Figure 15 b suivantes: la première représente la composition en eau et en polyélectrolytes initiaux (polyélectrolyte 1 et polyélectrolyte 2) est souvent désignée par le terme « plan de mélange » ou « plan conventionnel ». La seconde projection sur le plan formé par les axes eau-complexe de polyions et eau-sel des ions simples est appelée « plan alternatif ».

Le plan de mélange conventionnel décrit la région de coexistence de phases dans le plan défini par les constituants utilisés lors de la préparation des échantillons. Dans ce plan, la zone de coexistence, définie par l’observation d’un point de trouble, ne coïncide pas exactement avec les extrémités des lignes de conjugaisons qui décrivent les compositions des phases. Plutôt que de superposer sur ce même plan les lignes de conjugaison et la zone de stabilité, on choisit de les représenter dans le plan alternatif.

39 La Figure 16 a 83 présente la projection du diagramme de phase dans le plan de mélange pour deux polyélectrolytes de charges opposées. La zone de coexistence de phase se situe près du sommet « eau » du triangle de composition et de part et d’autre de la ligne de stœchiométrie des charges, qui irait du sommet « eau » à la valeur 0,5 de l’axe qui joint les sommets des polyélectrolytes, si ceux-ci avaient la même densité de charge (en mEq/g par exemple). L’allure de ce diagramme de phase est caractéristique des coacervations associatives. L’orientation des lignes de conjugaison (ou conodales) indique en effet que la séparation de phase est due à des forces attractives. Cette représentation met en exergue que la coacervation résulte d’une capacité limitée des complexes électrostatiques à se gonfler de solvant lorsqu’on les dilue. Cette capacité est limitée, mais elle n’est pas nulle: les coacervats de complexes polyélectrolytes peuvent contenir jusqu’à 85% d’eau.

Figure 16 : Séparation de phase ségrégative (a) et associative (b) dans des solutions de 2 polymères. Dans la région biphasique, les conodales montrent la composition des phases coexistantes.83

La Figure 16 b montre la projection du diagramme de phase dans le plan alternatif.

Elle met en exergue que l’addition de sel simple (ligne 1) induit une stabilisation du système (retour dans la région monophasique) que l’on peut attribuer à l’écrantage de l’attraction électrostatique entre les polyions. Pour les même raisons, plus le système global est riche en eau (ligne 2, Figure 16 b), plus le coacervat est concentré en PIC (les extrémités des lignes de conjugaison se rapproche du sommet « sel complexe »). C’est pourquoi les auteurs de la référence 87 ont intitulé leur article « How to concentrate […] by adding water ».

40 4.3. Limite de gonflement et conformation des polymères

Certains auteurs ont décrit la formation des PIC par un mécanisme en trois étapes (Figure 17).88 La première étape est instantanée et met en jeu des liaisons secondaires comme les interactions de Coulomb et conduit à la formation d’un complexe primaire dans lequel les chaînes polyélectrolytes adoptent un arrangement aléatoire. Ce complexe peut être métastable et son évolution conduirait à un complexe secondaire avec une nouvelle conformation par la formation de nouvelles interactions électrostatiques, liaison hydrogène ou interaction hydrophobe etc et/ou la correction des distorsions des chaînes de polymères. La troisième étape implique l’agrégation des complexes secondaires par interactions hydrophobes pour ainsi former diverses structures stables de types agrégats enchevêtrés, réseaux ordonnés, fibres etc.

Figure 17: Représentation schématique de l’agrégation des complexes de polyelectrolytes.88

A l’issue des réorganisations de chaînes, les PIC peuvent présenter des structures très différentes selon les caractéristiques initiales des polyélectrolytes (densité de charges, ou conformation) et les conditions expérimentales (nature du solvant, force ionique, pH, concentration en polymère, etc.). Deux structures modèles sont répertoriées dans la littérature (Figure 18)89 :

41 - Le modèle en structure d'échelle, correspond selon Michael et coll.90 à un complexe parfaitement régulier, formé suite à un réarrangement conformationnel des chaînes. La réaction de complexation se produit de manière coopérative de site chargé en site chargé par un mécanisme de type « zip » par analogie avec une fermeture éclair. On observe alors une parfaite compensation des charges entre polyélectrolytes.

