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La mondialisation de l’économie, la modernisation technologique et l’exigence d’une main-d’œuvre qualifiée ont fait de la réussite scolaire un enjeu social. Les recherches et les publications sur la réussite scolaire sont nombreuses. La préoccupation concernant la réussite scolaire et ses corollaires que sont l’échec scolaire et le départ prématuré de l’école ont commencé dans les années 50, voire avant (Isambert-Jamati, 1992). Selon Baby et De Blois (2005) et Isambert-Jamati (1992), la lutte pour la démocratisation de la scolarisation dans les pays développés (PD) et de manière moindre et inégale dans les pays en développement selon l’United Nations Educational Scientific and Cultural Organization (UNESCO, 2007a, 2007b) peut être considérée comme l’élément déclencheur des écrits sur la réussite et l’échec scolaires. Bélanger et Rocher (1975) et De Queiroz (2006) avancent que dans les pays développés, les lois sur l’instruction publique rendent obligatoire la fréquentation scolaire. Ainsi, l’UNESCO (2007a) observe que presque la totalité des enfants sont scolarisés dans les pays développés ou industrialisés. Par contre, tous les enfants des pays en développement en âge d’aller à l’école n’y vont pas malgré les progrès réalisés depuis 1995 en vue d’une scolarisation primaire universelle en 2015 (UNESCO, 2007a, 2014). De son côté, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2006) considère que la scolarisation n’est pas encore gratuite et obligatoire dans près de 35 pays en développement qui comptent 37 % d’enfants non scolarisés dans le monde. Dans l’ensemble, Haïti fait partie de ces pays sous-scolarisés. Toutefois, l’aspiration à un mieux-être et la quête d’un mieux-vivre pour tous ont suscité progressivement la prise de conscience dans tous les pays que la réussite scolaire constitue un des enjeux sociaux de notre époque.

Paradoxalement, la réussite scolaire est devenue une préoccupation à la suite de l’augmentation de l’accessibilité à l’école d’un plus grand nombre d’enfants. Or, une fois que la démocratisation quantitative de la fréquentation scolaire s’est progressivement étendue, Baby et De Blois (2005) et Isambert-Jamati (1992) soutiennent que des écarts relativement importants au plan de la réussite et de l’échec scolaires ont été constatés entre les élèves dans les pays développés. Dans son étude sur l’émergence de l’échec scolaire comme problème social, Isambert-Jamati (1992) avance que le terme échec scolaire paraît pour la première fois en France en 1960. À cette époque, ce terme concernait les enfants issus de familles pauvres ou des milieux populaires composées d’ouvriers et de paysans. Souvent ces enfants, quittaient l’école primaire avant la fin de l’âge de scolarité obligatoire, sans diplôme, pour travailler. Ils n’avaient pas atteint un certain niveau de connaissances selon les standards de l’école. Dans la France des années 60, l’avenir de l’élève après la classe de 3e (annexe A) est

un indicateur de la réussite scolaire et préoccupe de ce fait le personnel enseignant (Isambert-Jamati, 1989, 1992). Au fil des mutations sociales dans les pays développés, Isambert-Jamati (1989) observe que la réussite scolaire est au cœur de la problématique de la scolarisation. Par ailleurs, cette auteure souligne qu’en France, les écrits des années 50-60 étudient la réussite scolaire au niveau du primaire et du secondaire, sous l’angle de la pédagogie, de la démographie, de la philosophie et de la sociologie. Elle note aussi qu’à cette époque, seuls de rares écrits américains et européens inspirent la recherche sur la réussite et l’échec scolaires.

Dans un contexte général, Chenard et Doray (2005) soulignent que la recherche sur la réussite scolaire aux différents ordres d’enseignement s’est progressivement généralisée au cours des vingt dernières années. Ainsi, sous la poussée de l’économie, de la recherche technologique et du besoin de qualifications avec un bon niveau de connaissances générales, la réussite scolaire est devenue un sujet qui mobilise des moyens humains, intellectuels et financiers considérables. De ce fait, la réussite scolaire de tous les élèves, à tout le moins du plus grand nombre, est une

préoccupation pour les pouvoirs publics, les chercheurs, les enseignants et les formateurs de différents ordres d’enseignement (OCDE, 2007 ; UNESCO, 2007a).

De fait, l’OCDE (2005) démontre que même si un plus grand nombre d’élèves terminent leurs études secondaires dans les pays développés, de grands efforts restent à faire en matière de réussite scolaire dans tous les pays. Comme l’observent Langevin (1999) et l’OCDE (2007), tous les élèves des pays développés n’obtiennent pas un diplôme à la fin des études secondaires. D’ailleurs, Bruneforth (2007) constate qu’il y a environ 20 % d’enfants dans le monde qui abandonnent l’école avant d’avoir atteint l’âge officiel d’achèvement du cycle. Pour sa part, l’UNESCO (2007a) avance que « les mauvais résultats obtenus par les élèves, les inégalités marquées dans l’apprentissage prévalent dans de nombreux pays, qu’ils soient développés ou en développement » (p. 199). Cette organisation observe aussi des inégalités au plan de la réussite scolaire entre les élèves dans tous les pays selon le statut social, le niveau d’études des parents, le lieu géographique ou selon le sexe.

En effet, la réussite scolaire est un phénomène qui recouvre des réalités diverses. Dans une publication sur l’écologie de la réussite scolaire au Québec, Baby (2002) soutient que le contexte socioculturel doit être considéré dans l’étude de la réussite scolaire. Il convient alors de situer la réussite scolaire dans un contexte historique tel nous venons de le faire, et dans un contexte socio-éducatif, ce que nous allons faire. En Haïti, les riches représentent à peine 10 % de la population et disposent de moyens qui favorisent les bons résultats de leurs enfants à l’école. Par contre, dans les milieux socioéconomiques défavorisés, divers auteurs haïtiens dont Calixte (2008), Carmant (1979) et Joint (2006) indiquent que la réussite scolaire reste le fait d’une minorité d’élèves. Nous avons fait un constat identique en qualité d’enseignant et de directeur dans une école secondaire privée catholique (de 2005 à 2007) à l’Ile de La Tortue, une région très pauvre d’Haïti (Camus, 1997). De 2005 à 2007, environ 10 % d’élèves de la 7e année fondamentale (AF) à la 3e secondaire (annexe A et annexe B)

résultats, enregistrés après chaque séquence d’examen dans notre journal personnel de 2005 à 2007, sont considérés comme élevés en Haïti surtout en zone rurale au regard des données d’une Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH, 2003a). La majorité des élèves de notre école secondaire obtenaient une moyenne de 5/10, la note officielle de passage selon les normes du Ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle (MÉNFP) (Gouvernement de la République d’Haïti, 2004) en Haïti. C’est donc cette situation de départ assez étonnante, au regard des réalités sociales et des performances scolaires dans le contexte éducatif propre à notre recherche, qui suscite notre questionnement et qui est à l’origine de cette thèse sur la réussite scolaire des élèves haïtiens performants provenant de milieu socioéconomique défavorisé.

2. LE CONTEXTE DE LA RÉUSSITE SCOLAIRE EN HAÏTI