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L’abandon de segments de la souveraineté nationale, clause implicite de la convention de prêt signée entre les pays membres de la zone euro et la République

Chapitre II. La place des droits européens dans l’ordre interne

Section 1. La place de la Convention EDH dans l’ordre interne

A. L’engagement de la Grèce à suivre la politique prescrite par le plan du sauvetage La mise en cause des règles européennes et constitutionnelles

1. L’abandon de segments de la souveraineté nationale, clause implicite de la convention de prêt signée entre les pays membres de la zone euro et la République

(1). Elle est de plus soumise aux exigences de ses créanciers et de ses organes prêteurs (2).

1. L’abandon de segments de la souveraineté nationale, clause implicite de la convention de prêt signée entre les pays membres de la zone euro et la République hellénique

Bien qu'aucune clause ne limite explicitement la souveraineté ou ne consacre de transfert de souveraineté, de facto, il existe un transfert de compétence et une limitation de la souveraineté nationale, en vertu des règles prévues par la convention de prêt signée entre les pays membres de la zone euro et la République hellénique642.

ParΝailleurs,Νl’applicationΝduΝdroitΝanglo-saxon, telle que prévue par la convention de prêt signé entre la Grèce et les pays membres de la zone euro (article 14 §1), a donné lieu à un très long débat, principalement sur la clause prévue par la convention et relative à la renonciation de la Grèce à toute immunité,Ν dansΝ leΝ casΝ d’uneΝ exécutionΝ forcéeΝ (articleΝ 14Ν §5)643, sous réserve que ceci ne soit pas interdit par une « disposition légale impérative » (mandatory law)644. La même clause est prévue dans le deuxième plan de sauvetage (article 13 §1 de la convention)645.

642 Sur la différence entre limitations de souveraineté et transfert de souveraineté D. ROUSSEAU, Droit du

contentieux constitutionnel, Paris : LGDJ-Lextenso, 10e éd., 2013 p.380-388 Aussi CC n°92-308 DC du 09 avril

1992, Traité sur l'Union européenne, Recueil, p. 55, JO du 11 avril 1992, p. 5354 considérant 13 :« le respect de

la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que la France consente à des transferts de compétence ».

643 UneΝ partieΝ deΝ laΝ doctrineΝ aΝ considéréΝ commeΝ inconstitutionnelΝ l’abandonΝ deΝ l’immunitéΝ dansΝ leΝ casΝ deΝ

l’exécutionΝdesΝdécisionsΝK.CHRYSOGONOS, « La gloire perdue de la démocratie grecque », op. cit., pp. 1353-

1374 ; G. KASIMATIS, Les conventions de prêt de la Grèce avec l’UE et le FMI, Athènes : éd. du Barreau

d’Athènes,Ν2ί1ί,ΝpέΝ21ΝetΝsuiv.; G.KATROUGALOS, « Memoranda sunt Servanda? La constitutionnalité de la loi 3κ4ηή2ί1ίΝ etΝ duΝ memorandumΝ pourΝ lesΝ mesuresΝ d’applicationsΝ desΝ accordsΝ avecΝ leΝ όεI,Ν l’UEΝ etΝ l’BωE »,

EfimDD, n°2, 2010, pp. 151-163 ; C. YANNAKOPOULOS, « Entre ordre juridique national et ordre juridique de

l’UE : le memorandum enΝtantΝqueΝreproductionΝdeΝlaΝcriseΝdeΝl’EtatΝdeΝdroit », publié sur constitutionnalism : [http://constitutionalism.gr/site/wp-content/mgdata/pdf/giannakopoulos.pdf] contra P. GLAVINIS, Le memorandum de Grèce, op. cit.

644 Article 14 (5) Loan facility agreement signé le 8 mai 2010 : « The Borrower hereby irrevocably and

unconditionally waives all immunity to which it is or may become entitled, in respect of itself or its assets, from legal proceedings in relation to this Agreement, including, without limitation, immunity from suit, judgement or other order, from attachment, arrest or injunction prior to judgement, and from execution and enforcement against its assets to the extent not prohibited by mandatory law ».

645 Article 14 (5) Loan facility agreement signé le 8 mai 2010 et article 13 (4) du deuxième loan facility

agreement tel que ratifié par le Parlement grec le 12 février 2012 par la 4046/2012. G. MATSOS, « Aspects financiers et constitutionnels des conventions de prêts étatiques régies par le droit étranger », in Finances

publiques et droit, volume d’honneur pour le Professeur Nikolaos Iέ Mparmpas, éd. Sakkoulas, Athènes-

ωetteΝclauseΝd'uneΝgrandeΝrigiditéΝfutΝexpliquéeΝdansΝl’avisΝjuridiqueΝdeΝdeux conseillers deΝl’Etat grecs,ΝquiΝontΝexplicitementΝmentionnéΝqueΝniΝl’emprunteurΝniΝlaΝpropriétéΝpubliqueΝ neΝjouissentΝd’uneΝimmunitéΝgrâceΝàΝlaΝsouverainetéΝnationaleΝouΝpourΝtouteΝautreΝraisonέΝ

