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1. LES FACTEURS DE LA RÉUSSITE SCOLAIRE EN MILIEU

1.3 Les facteurs scolaires de la réussite scolaire en milieu socioéconomique

1.3.1 Les pratiques d’enseignement

Dans son étude de synthèse, Galand (2008) considère les pratiques d’enseignement parmi les facteurs situationnels (prise en compte de l’environnement de l’apprentissage) de la motivation et de l’engagement scolaire. Il s’appuie sur les conclusions des écrits qui relèvent des pratiques d’enseignement susceptibles de favoriser la réussite scolaire tels que le fait de diversifier les types d’activités, de varier le regroupement des élèves, d’éviter de rendre les résultats de manière publique, de donner des rétroactions sur les points forts et sur les améliorations possibles. Les pratiques d’enseignement efficaces présentent les activités comme des occasions de développer ses compétences et de s’améliorer, d’utiliser des évaluations fondées sur des critères fixés à l’avance, d’offrir des opportunités de choix et la participation aux décisions, de mettre l’accent sur les gains de compréhension, d’établir des liens entre les savoirs scolaires et leurs applications dans la vraie vie. Galand (2008) considère que les liens entre les pratiques d’enseignement et la réussite scolaire se font par la médiation d’autres facteurs tels que le renforcement de la confiance de l’élève en ses capacités ou son sentiment d’autodétermination.

Certaines pratiques d’enseignement citées ressortent aussi dans des recherches empiriques portant sur la réussite scolaire des enfants et des élèves issus des minorités aux États-Unis ou des élèves de milieu défavorisé en Europe. Ces recherches sont influencées par divers courants : l’anthropologie de l’éducation, l’anthropologie culturelle, la sociolinguistique, l’ethnographie de la communication, l’ethnographie de l’école, l’ethnométhodologie, la sociologie de l’éducation. Au regard de la littérature, nous pouvons dégager deux catégories de facteurs scolaires associés à la réussite scolaire en lien avec les pratiques d’enseignement : le style des interactions entre enseignant et élèves et la communication entre élèves et enseignant.

1.3.1.1. Le style des interactions entre enseignants et élèves. Il ressort de la revue des écrits réalisée par Henriot-Van Zanten et Anderson-Levitt (1992) que les différences entre les codes culturels de l’enseignant et ceux des élèves des minorités sont très documentées dans les recherches qui s’intéressent au style d’interactions et aux structures de participation dans la classe. Le style d’interactions porte sur les interactions verbales et non verbales. Par exemple, l’étude menée par Philips (1983) dans une réserve indienne des États-Unis indique l’écart entre les « structures de participation » des enfants amérindiens et les « structures de participation » que leurs enseignants utilisent en classe. Ces enfants héritent de leur culture ethnique des « structures de participation » fondées sur l’égalité entre membres, le primat de la communauté et du groupe ; tandis que leurs enseignants privilégient une relation asymétrique entre eux et leurs élèves, et une évaluation publique des compétences individuelles. Or, Philips (1983) soutient que les enfants amérindiens réussissent mieux dans les classes où les enseignants privilégient des structures de participation proches de celles utilisées dans leur communauté d’origine. Cet auteur souligne l’exemple du travail d’équipe ainsi que d’autres activités permettant de recréer des liens entre l’école et la maison. Les écrits sur les interactions verbales s’intéressent notamment à la communication entre les élèves et les enseignants.

1.3.1.2. La communication entre les élèves et les enseignants. Ce facteur de la réussite scolaire des élèves défavorisés réfère à la communication dans la salle de classe, au langage des enseignants, aux codes culturels des élèves et des enseignants, et à leurs effets directs ou indirects sur les performances scolaires des élèves. De ce point de vue, ce facteur a des liens avec certains facteurs familiaux tels que le style interactionnel et éducationnel et le niveau socioculturel de la famille. Il a aussi des liens avec des facteurs sociaux, par exemple l’environnement scolaire.

Henriot-Van Zanten et Anderson-Levitt (1992) et Sirota (1993) montrent que les recherches empiriques menées dans les domaines précités mettent l’accent tantôt sur les obstacles à la communication entre enseignants et élèves, tantôt sur les stratégies des élèves pour contourner les préjugés et les perceptions des enseignants. Sous- jacentes à ces préjugés et perceptions se trouvent la différence de culture entre protagonistes ainsi que les normes et les valeurs de l’école. Ces dernières sont souvent considérées comme reliées aux milieux favorisés (Forquin, 1990 ; Ogbu, 1987). Toutefois, une fraction d’élèves issus des minorités mettent en œuvre, comme stratégie de réussite à l’école, une « attitude positive » et « pragmatique » face aux codes culturels de l’école et des enseignants. La recherche de Foley (1990) portant sur des élèves mexicains fréquentant une école secondaire d’une communauté du sud du Texas est intéressante à ce propos. D’un côté, la majorité d’enfants d’origine mexicaine de milieux populaires ont des comportements d’opposition considérant leurs us et coutumes envers les enseignants et sont punis par ces derniers. D’un autre côté, des enfants d’origine mexicaine des classes moyennes intègrent dans la communication des éléments de la culture de leur ethnie hérités de leurs parents et des éléments relevant des normes de l’école. Selon Foley (1990), ces élèves interagissent dans des « styles communicatifs » qui impressionnent le personnel scolaire qui, dès lors, adopte envers eux une attitude plus positive. Ces façons de faire des élèves sont des ingrédients de meilleurs résultats scolaires.

À propos de la communication dans la classe, Willms (2003) met l’accent sur les principaux facteurs scolaires à risque. Il signale l’influence négative sur la participation et le sentiment d’appartenance à l’école, des mauvaises relations entre enseignants-élèves, élèves-administration de l’école, élèves-pairs. Il souligne aussi le fait de ne pas prendre en compte les besoins de l’élève, le manque de soutien qui lui est donné pour atteindre son plein potentiel, un climat disciplinaire autoritaire. En ce qui concerne l’enseignant, Willms avance le moral, l’absentéisme, le faible salaire, le manque d’autonomie ou une autonomie limitée parmi les facteurs scolaires qui influencent, positivement ou négativement, à long ou à court terme, son implication professionnelle et, par ricochet, la réussite scolaire des élèves. En relation avec notre recherche, nous pouvons faire un lien entre les facteurs qui précèdent et le faible statut des enseignants haïtiens évoqué dans la problématique de la recherche.

Pour sa part, Martinot (2008) avance que la reconnaissance des enseignants envers les élèves contribue à une estime de soi élevée. Cette auteure souligne les félicitations, les récompenses et les rétroactions positives, verbales ou écrites. Pour Martinot (2008), la reconnaissance fait partie de la qualité de l’enseignement qui, à son tour a un impact positif sur le lien entre l’estime de soi et la réussite scolaire.