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La revue des écrits permet de dire qu’il existe peu d’études sur la réussite scolaire en milieu socioéconomique défavorisé en lien avec les actions de l’élève axées sur l’école. Nous avons évoqué les représentations de la réussite scolaire pour les élèves haïtiens et leurs familles. Malgré les progrès réalisés, le Gouvernement de la République d’Haïti (2010) constate en général « une éducation de qualité en moyenne plutôt médiocre » (p. 15) en Haïti. Ce constat s’explique par de multiples facteurs liés à l’école, à l’élève, à l’enseignant, à la direction de l’école. Pourtant, les parents haïtiens même démunis et peu scolarisés accordent une grande importance à la réussite scolaire de leurs enfants. Selon une publication de la conférence haïtienne des religieux

(Claude, 1999), un des acteurs influents de l’éducation en Haïti, et le PNUD (2005), ces parents investissent l’équivalent de 12 % du PIB du pays dans l’école. Par contre, le Gouvernement de la République d’Haïti (2007a) souligne que l’offre de service de l’État haïtien couvre moins de 18 % du secteur éducatif du pays. Ces parents haïtiens croient en l’école qu’ils considèrent comme une source d’espoir, un des principaux moyens de mieux-être pour la famille et d’ascension sociale pour les enfants (Claude, 1999 ; Joint, 2006 ; Luzincourt, 2007). Cette situation fait sans doute partie des raisons qui poussent certains élèves haïtiens de milieu défavorisé à se prendre en main, à persévérer dans l’effort et à s’impliquer peut-être davantage dans leurs études plutôt que des raisons relatives aux gènes et aux aptitudes (Commission nationale pour la célébration de l’année internationale de l’enfant, 1978 ; Luzincourt, 2007). D’après les données analysées, les participants à notre recherche ne sont pas porteurs de croyances sur l’intelligence qui sont néfastes à leur engagement scolaire. Les propos des directeurs et des enseignants haïtiens rapportés par Joint (2006) ou recueillis sur le site où notre collecte des données a été réalisée disent unanimement que la majorité des élèves haïtiens performants sont convaincus que l’école est le seul moyen de sortir de la misère. Par leur réussite scolaire, ils veulent en quelque sorte s’affranchir des situations qui les écrasent et qui les humilient. Par ailleurs, de nombreux auteurs haïtiens questionnent fortement l’interrelation entre l’éducation, le développement socio-économique et la démocratie en Haïti (Jean, 2008 ; L. Pierre, 1995). Le Gouvernement de la République d’Haïti (2007a) observe que cette interrelation est freinée en partie par le faible impact de l’éducation quant à l’insertion des diplômés haïtiens sur le marché de l’emploi depuis au moins vingt ans.

L’ECVH (2003c) observe que 27,4 % de la population active haïtienne sont sans emploi. Les diplômés ne sont pas épargnés par le chômage. Le Gouvernement de la République d’Haïti (2010) estime qu’environ 70 % des jeunes haïtiens de moins de 30 ans sont touchés ou susceptibles de l’être par le chômage. Cette institution ajoute que le chômage frappe davantage les jeunes des zones urbaines et paradoxalement ceux de la région de la capitale plus scolarisés soit 45 % des 20-24 ans. Cependant, le

Gouvernement de la République d’Haïti (2007a, 2010) entrevoit de meilleures chances d’emploi pour les jeunes haïtiens scolarisés surtout ceux qui entreprennent des études universitaires. Cela dit, cette étude sur les élèves qui réussissent à l’école en dépit de la pauvreté qui les frappe veut contribuer à l’avancement des connaissances dans le domaine de la réussite scolaire. Elle voudrait être d’une certaine utilité dans l’aspiration à plus de justice sociale surtout au profit d’élèves défavorisés qui s’« accrochent » à l’école. Les savoirs de cette étude caressent aussi l’ambition de contribuer à mieux faire connaître certains aspects de la réalité scolaire et éducative en Haïti et, de ce fait, être utiles à tous ceux qui œuvrent dans ce secteur du pays ou dans des contextes semblables d’autres pays en développement.

Concernant l’interrelation entre la recherche, la formation et la pratique qui constitue la thématique du doctorat en éducation à l’Université de Sherbrooke, notons que les savoirs issus de cette recherche visent des retombées au sujet des actions posées ou des initiatives des bons élèves défavorisés susceptibles de favoriser la réussite scolaire en milieu socioéconomique défavorisé. Il s’agit des actions ordinaires qui ne sont pas souvent remarquées alors qu’elles contribuent à la réussite scolaire des élèves. À ce propos, les défis et les enjeux de l’éducation en Haïti orientent notre attention particulièrement vers les pratiques des enseignants, fortement conditionnées par leur statut, leur formation et leurs possibilités de développement professionnel. Le Ministre de l’éducation (1999) d’Haïti souligne que le projet d’élaboration du Plan national d’éducation de 2004 insiste, à la suite d’autres publications, sur la dévalorisation actuelle du statut des enseignants dans la société haïtienne. À l’instar de Magny et McKenzie (2006), du Gouvernement de la République d’Haïti (2010), de Bourjolly et al. (2010) et de S. Pierre (2010), nous pensons que la revalorisation du statut des enseignants haïtiens passe, entre autres, par l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail et en contrepartie, par leur participation active aux actions de formation continue qui sont des domaines en carence en Haïti.

DEUXIÈME CHAPITRE

LE CADRE DE RÉFÉRENCE DE LA RECHERCHE

Ce chapitre présente les concepts et les théories qui structurent l’objet de recherche énoncé dans la problématique. Il prend appui sur des recherches effectuées dans le domaine étudié et sur notre position épistémologique qui tire ses sources de l’ethnométhodologie. Cette approche sociologique inspire notre recherche de type descriptif et exploratoire. L’étude s’inscrit ainsi dans une approche compréhensive des phénomènes sociaux. En lien avec la problématique de la recherche, ce cadre de référence comprend deux grandes parties : d’une part, les recherches faisant état des facteurs de la réussite scolaire en milieu socioéconomique défavorisé en lien avec la figure 1 de la problématique ; d’autre part, la perspective ethnométhodologique de la réussite scolaire au regard de la position du problème exposée dans la problématique. Le chapitre se termine avec les questions spécifiques et les objectifs de la recherche.

1. LES FACTEURS DE LA RÉUSSITE SCOLAIRE EN MILIEU