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CHAPITRE 1. L’ECHEC DE LA GENERALISATION DU RESEAU : DISPARITES

II. Des réseaux spatialement discriminants

Dès leur création, les réseaux d’eau des trois capitales ont été “à la traîne » de l’urbanisation : à l’origine, la desserte inégale du réseau entre quartiers « blancs » et quartiers autochtones résultait d’un choix politique dans le cadre de la colonisation et du refus de l’accès à la ville des populations autochtones, mais très vite d’autres facteurs sont venus s’ajouter. L’héritage de ces périodes pèse lourdement sur l’équipement des différents quartiers des trois villes, et explique, mais en partie seulement, les disparités actuelles du taux de desserte et des niveaux de service.

A)

Qui est responsable du service ?

Si les cadres institutionnels du service d’eau diffèrent entre les trois villes, les caractéristiques techniques se font largement écho. La responsabilité du service d’eau dans les trois pays est une responsabilité des autorités locales, dans le cadre d’une gestion décentralisée des services. Comme dans nombre d’anciennes colonies de la Couronne, la tradition britannique de gestion locale des services y a été transmise. Comme nous le verrons, la tendance à la commercialisation du service d’eau est commune aux trois capitales, mais elles ne sont pas autant avancées les unes que les autres sur cette voie : alors qu’à Dar es Salaam, l’exploitation du réseau a été déléguée depuis 2003 à un groupe privé, à Lusaka, s’il s’agit bien d’une entreprise privée, les capitaux en sont publics et sont détenus par un seul et unique actionnaire, la Ville. Succédant à la DAWASA (« Dar es Salaam Water and Sewerage Authority »), entreprise privée à capitaux publics créée en 1997, un groupe privé, Citywaters a été en charge de l’exploitation du réseau d’eau de Dar es Salaam pendant moins d’un an. C’est donc en Tanzanie que le processus institutionnel de « privatisation » a été le plus poussé, cependant, suite à des désaccords entre l’opérateur et l’Etat tanzanien, le contrat a été rompu, sans être renouvelé et l’opérateur historique a repris ses fonctions. A Lusaka, c’est la LWSC (« Lusaka Water and Sewerage Company ») qui est responsable de la distribution de l’eau potable. La compagnie a été créée en avril 1988 en tant qu’entreprise privée, ayant pour unique actionnaire la Ville de Lusaka. Avant la création de cette entreprise, les services d’eau et d’assainissement étaient fournis par le « Engineering Services Department » puis par le « Water and Sewerage Department » de la Ville de Lusaka. C’est une situation intermédiaire

entre gestion publique et « privatisation », mais des études de faisabilité pour déterminer la meilleure option de privatisation ont été réalisées à l’initiative de la Banque Mondiale et on peut s’attendre à de nouveaux changements du cadre institutionnel dans les années à venir. A Nairobi, malgré une certaine agitation médiatique autour de la question de la délégation à un opérateur privé et des tentatives malheureuses, la gestion et l’exploitation du réseau d’eau sont toujours aux mains de la mairie, via un département spécifique. C’est le NCC (« Nairobi City Council »), la mairie de Nairobi qui, par le « Water and Sewerage Department 123» (sous

la forme d’une régie municipale), a la responsabilité de la production, de l’acheminement de l’eau potable et de la desserte de la ville de Nairobi.

B)

Y a-t-il réellement une pénurie d’eau potable dans les trois

capitales ?

En fonction du sous-sol et des choix technologiques propres à chaque pays, l’approvisionnement est basé sur des ressources en eau de surface et/ou en eaux souterraines.

(1)Nairobi et Dar es Salaam : des réseaux « spaghetti » alimentés en eau de

surface

Nairobi est approvisionnée en eau de surface à partir des sources Kikuyu et des rivières Ruiru, Chania et Thika, alimentant les barrages de Sasumua et de Ruiru et le système de Ngethu/Ndakaini, se déversant dans 4 réservoirs (voir carte 8).

