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L ’« exhortation » européenne en faveur de la révision de la Constitution

Chapitre I. Les modalités d’intégration des droits européens dans l’ordre interne

Section 1. La clause constitutionnelle relative à l’intégration du droit international conventionnel

A. Le pouvoir constituant dérivé face aux exigences du traité

1. L ’« exhortation » européenne en faveur de la révision de la Constitution

Jusqu’à la crise économique, débutée en Europe avec l’instabilité financière de la Grèce en 2010, la gouvernance économique européenne était basée sur deux piliers : la surveillance budgétaire établie par le pacte de stabilité et de croissance271 et la coordination socio- économique prévue par la stratégie de Lisbonne. Or, les impératifs économiques nécessitent la coordination de la politique de l’Union en vue de la gestion de la crise de l’euro272

et dans ce cadre, un gouvernement économique européen susceptible de donner une nouvelle vigueur aux exigences européennes envisagées273. Dans un premier temps, le Traité de Maastricht a proposé une valeur de référence qui devait être respectée en tant que règle de discipline

270 ArticleΝ3,Ν§1bΝTSωύέΝToutefois,ΝlaΝlimiteΝdeΝl’τεTΝestΝdeΝ-1ΣΝduΝPIBΝsiΝl’EtatΝdétientΝuneΝdetteΝinférieureΝàΝ

60% du PIB et présente de faibles risques de soutenabilité à long terme des finances publiques.

271 Règlement 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 modifié par le règlement 1055/2005 du Conseil du 27 juin

2005, règlement 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 modifié par le règlement 1056/2005 du Conseil du 27 juin 2005 et résolution du Conseil européen du 17 juin 1997 relative au pacte de stabilité et de croissance.

272 Voir O. CLERC, La gouvernance économique de l’Union européenne, Bruxelles : Bruylant, 2012 pour une

étudeΝsurΝl’évolutionΝdeΝlaΝgouvernanceΝéconomiqueΝeuropéenneΝdepuisΝlaΝcréationΝdeΝl’UnionΝéconomiqueΝetΝ monétaire en 1992 lors du Traité de Maastricht.

budgétaire. Selon cette règle, le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut devait se limiter à 3%274.

Ensuite, en matière de discipline budgétaire, le TFUE concrétise la politique d’action puisque l’article 121 prévoit que « Les États membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun ». Il a également repris la règle prévue au Traité de Maastricht et relative au déficit nominal ou effectif qui doit être inférieur à 3% du PIB275 dans son article 126 §2 : « Les États membres évitent les déficits publics excessifs (…) ». En outre, l’article 136 TFUE prévoit l’institution de mesures pour renforcer la coordination et la surveillance de la discipline budgétaire des Etats membres. Le but était alors de fixer un engagement des Etats à respecter à moyen terme l’objectif d’une position budgétaire proche de l’équilibre voire en excédent276

.

Compte tenu de l’ampleur de la crise économique, le besoin de mesures de discipline budgétaire et de stabilité est devenu impératif. Le Conseil des Etats membres de la zone euro, saisi le 11 mars 2011, a indiqué dans ses conclusions que « les États membres de la zone euro s'engagent à traduire dans leur législation nationale les règles budgétaires de l'UE figurant dans le pacte de stabilité et de croissance. Les États membres conserveront le choix de l'instrument juridique à utiliser au niveau national mais veilleront à ce qu'il soit par nature suffisamment contraignant et durable (par exemple, la Constitution ou une législation cadre) ». Le Conseil a alors ajouté que « la formulation exacte de la règle sera également arrêtée par chaque pays (il pourrait par exemple s'agir d'un "frein à l'endettement", d'une règle liée au solde primaire ou d'une règle portant sur les dépenses), mais elle devrait garantir la discipline budgétaire tant au niveau national qu'aux niveaux inférieurs »277. Puis la nécessité d’instituer des règles budgétaires a été exprimée sous la même forme par le

274 Article 104C §2 du Traité de Maastricht et Article 1er du Protocole sur la procédure concernant les déficits

excessifs, selon lequel « Les valeurs de référence visées à l'article 104 C paragraphe 2 du traité sont les

suivantes: - 3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché ».