- Le modèle dit en « oeufs brouillés » (scrambled eggs) est obtenu après complexation aléatoire entre les deux polyélectrolytes. La compensation des charges est partielle, et un nombre significatif de sites ioniques vont être compensés par des contre-ions. Dans ce cas, les chaînes sont enchevêtrées, ce qui rend les réarrangements extrêmement lents ou impossibles.

L’utilisation de polyélectrolytes de masse molaire élevée ou à forte concentration favorise la formation de ce genre de structure.

Ces deux modèles représentent des cas limites, les cas réels sont entre les deux modèles mais plus proches du modèle « œufs brouillés ».89

Figure 18 : Représentation schématique des structures en échelle et en œufs brouillés 89

La coacervation associative observée est due à la complexation électrostatique dont le moteur est la libération des contre-ions condensés sur les polyélectrolytes. Le gain d’entropie des contre-ions est donc la source de l’attraction entre les polyélectrolytes. Il n’explique cependant pas la coacervation c’est-à-dire la démixtion de deux phases riches en eau. Il faut en effet réaliser que c’est la compétition entre le gain d’entropie des ions simples et la perte d’entropie de conformation des polyélectrolytes qui explique le fait que la séparation de phase

42 se fait entre deux liquides. Ceci est illustré par le schéma de la Figure 19, se basant sur les modèles en « échelle » et en « œufs brouillés » décrit précédemment.

Nous avons considéré deux polyélectrolytes de charges opposées et de masses moléculaires différentes : le polyélectrolyte 1 (en rouge) comporte trois monomères (segments), le polyélectrolyte 2 (en noir) comporte quatre segments. Nous avons représenté les conformations possibles de ces polymères avant association. La libération des contre-ions (non représentés) induit l’association segment par segment des macromolécules. Nous avons considéré deux cas de figure : dans le premier, sur le schéma A, les conformations des polyions s’adaptent mutuellement pour former des complexes de taille finie à la stœchiométrie des charges. La stœchiométrie des charges est en effet atteinte lorsque le nombre de paires de segments associés correspond au plus petit commun multiple (ppcm) des nombres de charges portées par chacun des polyélectrolytes : Dans l’exemple du schéma, le ppcm de 4 et 3 est 12 et les complexes de taille finie comportant trois polymères de DP=4 et quatre polymères de DP=3 peuvent se former. Ce premier cas de figure permettrait au système d’être stable, si les objets nanométriques ainsi formés étaient suffisamment solvatés pour rester dispersés dans l’eau. En revanche, si ce n’était pas le cas, si les complexes étaient attirés les uns par les autres par des interactions de type Van der Waals sans être limités dans leur approche par une couche de solvatation, une précipitation serait observée plutôt qu’une coacervation, c’est-à-dire une expulsion quasi complète de l’eau. La limite de gonflement ne serait pas atteinte pour les teneurs en eau élevées observées expérimentalement (jusqu’à plus de 85%), mais pour des teneurs en eau bien plus faibles de quelques pourcents.

Le schéma illustre le fait que ce premier cas de figure serait extrêmement contraignant pour la conformation des polymères et coûterait environ la moitié de l’entropie du système associée aux degrés de liberté de la conformation des macromolécules. Si en revanche on préserve le plus grand nombre possible de conformations de chaque polyélectrolyte, on aboutit à une association aléatoire des chaînes qui ne peut atteindre la stœchiométrie des charges que pour une taille macroscopique. Sur le schéma B de la figure on observe des segments chargés non compensés, aussi bien à la périphérie du complexe qu’à l’intérieur. Les segments non compensés périphériques permettent la croissance infinie du complexe tandis que les segments non compensés à l’intérieur expliquent l’abondance de l’eau retenue au sein du complexe.

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Figure 19 : Représentation schématique de l’association de deux polyélectrolytes de tailles différentes selon le modèle « échelle » ou le modèle « œufs brouillés »

La dilution produit deux choses : elle offre du volume dont les contre-ions vont profiter pour maximiser leur entropie de mélange et donc se dissocier des polyélectrolytes.

Cela impose un rapprochement des polymères qui doivent alors mutuellement compenser leurs charges en excès. Cependant dans le même temps la dilution aurait tendance à éloigner aussi les polymères les uns des autres si le système restait stable. C’est la combinaison de ces deux exigences antagonistes qui aboutit à l’instabilité du système. Et c’est la capacité des polyélectrolytes à être simultanément complexés et éloignés qui détermine la capacité de gonflement du complexe.