• Aucun résultat trouvé

1. LES FACTEURS DE LA RÉUSSITE SCOLAIRE EN MILIEU

1.1.3 La résilience

Parmi les facteurs individuels d’ordre psychologique associés à la réussite scolaire des élèves de milieu défavorisé, les écrits abordent souvent la notion de résilience (Bandura, 2007 ; Cyrulnik et Pourtois, 2007 ; OCDE, 2011a). À titre d’exemple, le Gouvernement du Québec (2003) et Terrisse et Lefebvre (2007) s’intéressent spécifiquement à la résilience pour étudier les facteurs prédictifs de la réussite scolaire des élèves vulnérables tels que les élèves issus de milieu défavorisé. La notion de résilience est un concept apparu dans les années 40. Sa définition ne semble pas faire consensus parmi les chercheurs. La résilience s’inscrit à la fois dans une approche cognitiviste (Coleman, 1992) et une perspective sociocognitiviste (Vygostsky, 1978 ; Wozniak, 1993). Dans une publication regroupant les réflexions de vingt-trois chercheurs et praticiens internationaux, Cyrulnik et Pourtois (2007) présentent la notion de résilience à travers l’école, son organisation et son influence selon le contexte social.

Pour Cyrulnik et Pourtois (2007) et Cyrulnik (2007), les facteurs de risque sont ceux qui entravent la résilience, ou qui aggravent le traumatisme tandis que les facteurs de protection sont ceux qui favorisent la résilience. S’appuyant, entre autres, sur Garmezy (1985), Terrisse et Lefebvre (2007) ajoutent que « les facteurs de risque sont des facteurs présents chez l’individu ou dans son écosystème qui accroissent la possibilité qu’il connaisse des situations d’échec ou qu’il adopte des conduites pathologiques » (p. 50). À l’inverse, ces auteurs notent que les facteurs de protection favorisent la résilience ou permettent de contrecarrer ou de limiter les effets des facteurs de risque. Terrisse et Lefebvre (2007) soutiennent que l’individu devient résilient s’il a été exposé au préalable à des situations adverses. La résilience suppose l’utilisation par l’individu de l’interaction entre les facteurs de risque et les facteurs de protection. Selon ces auteurs, la résilience n’est pas un état général et définitif. Le résilient peut réagir positivement à certaines conditions défavorables mais pas à d’autres ; ses capacités de résilience peuvent évoluer dans le temps. Pour l’approche écosystémique, c’est à la faveur des interactions de l’individu résilient avec différentes composantes de son milieu qu’il évolue et acquiert de nouvelles façons d’être et d’agir. Terrisse et Lefebvre (2007) définissent la résilience comme étant :

La capacité d’atteindre ou l’atteinte d’une adaptation fonctionnelle malgré des circonstances adverses, capacité résultant de l’intégration d’apprentissages spécifiques réalisés dans un contexte d’interactions sociales, dans la mesure où l’individu a été exposé à des facteurs de risque et à des facteurs de protection. (p. 49)

Tout en considérant que l’adaptation d’un individu provient d’un cumul de facteurs et des interactions entre ceux-ci, Terrisse et Lefebvre (2007) et Terrisse et Larose (2001) relèvent quelques facteurs individuels de la résilience des jeunes du primaire et du secondaire du Québec de milieu défavorisé : la résistance physique, l’entraînement, les capacités intellectuelles, l’attachement, le développement cognitif et les habiletés sociales. Ces auteurs précisent que ces facteurs doivent être considérés avec prudence car ils sont souvent tributaires de l’environnement de l’élève. Quant aux

indices de défavorisation, les auteurs précités avancent la difficulté à recueillir des données sur la situation socioéconomique des familles des élèves au Québec.