275 Article 126, §2 TFUE et Article 1er du Protocole n°12 sur la procédure concernant les déficits excessifs, selon

lequel « Les valeurs de référence visées à l'article 126, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union

européenne sont les suivantes : -3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché ».

276 G. ORSONI, « Faut-ilΝjuridiciserΝl’équilibreΝbudgétaire ? », in N. deGROVE-VALDEYRON, M.BLANQUET, V.

DUSSART (dir.), Mélanges en l’honneur du Professeur Joël Molinier, Paris : LGDJ, 2012, pp. 483-493, (p. 490).

277 Bruxelles, le 11 mars 2011, Conclusions des chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone euro du 11 mars

Conseil européen dans sa décision du 25 mars 2011278, qui est venue amender partiellement l’article 136 du TFUE279

.

Enfin, la nouvelle règle budgétaire, aujourd’hui communément dénommée « règle d’or »280

, a été concrétisée dans le TSCG281. Selon le TSCG, la situation budgétaire des administrations publiques d'une partie contractante est en équilibre ou en excédent si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l'objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé. Il prévoit que l’objectif structurel à moyen terme (OMT) d’un Etat doit être inférieur à - 0,5% du produit intérieur brut. Le TSCG invite les Etats membres à mettre en vigueur les règles énoncées au sein de leur droit national « au plus tard un an après l'entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observation tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ».

Cette « constitutionnalisation de normes financières »282 répond surtout aux exigences de l’Allemagne qui a imposé le vote d’un tel traité pour ancrer la discipline budgétaire de la zone euro dans des règles ayant une valeur contraignante283.

On relèvera que ce Traité, dont les négociations ont été assez semblables à celles d’un traité européen classique, permettant ainsi aux principaux acteurs d’afficher leur positions, a

278 Bruxelles le 20 avril 2011, Conseil européen 24 et 25 mars 2011, conclusions, p. 20, règles budgétaires

nationales.

279 ϊécisionΝduΝωonseilΝEuropéenΝduΝ2ηΝmarsΝ2ί11ΝmodifiantΝl’articleΝ13θΝduΝtraitéΝsurΝleΝfonctionnement de

l’UnionΝeuropéenneΝenΝceΝquiΝconcerneΝunΝmécanismeΝdeΝstabilitéΝpourΝlesΝEtatsΝmembresΝdontΝlaΝmonnaieΝestΝ l’euroΝ (2ί11ή1λλήUE)Ν SelonΝ laditeΝ décision,Ν « À l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union

européenne, le paragraphe suivant est ajouté μΝ ‘ 3έ Les États membres dont la monnaie est l’euro peuvent

instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensembleέ L’octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité’ ».

280 Voir en titre indicatif J.-Cl. ZARKA, « Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union

économique et monétaire (TSCG) », D., n°14, 2012, pp. 893-900.

281 Comme le constate Ph. MANIN: « La situation créée par la crise financière a amené les Etats membres de

l’UnionΝàΝentreprendreΝuneΝrévisionΝdeΝl’articleΝ13θΝetΝlesΝEtatsΝmembresΝdeΝlaΝzoneΝeuroΝàΝconclureΝàΝunΝtraitéΝ fondé sur cette dispositionΝréviséeέΝ(ESε)έΝϊansΝlesΝdeuxΝautresΝcas,ΝàΝsavoirΝl’EόSεΝetΝleΝtraitéΝsurΝlaΝstabilitéΝetΝ la gouvernance - l’onΝseΝtrouveΝenΝprésenceΝdeΝprocéduresΝd’adaptationΝnonΝfondéesΝsurΝlesΝtraités », Ph. MANIN,

« Une conséquence de la crise financière : la révisionΝ etΝ l’adaptationΝ desΝ traitésΝ constitutifsΝ deΝ l’UnionΝ européenne », in Ch. BOUTAYEB (dir.), La Constitution l’Europe et le droit, mélanges en l’honneur de Jean- Claude Masclet, Paris : Publication de la Sorbonne, 2013, pp. 695-711, (pp. 697-698).