Tableau 7 : estimation des productions des quatre sources principales Source Production m3/j Kikuyu 4 000 Barrage de Ruiru 11 318 Barrage de Sasumua 55 648 Ngethu/Ndakaini 328 850 TOTAL 399 816

Source : MINISTRY OF LOCAL GOVERNMENT. NAIROBI CITY COUNCIL. BURGEAP. SEURECA. RUNJI AND PARTNERS. Kibera Urban Environmental Sanitation Project. Consultancy Services for Identification, Preparation and Implementation, Master Plan, Final Report, Nairobi, May 2003, 80 p, appendixes. La plupart des installations remonte aux années 1940, avant l’indépendance. Une partie du réseau, d’une longueur totale de 265 km124, a été réhabilitée dans les années 1990 avec le

« Third Nairobi Water Supply Project », qui a renforcé la capacité de production d’eau pour la ville. Cependant, celle-ci demeure insuffisante car la demande réelle est estimée à 418 750 m3/j (en prenant une consommation d’eau moyenne par habitant -tous usages confondus- de 140 l/jour). Pour des raisons d’exploitation125, la ville a été divisée en 11 zones comprenant 3

zones principales d’approvisionnement : la zone supérieure, la zone inférieure et la zone moyenne, centrées sur les complexes de grands réservoirs à Kabete et Gigiri. Les réservoirs de service de Kabete (59 000 m3) alimentent les zones supérieure et moyenne. Leur eau provient des barrages de Sasumua et Ruiru. Les sources Kikuyu alimentent aussi ces zones. Les réservoirs de Gigiri/Kiambu (61 000 m3 pour Gigiri) approvisionnent d’abord les zones

123 WSD : Water and Sewerage Department, Département Eau et Assainissement. Il s’agit d’une régie municipale entièrement intégrée aux autres services municipaux, y compris en termes de gestion.

124 ALIGULA. E.M. Improving the Performance of Urban Water Infrastructure Services Delivery and Management in Kenya; A case

study of Nairobi City, Kisumu and Eldoret Towns, University of Dortmund, Faculty of Spatial Planning, 1999, 252p.

NB: cela me semble peu comparé aux 820 km de réseaux desservant Dar es Salaam. Peut-être seules les canalisations primaires ont-elles été comptées ?

125 MINISTRY OF LOCAL GOVERNMENT. NAIROBI CITY COUNCIL. BURGEAP. SEURECA. RUNJI AND PARTNERS.

Kibera Urban Environmental Sanitation Project. Consultancy Services for Identification, Preparation and Implementation, Master Plan,

inférieures avec un transfert supplémentaire de 46 000 m3 depuis les réservoirs de Kabete pour les zones supérieures et moyennes (voir carte 9).

En raison de plusieurs facteurs qui se combinent, la consommation d’eau est réduite pour l’ensemble de la population urbaine. D’après une enquête réalisée par la Banque Mondiale126

auprès de 674 ménages dans les villes de Nairobi, Mombasa et Kakamega, la consommation d’eau moyenne à Nairobi est de 37 litres/jour/personne, dont 75% environ sont obtenus d’une source principale, dans un contexte de recours à des sources multiples.

Tableau 8 : consommations en eau moyennes par ménage et par personne Taille des ménages 4/5 personnes

Cons./mois/ménage 4 815 Cons/mois/personne 1 110

Cons./j/ménage 160

Cons./j/personne 37

Source : WORLD BANK. Review of the Water Supply and Sanitation Sector, Improving Urban Water Supply in

Kenya: Demand, User Perception and Preferences in Nairobi, Mombasa and Kakamega, a paper supporting the

Aide Memoire of December 19, 2000, Nairobi, 51 p.

Dans ce contexte de pénurie de la ressource, le WSD a mis en place un programme de rationnement. Environ 60% des consommateurs sont approvisionnés 24 heures sur 24, 30% seulement un jour sur deux et 10% à peine une fois par semaine. A cela s'ajoutent les coupures imprévues, dues à la rupture de conduites ou aux pannes des unités de production d'eau.

126 WORLD BANK. Review of the Water Supply and Sanitation Sector, Improving Urban Water Supply in Kenya: Demand, User

Perception and Preferences in Nairobi, Mombasa and Kakamega, a paper supporting the Aide Memoire of December 19, 2000, Nairobi, 51

p. A Nairobi, les enquêtes ont porté sur 300 ménages répartis dans 8 quartiers correspondant à des niveaux socio-économiques différents. Ces enquêtes ont été complétées par des enquêtes de volonté-à-payer pour une amélioration de la desserte.

