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Chapitre I. Les modalités d’intégration des droits européens dans l’ordre interne

Section 1. La clause constitutionnelle relative à l’intégration du droit international conventionnel

B. L’intégration actuelle de la Convention EDH dans l’ordre interne

2. Le réserve de non application du principe de réciprocité

SelonΝ l’articleΝ 2κΝ dontΝ l’applicationΝ estΝ affirméeΝ àΝ proposΝ deΝ laΝ ωonventionΝ Eϊώ,Ν l’applicationΝdesΝconventions internationales est subordonnée à la condition de réciprocité247. Le principe de réciprocité concrétise une condition garantissant l'interaction entre les ensembles juridiques et la symétrie institutionnelle et juridictionnelle248. Néanmoins, on le rencontre uniquement dans les Constitutions française249 et grecque. Or, cette clause ne s'applique pas à la Convention EDH. De façon générale, la réserve de réciprocité ne s’appliqueΝniΝenΝmatièreΝdeΝprotectionΝinternationaleΝdesΝdroitsΝdeΝl’homme,ΝconformémentΝàΝ l’articleΝθί §5 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités250 et en raison du

244 Il importeΝdeΝpréciserΝqueΝlaΝchambreΝissueΝdesΝélectionsΝdeΝ1λι4Νn’estΝpasΝvéritablementΝune chambre de

révisionΝ maisΝ estΝ uneΝ AssembléeΝ constituante,Ν étantΝ libreΝ enΝ droitΝ d’observerΝ ouΝ deΝ rejeterΝ lesΝ règlesΝ d’organisation,ΝdeΝprocédureΝouΝdeΝfondΝposéesΝparΝl’acte constitutionnel du 3/4 octobre 1974. Elle fut toutefois nommée « cinquième assemblée de révision » par les autorités installées au pouvoir qui étaient censées élaborer ou approuver les normes constitutionnelles de la transition. Voir G. KAMINIS, La transition constitutionnelle en

Grèce et en Espagne, Paris : Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1993, pp. 279-280.

245 Les élections parlementaires ont eu lieu le 17 novembre 1974.

246 G. KAMINIS, La transition constitutionnelle en Grèce et en Espagne, op. cit., p. 278.

247 Article 28 alinéa 1er: « L'application des règles du droit international et des conventions internationales à

l'égard des étrangers est toujours soumise à la condition de réciprocité ».

248 M. DELMAS-MARTY, Les forces imaginantes du droit (II) Le pluralisme ordonné, Paris : éd. du Seuil, 2006, p.

63.

249 A. RAIKOS, Droit constitutionnel, t. I, Athènes-Komotini : éd. A. Sakkoulas, 4e éd., 2011, pp. 400-401. 250 E.ROUCOUNAS, « Le droit international dans la Constitution de la Grèce du 9 juin 1975 »,ΝpέΝιίέΝVoirΝl’articleΝ

60§1,3 et 5 de la Convention de Vienne « 1έ Une violation substantielle d’un traité bilatéral par l’une des parties autorise l’autre partie à invoquer la violation comme motif pour mettre fin au traité ou suspendre son application en totalité ou en partie…3έ Aux fins du présent article, une violation substantielle d’un traité est

caractère « objectif » du régime posé251,ΝniΝauΝdroitΝdeΝl’UnionΝeuropéenne252. La Convention EDH, selon le texte et la jurisprudence de la Cour, ne reconnaît pas le principe de réciprocité253 etΝ laΝ ωonventionΝ s’imposeΝ indépendammentΝ deΝ sonΝ applicationΝ effectiveΝ parΝ l’unΝouΝplusieursΝdesΝEtatsΝl’ayantΝratifiée254. Elle crée en outre « des obligations objectives qui, aux termes de son préambule, bénéficient d’une garantie collective »255 et exprime l’intentionΝdesΝpartiesΝcontractantesΝdeΝcréerΝdirectementΝdesΝdroitsΝpourΝlesΝparticuliers256.