282 Phrase de M. BOUVIER ; Ph. MARINI, M. BOUVIER, J.-R. ALVENTOSA, « δ’introductionΝdeΝlaΝ« règleΝd’or »

budgétaire dans la Constitution », Constitutions, n°1, 2011, pp. 23-38, (p. 24).

prévu, dans ses deux premières versions284, une disposition différente concernant la « règle d’or ». Précisément, le Traité avait prévu que la transposition de la « règle d'or » devait se faire par des « dispositions de nature constitutionnelle ou équivalente ». Néanmoins, devant les difficultés soulevées, l'Allemagne a été contrainte d'accepter que plusieurs pays inscrivent la « règle d'or » dans un simple texte de loi. Le nouveau Traité prévoit que la transposition de la « règle d’or » aura lieu par la voie de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles285. Il existe également des mesures de vérification, à l’échelle européenne, de la « règle d’or » au niveau national286.

Cette règle et surtout la suggestion de la transposer au rang constitutionnel, engendre toute une série de problèmes dans l’ordre juridique national, qui découlent notamment du fait que ces sujets concernent le budget étatique qui, comme tout autre sujet relatif aux mesures financières et budgétaires, relève a priori de la compétence du Parlement, en tant que garantie de l’Etat de droit social287

. Enfin, il faut souligner que pour la première fois, un Traité invite les Etats à attribuer à une règle européenne un rang spécifique et en l’occurrence, constitutionnel288. Néanmoins, la procédure de ratification des traités étant toujours encadrée par la Constitution, la Grèce n’a pas opéré de révision constitutionnelle et a simplement ratifié le traité conformément à la procédure prévue à l’article 28.

284 La première version du Traité (datée du 16 décembre 2011) et la version finale (datée du 30 janvier 2012),

voir V. KREILINGERS, « Le « making-ofΝ»Νd’unΝnouveauΝtraitéΝμΝsixΝétapesΝdeΝnégociationsΝpolitiques », Notre Europe, Les brefs, n°52, février 2012, pp. 1-6, (p. 1).

285 J.-Cl. ZARKA, « δeΝ TraitéΝ surΝ laΝ stabilité,Ν laΝ coordinationΝ etΝ laΝ gouvernanceΝ dansΝ l’UnionΝ économiqueΝ etΝ

monétaire », op. cit., (p. 896).

286 Ce pouvoir est conféré uniquement aux Etats partiesΝparΝl’articleΝκΝduΝTSωύ,ΝceΝquiΝaΝd’ailleursΝétéΝdécidéΝ

contreΝl’avisΝémisΝparΝl’AllemagneΝquiΝsouhaitaitΝl’implicationΝdirecteΝdeΝlaΝωommissionΝeuropéenneΝvoirΝJ.-Cl. ZARKA, « δeΝtraitéΝsurΝlaΝstabilité,ΝlaΝcoordinationΝetΝlaΝgouvernanceΝdansΝl’Union économique et monétaire », op. cit., p. 897.

287 D. KONTOGEORGA-THEOCHAROPOULOU, L. THEOCHAROPOULOS, « ‘SousΝleΝsigne’ des crises : administration

publique et gestion budgétaire », EfimDD, n°3, 2010, pp. 274-289, (p. 288).

288 Il est à noter que la gouvernance économique dans la zone euro se renforce toujours : Le 12 mars 2013, le

Parlement européen a adopté à une très large majorité un ensemble de deux projets de règlements, appelé « two- pack », visant à renforcer la gouvernance économique au sein de la zone euro. Voir J.-Cl. ZARKA, « Union européenne (gouvernance économique) : accord sur le « two-pack » », D., n°11, 2013, p. 709. Le premier règlement renforce encore la surveillance budgétaire en accroissant les pouvoirs de contrôle de la Commission et du Conseil sur les politiques budgétaires nationales (Règlement 473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013). Le deuxième règlement organise une surveillance des Etats membres présentant des risques d'instabilité financière et, en cas d'assistance financière, ancre dans le droit européen la négociation des conditions de cette aide prévue dans le programme d'ajustement macroéconomique (Règlement 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013). Voir A. de STREEL, « La gouvernance économique

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