C’est à partir de trois sources distinctes que la ville de Dar es Salaam est alimentée en eau potable. Il s’agit de l’installation de Mtoni au sud de la ville et de deux autres pompages sur la rivière Ruvu à une 60 de km au nord. L’installation de Mtoni est la plus ancienne et la plus limitée en termes de capacité. L’usine de production capte les eaux de la rivière Kizinga, la stocke dans un réservoir de faible capacité de 6 millions de litres. La ville est essentiellement alimentée en eau de surface par la rivière Ruvu. Le pompage sur la rivière Ruvu se situe sur le

cours supérieur, à 65 km à l’ouest de Dar es Salaam sur la route de Morogoro (voir carte 11). Tableau 9 : sources d’eau et capacités

Zone urbaine Sources d’eau (rivières et ressources souterraines) Capacité de production existante (en 2001) m3/jour Capacité projetée en m3/j Upper Ruvu 82 000 210 000 Lower Ruvu 182 000 386 000 Mtoni 9 000 9 000 Dar es Salaam 94 forages - 23 000 Total 273 000 628 000

Source : DAWASA 2001 et HUMPHREY. H. Rehabilitation Study of Dar es Salaam Water Supply System, Feasability Report, NUWA, 1995. The United Republic of Tanzania, p 13.

L’eau est ensuite acheminée au réservoir de Kimara. Ce réservoir d’une capacité de 34,2 millions de litres, alimente le nord-ouest de l’agglomération. La demande étant trop forte, ce réservoir est fréquemment vide. Le pompage d’eau de la Lower Ruvu a une capacité 182 millions de litres, il a été mis en place en 1976, à 22 km en aval de l’installation de la Upper Ruvu, et à 18 km à proximité de Bagamoyo. Les capacités de production d’eau d’Upper et Lower Ruvu sont de 82 000 et 182 000 m3/jour. On ne sait pas clairement d’après ce tableau si les 94 forages ayant une capacité de 23 000 m3/jour sont les forages originaux et si leur eau est traitée pour l’usage de ville ou non. Les 193 forages percés en 1997 ont une capacité totale de 18 000 m3/jour127 (voir carte 10). D’après V. Messer128, la ville de 3 millions d’habitants

souffre quotidiennement du déficit en eau. La demande en eau pour la ville estimée à 355 000 m3/jour129. Mais la capacité totale de production atteint à peine plus de 270 000 m3/jour. Le

déficit journalier est donc de l’ordre de 80 000 m3. L’eau est ensuite acheminée aux réservoirs de l’université, en périphérie de la ville. L’agglomération est alimentée par 820 km de canalisations, 237 km de réseau primaire acheminent l’eau des usines de traitement au sein de la ville et par 584 km de canalisations secondaires et tertiaires (voir carte 12). Le réseau tertiaire, constitué des connexions des abonnés, est très peu développé : il est le fait de la population qui « bricole » un réseau fragile, constitué de longs tuyaux de PVC qui courent sur plusieurs centaines de mètres. C’est ce que l’on appelle la « spaghettisation ». Le dernier système construit, disposant de la plus grande capacité de production et de stockage, semble être le moins touché par les incidents, tels que les pannes et ruptures de canalisation. Il faut garder à l’esprit que les capacités de production indiquées ne sont que des capacités théoriques et qu’elles ne sont jamais atteintes dans la pratique. L’ensemble du système souffre de problèmes de maintenance qui en réduisent d’autant les capacités. Les fuites sont nombreuses dès le captage et lors de l’acheminement dans les canalisations principales. Les experts estiment entre 35 et 50% l’eau ainsi perdue. D’après les données fournies par A.N. Mwaiselage, l’eau traitée et acheminée à la ville ne représente que 273 000 m3/jour, tandis que la demande en eau de Dar es Salaam serait de 400 000 m3/jour130. Une certaine quantité

127 MWAISELAGE. A.N. Organized chaos, Water and Sanitation Systems in Housing Areas in Dar es Salaam, Lund Institute of Technology, Department of Architecture and Development Studies, School of Architecture, Thesis, 2003, 231 p, p 109.

128 MESSER. V. La gestion de l’eau à Dar es Salaam (Tanzanie) ; Défaillance institutionnelle et réponses citadines, thèse présentée à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, sous la direction de J.L. Piermay, Laboratoire Image et ville, Strasbourg, novembre 2003, p 75. 129 THE UNITED REPUBLIC OF TANZANIA. Water and Sanitation Sector Review, Final Report, Ministry of Water, Energy and Minerals, 1995, p 63.