Ainsi,Ν leΝ ωonseilΝ ωonstitutionnelΝ françaisΝ neΝ s’assureΝ pasΝ duΝ respectΝ duΝ principeΝ deΝ réciprocité mentionnéΝ àΝ l’articleΝ ηηΝ deΝ laΝ ωonstitutionΝ deΝ 1ληκΝ auΝ sujetΝ deΝ laΝ ωonventionΝ européenne ni des autres conventions internationales. Initialement, dans la décision IVG de 1975, le Conseil constitutionnel a évoqué la condition de réciprocité pour souligner la différence de nature existant entre le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conformité d’uneΝloiΝavecΝunΝtraitéΝquiΝaΝunΝcaractèreΝrelatif257έΝIlΝs’estΝparΝconséquentΝestiméΝincompétentΝ constituée par : a) Un rejet du traité non autorisé par la présente Convention ν ou b) La violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet ou du but du traité…5έ Les paragraphes 1 à 3 ne s’appliquent pas aux dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités de caractère humanitaire, notamment aux dispositions excluant toute forme de représailles à l’égard des personnes protégées par lesdits traités ».

251 D. CARREAU, Droit international, Paris : éd. A. Pédone, 10e éd., 2009, p. 399.

252 L. DUBOUIS, « δeΝωonseilΝd’EtatΝfrançaisΝetΝleΝdroitΝdeΝl’UnionΝeuropéenne », ToS, 1988, pp. 433-453, (p.

443)έΝδeΝdroitΝdeΝl’UnionΝeuropéenneΝn’estΝpasΝfondéΝsurΝlaΝréciprocitéΝmaisΝbienΝsurΝl’intégrationέΝϊèsΝlors,ΝlaΝ violationΝparΝl’unΝdesΝpaysΝmembresΝdeΝl’uneΝdeΝsesΝobligationsΝauΝtitreΝduΝdroitΝdeΝl’UEΝneΝvautΝpasΝautorisationΝ pour les autres pays membres de suspendre de leur côté leurs obligations communautaires. Voir précisément les affaires CJCE, 14 décembre 1971, Commission contre République française, aff. 7/71 Rec. 1971, p. 1003 et CJCE, 13 novembre 1964, Commission contre Grand-Duché de Luxembourg et Royaume de Belgique, aff. 90- 91/63 Rec. 1978, p. 927.

253 Ch. ROUSSEAU, Droit international public, t. II, Paris : Dalloz, 1974, p. 723. Voir aussi la décision de la

ωommissionΝeuropéenneΝdesΝdroitsΝdeΝl’hommeΝduΝ11ΝjanvierΝ1λθ1ΝAutricheΝcontreΝItalie, n°788/60 (décision sur la recevabilité) : « en concluant la Convention, les Etats contractants n’ont pas voulu se concéder des droits et des obligations réciproques utiles à la poursuite de leurs intérêts nationaux respectifs, mais réaliser les objectifs et les idéaux du Conseil de l’Europe tels que les énonce le statut et instaurer un ordre public communautaire ». Elle énonce par ailleurs que « les obligations souscrites par les Etats contractant dans la convention ont essentiellement un caractère objectif du fait qu’ils visent à protéger les droits fondamentaux des particuliers contre les empiétements des Etats contractants plutôt qu’à créer des droits subjectifs et réciproques entre les deux ».

254 Cour EDH, plénière, 18 janvier 1978, Irlande contre Royaume Uni, n°5310/71. Voir N. LENOIR, « Les

rapportsΝ entreΝ leΝ droitΝ constitutionnelΝ françaisΝ etΝ leΝ droitΝ internationalΝ àΝ traversΝ leΝ filtreΝ deΝ l’articleΝ η4Ν deΝ laΝ Constitution de 1958 », in P.-M. DUPUY (dir.), Droit international et droit interne dans la jurisprudence

comparée du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat, Paris : éd. Panthéon-Assas, diff. LGDJ, 2001, pp. 11-

30, (p. 28).

255 Cour EDH, Irlande contre Royaume Uni, précité, §239. K. IOANNOU, « The application of the European

convention on human rights in the greek legal order », EEEurD, n°2, 1996, pp. 223-250. Selon le doyen H. LABAYLE, cela constitue « la première originalité du droit européen des droits fondamentaux », H. LABAYLE, « Droit fondamentaux et droit européen », AJDA, n°spécial, 1998, pp. 75-91 et M.-A. EISSEN, « Vers un ordre

juridictionnel européen des droits et libertés ςΝδ’intégrationΝdeΝlaΝωonventionΝeuropéenneΝdesΝϊroitsΝdeΝl’hommeΝ au bloc de constitutionnalité », in Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de l'homme : droits et

libertés en Europe, Paris : STH, 1990, pp. 117-153, (p. 121).