Les auteurs précités considèrent que la personne résiliente rebondit positivement en dépit des situations défavorables dans lesquelles elle se trouve à un moment donné de son existence, dans un espace donné. En ce qui concerne la réussite scolaire, la résilience se traduit par certains facteurs prédicateurs de la réussite scolaire tels que le temps consacré au travail scolaire, la motivation et la confiance en soi manifestées par certains enfants de milieu défavorisé. Selon les enquêtes PISA 2006 et 2009 (OCDE, 2011a), en moyenne 31 % des élèves défavorisés des pays de l’OCDE ont été identifiés comme résilients. Dans l’enquête PISA 2009, 35 % des élèves du Canada, du Japon et de la Finlande sont également considérés résilients. Parmi les ingrédients de la résilience des élèves défavorisés, l’enquête PISA 2006, basée sur la performance des élèves dans la culture scientifique, s’intéresse au temps consacré à étudier les sciences, à la motivation et à la confiance des élèves dans leurs aptitudes scolaires (OCDE, 2011a). Cette publication considère et définit l’élève défavorisé et résilient avant tout selon le contexte économique, culturel et éducatif des pays industrialisés. Dès lors, pour l’OCDE (2011a) :

Les élèves résilients sont issus d’un milieu socio-économique défavorisé, par rapport aux élèves de leur pays, mais atteignent un niveau de performance élevé selon les normes internationales (p. 3).

En contexte français, Bouteyre (2004) s’est intéressée aux liens entre les stratégies de coping (adaptation) et la résilience, à travers une étude empirique de la réussite scolaire d’élèves migrantes vivant en France. Les données de l’orientation scolaire des enfants migrants concluent davantage à des constats d’échecs. Le coping est abordé sous l’angle de la psychopathologie, une approche théorique considérée comme étant rarement sollicitée pour étudier la réussite scolaire. Littéralement, le coping signifie faire face. Pour Bouteyre (2004), le coping est « traduit, selon les auteurs, comme une façon de négocier, de gérer les situations repérées comme des

épreuves ou encore comme le fait de s’ajuster à celles-ci » (p. 99). À l’instar des auteurs déjà cités, Bouytere (2004) avance que la résilience n’est pas une force innée. Elle se forge plutôt au fil des expériences. L’échantillon de son étude sur la réussite scolaire analysée sous l’angle de la résilience est constitué de 40 filles migrantes âgées de 9 à 13 ans nées hors de la France. Parmi ces filles, vingt viennent d’Afrique, dix de l’Europe, huit de l’Asie et deux proviennent d’Amérique du Sud. Vingt et une sont en CM1 et 19 en CM (annexe A). Leur quotient intellectuel (QI) est en moyenne 108, et varie de 84 à 145. Au plan des performances scolaires, neuf élèves sont classées comme bonnes élèves, quinze ont un niveau moyen et seize sont considérées en difficulté scolaire. L’étude de Bouteyre (2004) s’appuie sur l’observation clinique et des mesures d’échelles. Les résultats indiquent que 60 % des sujets ne sont pas en échec scolaire. Ils mettent aussi en évidence les qualités des sujets en réussite : avoir de bonnes habitudes de travail, se concentrer, mettre en évidence ses capacités et les attentes des enseignants. Par ailleurs, les résultats démontrent que certaines bonnes élèves vivent des situations de stress tandis que d’autres ont été déclarées en dépression. Les origines sociales variées de ces 40 élèves nous permettent de penser que le fait de faire face à l’adversité ne serait pas le propre des enfants de couches défavorisées qui réussissent à l’école. En fait, Terrisse et Lefebvre (2007) et Bouteyre (2004) font écho au questionnement sur la nature des facteurs de risque et des facteurs de protection de la résilience.

Les limites des contextes éducatifs, socioculturels ou économiques font en sorte que les liens entre les études réalisées dans les pays développés et nos participants ne sont pas aisés à établir. En effet, les conditions de la réussite scolaire sont fortement influencées par l’environnement des élèves. Par exemple, il y a en Haïti un soutien affectif de la famille et du milieu social vis-à-vis de l’élève notamment au plan scolaire (Joint, 2006). Ce soutien, dont le degré peut varier selon chaque famille, est un atout qui agit comme un contrepoids face à la vulnérabilité provoquée par la pauvreté telle que définie et présentée dans la problématique de notre étude. Le soutien du milieu apparaît dans les actions et les discours de nos participants (quatrième chapitre). Ce

soutien ressort aussi dans les diverses formes d’aide accessibles aux élèves haïtiens démunis en appui à leur réussite scolaire.