130 MWAISELAGE. A.N. Organized chaos, Water and Sanitation Systems in Housing Areas in Dar es Salaam, Lund Institute of Technology, Department of Architecture and Development Studies, School of Architecture, Thesis, 2003, p 115.

de cette eau est destinée à la ville de Bagamoyo (la quantité n’est pas mesurée) et de Kibaha. 18 000 m3/jour sont destinés aux résidants des villages situés le long des conduites d’amenée à la ville. On estime à 35 000 m3/jour les pertes dues aux fuites et aux connexions clandestines, surtout pour l’irrigation. Selon A.N. Mwaiselage, en raison des fuites, de la consommation d’eau non comptabilisée le long des conduites d’amenée et des fuites dans le réseau de distribution avant d’atteindre la ville, la quantité d’eau disponible pour Dar es Salaam n’est que de 121 000 m3/jour, estimation encore plus faible que celle donnée par V. Messer. Sur cette quantité, seuls 44% atteindront l’usager final. De nombreux quartiers restent sans eau plusieurs jours durant, et le rationnement est pratiqué pour certains quartiers.60% de la demande totale provient des usagers domestiques, 20% de la demande industrielle et 10% de la demande commerciale. La consommation par tête par jour est estimée à 50 litres. S’il n’y avait pas autant de déperditions dans le réseau, la consommation d’eau par personne pourrait être supérieure à 50 litres/jour.

(2)Lusaka : le choix historique de l’approvisionnement en eau souterraine,

qui constitue aujourd’hui 50% de l’alimentation en eau de la ville

L’originalité du système d’approvisionnement en eau de Lusaka réside dans le fait qu’il repose pour moitié sur des ressources en eau souterraine et pour moitié sur des ressources de surface. Alors que dans les deux autres capitales, l’extraction des eaux souterraines a été abandonnée progressivement et que seuls les quartiers non desservis par le réseau historique ont recours à ce type de source, une bonne partie des citadins de Lusaka, desservis par le réseau municipal (voir carte 14), consomme une eau pompée à plusieurs dizaines de mètres sous terre131.

Tableau 10 : production d’eau potable annuelle en m3, de 1995 à 1999 Année Eau de surface

(m3) Eau souterraine (m3) Production totale (m3) 1995 38 179 000 25 270 000 63 449 000 1996 36 896 000 29 567 000 66 463 000 1997 36 584 000 34 161 000 70 745 000 1998 37 069 000 33 291 000 70 360 000 1999 35 098 479 37 948 028 73 046 507

Source : MTINE. H. Director Engineering, document interne, LWSC, 2003.

On remarque que l’extraction d’eau souterraine a régulièrement augmenté depuis 1995, alors que l’exploitation des eaux de surface stagnait, voire diminuait. C’est l’augmentation de l’extraction des eaux souterraines qui explique l’augmentation globale de la production d’eau potable. C’est un choix qui singularise Lusaka en matière d’approvisionnement en eau potable. Cela est certainement à mettre en relation, comme nous le verrons plus tard, avec la stratégie de desserte en eau des quartiers périphériques, fondée sur l’exploitation de forages et de mini-réseaux techniquement décentralisés mais gérés par l’entreprise de distribution de l’eau. Au total, 53 forages sont exploités par l’entreprise de distribution d’eau potable. Certains de ces forages permettent d’augmenter la pression dans le réseau, d’autres alimentent en eau les réservoirs de la ville (voir carte 13).

Tableau 11 : évolution projetée de la demande en eau potable, 1995-2020, en m3/jour Année Population Demande en eau moyenne

par an (m3/ jour) Demande en eau maximum/jour (m 3/jour) 1995 1 112 798 252 244 341 566 2000 1 323 022 287 825 390 157 2005 1 515 341 319 810 433 839 2010 1 679 339 346 372 470 187 2015 1 811 011 367 541 499 149 2020 1 911 709 383 708 521 253

Source : HARZA/RANKIN. Feasability Study, Report for LWSC, Lusaka, 1993.

NB : Les données de la deuxième colonne se fondent sur une consommation de 200 l/personne/jour.

La capacité actuelle de production d’eau potable venant des ressources souterraines (50%) et de surface (50%) représente 200 000 m3 par jour. La capacité de production est insuffisante et ne peut répondre à la demande, ni actuellement, ni dans le futur, si rien n’est fait pour augmenter la quantité d’eau disponible, après acheminement, pour les usagers. Il faut remarquer que si les chiffres concernant l’eau produite se rapprochent des données fournies par d’autres sources (capacité de production d’environ 200 000 m3/jour), les données concernant la population sont sous évaluées. On estime la population de Lusaka au début de la décennie 2000 à 2 millions d’individus, chiffre que les estimations précédentes projetaient pour 2020 ! D’après le tableau, pour une telle population, la demande en eau est de plus de 383 000 m3 par jour, presque le double de la production actuelle.