256 F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris : PUF, 11e éd., 2012, pp. 205-206. 257 G.COHEN-JONATHAN, La convention européenne des droits de l’homme, Aix-en-Provence Paris : Presses

pourΝjugerΝdeΝlaΝconformitéΝd’une loi aux traités. Néanmoins, en principe, son raisonnement a ignoré la distinction manifeste entre la Convention EDH et les traités que le constituant visait enΝrédigeantΝl’articleΝηηΝdeΝlaΝωonstitution258. Enfin, dans la décision n°98-408 du 22 janvier 19λλ,ΝleΝωonseilΝωonstitutionnelΝaΝécartéΝl’applicationΝdeΝlaΝréserveΝdeΝréciprocitéΝprévueΝàΝ l’articleΝηηΝdeΝlaΝωonstitutionΝquantΝauxΝtraitésΝsurΝlesΝdroitsΝdeΝl’homme,ΝenΝatténuantΝainsiΝ l’argumentationΝ retenueΝ pourΝ fonderΝ laΝ jurisprudenceΝ IVύΝ deΝ 1λιη259. De même, les juridictions grecques, conformément à la position de la Convention EDH ainsi que du juge constitutionnelΝ français,Ν n’appliquentΝ pasΝ laΝ conditionΝ deΝ réciprocitéΝ parΝ rapportΝ àΝ laΝ Convention EDH car cela constituerait une violation de ces dispositions260.

La réserve absolue de réciprocité prévueΝ parΝ l’articleΝ 2κΝ alinéaΝ 1er de la Constitution grecqueΝ aΝ provoquéΝ desΝ critiquesΝ carΝ ilΝ aΝ étéΝ considéréΝ queΝ l’exigenceΝ deΝ réciprocitéΝ neΝ correspondait pas aux exigences contemporaines des relations internationales261 et démontrait « une méfiance a priori peu habituelle vis-à-vis des autres Etats membres de la société internationale »262.

En outre, pour des raisons pratiques, cette condition de nature politico-juridique263, ne peut pas toujoursΝêtreΝrespectéeέΝAinsi,ΝilΝneΝseraitΝpasΝpossibleΝpourΝl’EtatΝgrec,ΝafinΝdeΝseΝ conformer à ses engagements internationaux dans la protection des droits fondamentaux des personnes étrangères restant sous sa compétence, de chercher systématiquement si le pays d’origineΝdesΝpersonnesΝconcernéesΝrespecteΝouΝnonΝlesΝdroitsΝreconnusΝauxΝcitoyensΝgrecs264.

Enfin, pendant la procédure de révision constitutionnelle de 2001, la Commission pour la révision de la Constitution avait proposé la suppression de la condition de réciprocité, en considérantΝqu’elleΝn’étaitΝpasΝconformeΝauxΝvaleursΝdeΝl’EtatΝdeΝdroitΝactuel265. Cependant,

258 J.RIVERO, « Contrôle de la constitutionnalité des lois, commentaire à la décision du 15 janvier 1975 », AJDA,

n°3, 1975, pp. 134-138, (p. 135).

259 N.LENOIR, « Les rapports entre le droit constitutionnel français et le droit international à travers le filtre de

l’articleΝη4ΝdeΝlaΝωonstitutionΝdeΝ1ληκ », op. cit., p. 29.

260 K.IOANNOU, « The application of the European convention on human rights in the greek legal order », op.

cit., p. 229.

261 Y. DROSOS, L’ordre constitutionnel grec et les communautés européennes aux relations internationales,

Athènes-Komotini : éd. A. Sakkoulas, 1987, p. 68.

262 C. ECONOMIDES, « La révision des dispositions de la Constitution hellénique concernant les relations

internationales », in R.-J. DUPUY (dir.), L.-A. SICILIANOS (coord.), Mélanges en l’honneur de Nicolas Valticos, Droit et Justice, Paris : éd. A. Pédone, 1999, pp. 643-654, (p. 646).