Il a ainsi été soutenu que la clause de renonciation à toute immunité, visant également la souverainetéΝnationale,Νn’estΝpasΝexceptionnelleέΝIlΝs'agitΝauΝcontraireΝd’uneΝclauseΝstandard,Ν utilisée dans le cadre des échanges internationaux et des conventions de prêts, dans le cadre des garanties fournies par les emprunteurs. Un engagement est ainsi prévu à propos des émissionsΝ libelléesΝ enΝ euro,Ν ceΝ quiΝ étaitΝ unΝ moyenΝ d’empruntΝ largementΝ utiliséΝ enΝ ύrèceΝ auparavant. L'absence d'immunité, qu'il s'agisse de privilèges de nature substantielle ou procédurale, était égalementΝprévueΝlorsqueΝl’EtatΝdevenaitΝemprunteur646.

Or, cette clause insérée dans la convention de prêt semble très générale et engage considérablementΝl’ordreΝgrecέΝIlΝconvientΝàΝcetΝégardΝdeΝsoulignerΝqueΝlesΝdeuxΝconseillersΝ juridiquesΝ deΝ l’EtatΝ l'ontΝ acceptéeΝ sansΝ laΝ faireΝ dépendreΝ deΝ laΝ satisfactionΝ deΝ laΝ conditionΝ mentionnéeΝ parΝ leΝ texteΝ deΝ laΝ convention,Ν àΝ savoirΝ l’interdictionΝ deΝ cetteΝ clauseΝ parΝ desΝ dispositions nationales impératives647έΝ IlΝ estΝ alorsΝ indéniableΝ qu’ilΝ s'agit d'une renonciation implicite à une partie de la souveraineté étatique, susceptible de violer tant le droit constitutionnelΝqueΝlesΝrèglesΝduΝdroitΝinternationalΝetΝdeΝl’UEέ

Pour ce qui est du droit national, cette clause est directement contraire au principe de respect de la souveraineté étatique, qui implique que soient garantis les moyens qui assurent leΝfonctionnementΝetΝl’existenceΝdeΝlaΝRépubliqueΝgrecque648, et exclut dès lors la possibilité de saisir la propriété publique. De plus, le privilège du prêteur de déléguer ses droits à un Etat tiers, prévu dans la Convention de prêt649, constitue une violation manifeste tant du principe d’égalitéΝ queΝ duΝ principeΝ deΝ proportionnalité,Ν enΝ raisonΝ deΝ l'importanteΝ contrainteΝ qu’elleΝ implique.

Pour ce qui est du droit international, cette clause très rigoureuse et générale pourrait entraîner la violation de la convention de Vienne au regard de la situation économique de la Grèce au moment de la signature de la convention de prêt. Précisément, cette clause viole l’indépendanceΝpolitiqueΝdeΝlaΝύrèce,ΝceΝquiΝestΝprohibéΝparΝl’articleΝ4Ν§Ν2ΝdeΝlaΝωharteΝdesΝ

646 A.MANITAKIS, « Les questions constitutionnelles du memorandum face à la souveraineté nationale partagée

et à la politique financière surveillée » publié sur [http://constitutionalism.gr/site/wp- content/mgdata/pdf/manitakis_2011_11_3_20_0_23.pdf].

647 G. KASIMATIS,ΝδesΝconventionsΝdeΝprêtΝdeΝlaΝύrèceΝavecΝl’UEΝetΝleΝόεI,Νop. cit., pp. 22-25. 648 K. CHRYSOGONOS, « La gloire perdue de la démocratie grecque », op. cit., p. 1359. 649 Article 2 § 3 et 13 de la Convention de prêt.

σationsΝ UniesΝ etΝ peutΝ entraînerΝ laΝ nullitéΝ deΝ laΝ convention,Ν enΝ vertuΝ deΝ l’articleΝ η3Ν deΝ laΝ Convention de Vienne650.

Enfin, concernant le droit européen, il convient de se demander si cette clause, imposée àΝ laΝ ύrèceΝ parΝ d'autresΝ EtatsΝ membresΝ deΝ l'Union,Ν respecteΝ l’égalitéΝ etΝ leΝ principeΝ deΝ coopération loyale entreΝlesΝpaysΝmembres,ΝainsiΝqueΝl’égalitéΝdesΝEtatsΝmembresΝdevantΝlesΝ traitésέΝElleΝsembleΝégalementΝporterΝatteinteΝàΝl’identitéΝnationaleΝdesΝEtats,ΝinhérenteΝàΝleursΝ structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale et les fonctions essentielles de l'État, telles que prévues à l’articleΝ4ΝduΝtraitéΝsurΝl’UE651.

2. L’encadrement de la politique économique par des organes non étatiques. La

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