(3)L’insuffisance de la production d’eau potable en question

Pour les trois villes, malgré quelques travaux de renforcement des capacités de production de l’eau potable, celle-ci reste insuffisante d’après les avis des experts. Ces derniers estiment que la demande des citadins des trois capitales excède la capacité de production, et ceci sans compter les pertes techniques importantes qui se produisent sur le réseau de distribution, diminuant d’autant la qualité disponible in fine pour les usagers. Mais la question de la pénurie d’eau mérite d’être examinée.

Tableau 12 : récapitulatif de la production et de la demande en eau potable

Hypothèse A (100l/pers/j) Hypothèse B Ville Estimation de la population Production (théorique) d’eau potable en m3/jour Demande (potentielle) en eau potable en m3/jour* Différence entre demande et production en m3 /jour Demande (potentielle) en eau potable en m3 /jour Différence entre demande et production en m3 /jour Nairobi 2,25 millions* 399 800 225 000 + 174 800 418 750 (186 l/pers/j) - 18 950 Dar es Salaam 3 millions 273 000 300 000 - 27 000 355 000 (118 l/pers/j) - 82 000 Lusaka 2 millions 200 100 200 000 - 100 383 708 (190 l/pers/j) - 183 608 Source : données précédemment citées et calculs personnels. L’hypothèse A se fonde sur une consommation en eau potable par jour et par personne, tous usages confondus, de 100 l. L’hypothèse B provient des données fournies dans les documents consultés. Pour Lusaka, j’ai choisi de prendre en compte la demande projetée pour 2020, mais qui correspond en fait à celle d’une population qui est déjà celle de la ville, soit 2 millions de personnes.

* Les estimations concernant la population de Nairobi varient en fonction des sources. Le recensement de la population de 1999 avance le chiffre de 2 143 254 (consulter le site internet du Central Bureau of Statistics, www.cbs.go.ke/census1999.html). Selon P. Bocquier (BOCQUIER. P. « Les impacts sociaux de la crise économique à Nairobi ; L’ère Moi a-t-elle eu un impact significatif ? », in Politique Africaine, n°90, juin 2003, Karthala, p 78-93), la croissance urbaine de Nairobi serait de 5% par an.

Pour la colonne intitulée « hypothèse A » du tableau, j’ai réalisé un simple calcul en prenant une consommation d’eau moyenne de 100 litres/personne/jour, sachant que les données fournies dans les différents documents que j’ai consultés sont très disparates : 118 litres/jour pour Dar es Salaam, 190 litres/jour pour Lusaka et 186 litres/jour pour Nairobi. Il est assez délicat de conclure sur l’adéquation de la production en eau. Dans la littérature, le thème de la pénurie est récurrent. Les estimations de la demande que j’ai collectées, lorsqu’on les rapporte à la population totale de chaque ville, donnent une consommation nominale relativement élevée. Il semble que les estimations de la demande se fondent sur une consommation par personne plutôt « optimiste ». Si l’on se base sur ces consommations nominales, la production d’eau pour chacune des trois villes est largement insuffisante (hypothèse B). En revanche, en prenant une consommation nominale certes moins élevée, mais qui, si elle était effective, ne serait pas déshonorante pour les autorités responsables (100 litres/personne/jour)132, la

production d’eau dans les trois villes est assez proche de la demande. On sait par ailleurs que de nombreux citadins consomment beaucoup moins que 100 l/jour : l’OMS donne comme référence dans les quartiers pauvres une consommation de 25 l/jour (moyenne confirmée entre autres dans mes propres enquêtes). Selon moi, on ne peut donc pas parler de pénurie d’eau produite, au sortir des usines de production : les réseaux d’eau des trois villes produisent actuellement une eau en quantité suffisante. Ce n’est pas rien de dire cela, car très souvent l’accent est mis, injustement, sur la pénurie de la ressource. Par contre, cela ne signifie pas, et loin de là, que toute l’eau produite sera consommée, ni même que tous les citadins ont une consommation d’eau égale.

Tableau 13 : production et taux de pertes techniques : l’eau disponible par jour et par personne, en litres

Ville Population Taux de pertes techniques en % de la production totale Production d’eau potable en m3/jour Eau disponible pour les usagers

en m3/jour Eau disponible par personne/jour en litres Nairobi 2,25 millions 52** 399 800 207 896 92** Dar es Salaam 3 millions 42,5* 273 000 116 025 39*** Lusaka 2 millions 56 200 100 112 056 56

Source : synthèse personnelle à partir de plusieurs documents * moyenne entre 35 et 50%, les taux varient selon les sources.

** WORLD BANK. Review of the Water Supply and Sanitation Sector, Improving Urban Water Supply in

Kenya : Demand, User Perception and Preferences in Nairobi, Mombasa and Kakamega, a paper supporting the