263 A. PAPAKONSTANTINOU, Etat et droit international, Le cadre constitutionnel des relations entre le droit

interne et le droit international, op. cit., p. 399.

264 Ch. SATLANIS, Introduction au droit de la protection internationale des droits de l’homme, Athènes-

Komotini : éd. A. Sakkoulas, 2003, p. 186.

265 E.VENIZELOS, Rapport de la Commission pour la révision de la Constitution du parlement hellénique, 2000,

cetteΝpropositionΝn’aΝpasΝrecueilliΝlaΝmajoritéΝrequiseΝdesΝtroisΝcinquièmesΝduΝnombreΝtotalΝdesΝ députés et est donc restée inchangée266.

§2. L’application de la procédure constitutionnelle de ratification des traités à propos du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire

Les règles relatives à la formation et à la validité internationale des actes internationaux sont dictées par le droit international. Toutefois, il incombe au droit interne de déterminer les autorités compétentes pour participer à la procédure internationale et les formalités nécessaires pour conférer aux actes internationaux validité en droit interne267. Dans ce cadre, la Constitution grecque dans son article 28 alinéa 1er vise une procédure de ratification des traitésΝquiΝestΝnécessaireΝpourΝlaΝmiseΝenΝœuvreΝduΝdroitΝconventionnelΝdansΝl’ordre interne. Cette procédure a été appliquée pour la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et laΝgouvernanceΝdansΝl’UnionΝéconomiqueΝetΝmonétaireΝ(TSωύ)ΝquiΝprésenteΝcependantΝdeuxΝ particularités.

Premièrement, arrêté le 30 janvier 2012 à Bruxelles entre les chefs d'Etat et de gouvernement et signé par 25 des 27 Etats de l’Union européenne268

le 2 mars 2012, le TSCG ne lie que ses parties contractantes, soit un nombre d’Etats plus restreint que celui des vingt- huit Etats membres. Mettant en place une intégration différenciée le traité ne pouvait donc être appréhendé à proprement parler comme un traité de l'Union269. Or, il s’agit d’un traité international. Deuxièmement, ce traité prévoit une « règle d’équilibre budgétaire » qui devrait, selon les énoncés du Traité, être transposée dans l’ordre interne au moyen de dispositions contraignantes, permanentes et de préférence constitutionnelles. Cette deuxième particularité

266 E.VENIZELOS, Cours de droit constitutionnel, Athènes-Komotini : éd. A. Sakkoulas, nouvelle édition, 2008,

pέΝ1ληέΝVoirΝaussiΝenΝlaΝmatièreΝleΝdiscoursΝduΝrapporteurΝduΝpartiΝmajoritaireΝainsiΝqueΝduΝpartiΝdeΝl’oppositionΝ quantΝàΝlaΝpropositionΝd’enleverΝleΝtermeΝdeΝréciprocitéΝàΝl’article 28 alinéa 1 Parlement grec, période I, session parlementaire A, séance ΡΙ , 14 février 2001 (matin), procès-verbaux des séances, pp. 4851-4854.

267 M. VIRRALY, « Cours général de droit international public, Souveraineté des Etats et autorité de droit »,

RCADI, t. 183, 1983, pp. 165-246, (p. 211).

268 Le Royaume-Uni avait été, en décembre 2011, le premier pays de l'UE à refuser d'y adhérer. Lors du sommet

de Bruxelles du 9 décembre 2011, le premier ministre David CAMERON avait menacé de mettre son veto à un

accord à 27 qui ne préserverait pas suffisamment les intérêts britanniques Ensuite, La République tchèque, qui a fait état de « raisons constitutionnelles », a créé la surprise en annonçant le 30 janvier 2012 son refus d'adhérer à ce Traité.

269 A.LEVADE, « TSCG et Constitution française : quand l'interprétation fait la compatibilité ! Cons. const., 9

porte sur le fait que c’est la première fois qu’un traité incite les Etats contractants à insérer une règle au rang constitutionnel, nécessairement suite à une révision constitutionnelle (A). En dépit de l’incitation européenne prévue dans le traité pour la transposition de la règle budgétaire, communément appelée « règle d’or » dans la Constitution grecque la procédure de révision de la Constitution ne saurait être transgressée en raison de l’incitation européenne (B).

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