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Des performances techniques et commerciales qui permettent une grande marge de

CHAPITRE 2. GENERALISATION DU SERVICE D’EAU : UN ECHEC A

II. Des performances techniques et commerciales qui permettent une grande marge de

permettent une grande marge de progression

Malgré quelques améliorations marginales au cours des dernières années, les trois opérateurs étudiés ne sont pas des modèles d’efficacité en ce qui concerne leurs performances techniques et commerciales. Les forts taux d’eau non comptabilisée s’expliquent, outre les pertes techniques sur les réseaux de distribution, par de très faibles taux d’équipement des connexions en compteur, handicap auquel s’ajoutent de faibles taux de facturation et de recouvrement des factures, directement imputables à l’efficacité du personnel en place, mais aussi à la performance commerciale globale des services (qualité de l’équipement informatique, compétence des techniciens, etc.). Ainsi, les recettes des services d’eau sont très maigres à Nairobi et à Dar es Salaam, tandis que la LWSC de Lusaka enregistre de meilleurs résultats. Les recettes constituent les fonds propres des services qui les ventilent ensuite entre les différents postes de dépenses : recouvrement des coûts, entretien du réseau, extension de la desserte. Si les recettes sont insuffisantes, les différents postes de dépenses en pâtissent, notamment l’extension de la desserte, car les dépenses salariales, puis l’entretien du réseau existant, sont prioritaires.

A)

Le WSD et la DAWASA : la faillite commerciale

Plusieurs facteurs liés aux mauvaises performances du WSD concourent à la faiblesse des recettes du service d’eau de Nairobi. Pour les consultants qui ont réalisé des études sur le WSD (Halcrow et Seureca), le faible nombre de compteurs en serait en partie responsable (voir encadré). Seuls 25 % des consommateurs possèdent un compteur174, ce qui entraînerait

des distorsions dans les charges des consommateurs et des pertes de revenus pour le distributeur. En effet, depuis plus d’une décennie, les nouvelles connexions n’ont pas de compteurs et certaines personnes endommagent, volontairement, le leur. Il faut noter que l’absence de compteurs concerne principalement les usagers domestiques (ménages et kiosques), qui représentent la majorité de la clientèle. Enfin, les irrégularités de fréquence de relevé de compteur (quand les compteurs sont effectivement relevés) obèrent la validité des facturations. 25 à 30% des compteurs ne sont jamais relevés, tandis que le nombre de connections illégales (usagers « free-riders » qui ne paient rien) est estimé a 9% du total des branchements. Le relevé régulier des compteurs et la facturation fondée sur la consommation réelle ne sont que très rarement pratiqués.

Ainsi, seule une petite partie de la consommation d’eau est facturée, d’autant plus que le taux de pertes techniques est en moyenne de 50 % et que seuls 60 % de l’eau restante sont facturés et leurs revenus collectés.

174 REPUBLIC OF KENYA, MINISTRY OF WATER RESSOURCES. Water sector Actors Survey, Draft Final Report, Consultancy Services Tender n°. WSAS 1/ 96-97, prepared by SEURECA, Regional Office for East and Southern Africa, March 1998, 161 p., vol. 1, Main Report.

Encadré 13 : le taux d’eau non-comptabilisée est difficile à estimer

Pour E.M. Aligula175, le taux d’eau non comptabilisée est un bon indicateur des performances générales d’un service d’eau. Ce taux reflète deux composantes, une composante technique et une composante commerciale. Les données utilisées par l’auteur pour calculer ce taux sont, de son avis même, sujettes à caution car il n’a pas été possible de déterminer les quantités d’eau brute traitées dans les unités de production. De plus, les compteurs d’eau en gros, qui indiquent les quantités d’eau produites, sont défaillants. Enfin, il existe des problèmes relatifs au comptage par district. Cependant, l’auteur a essayé d’évaluer le manque à gagner que représente l’eau non comptabilisée pour le WSD.

Tableau 32 : analyse de l’eau non comptabilisée

Analyse de l’eau non comptabilisée Nairobi

Eau non comptabilisée en m3/j 74 926

Eau non comptabilisée en % de la production quotidienne 28****

Perte d’eau/tête/jour en m3, 1996* 0,040

Evaluation du manque à gagner lié à l’eau non comptabilisée

Prix unitaire de l’eau en Ksh/m3 7,95

Perte de recettes annuelle Ksh /an ** 215 472 464

Perte de recettes annuelle Ksh /an *** 150 830 725

Dépense annuelle en Ksh 424 275 400

Perte de recette en % de la dépense annuelle 35,5

Sources : calculs personnels d’après des données de ALIGULA. E.M. Improving the Performance of Urban

Water Infrastructure Services Delivery and Management in Kenya; A case study of Nairobi City, Kisumu and Eldoret Towns, University of Dortmund, Faculty of Spatial Planning, 1999, 252p.

*pour une population évaluée à 1 856 401 personnes ** : si l’efficacité de la facturation était de 100%

***: si l’efficacité de la facturation et du recouvrement des factures était de 70%.

**** : d’autres sources avancent des taux d’eau non comptabilisée (pertes techniques, connexions clandestines, etc.) beaucoup plus élevés, de 51 à 52%176., ce qui augmente d’autant plus le manque à gagner pour le service.

Comparé aux taux observés à Dar es Salaam et à Lusaka, cette dernière estimation me semble plus fiable que celle de l’auteur mentionné (28%).

Le manque à gagner lié aux taux d’eau non comptabilisée est très important, représentant plus du tiers des dépenses annuelles du service. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce taux élevé, des facteurs techniques bien sûr, mais aussi des facteurs commerciaux. En l’absence de comptes séparés et d’audits externes (ni même internes) au cours des trois dernières années, il est difficile de donner un avis sur la situation financière du WSD. Pour l’année fiscale 2000- 2001, on prévoyait que le montant de la facturation atteindrait 1,980 milliards de shillings kenyans (Ksh), le recouvrement de ces factures 1,2 milliards de Ksh et les dépenses d’exploitation 720 millions177. D’autres sources178 avancent les données suivantes : le revenu

facturé serait de 127,5 millions de Ksh, pour un revenu collecté d’à peine 50 millions de Ksh. Il me semble que ces derniers chiffres sont plus réalistes au vu de la situation du service. Les données pour l’année fiscale 2000-2001 représentent plutôt une projection qui, je pense, est

175 ALIGULA. E.M. Improving the Performance of Urban Water Infrastructure Services Delivery and Management in Kenya; A case

study of Nairobi City, Kisumu and Eldoret Towns, University of Dortmund, Faculty of Spatial Planning, 1999, p 168.

176 Sources : le premier ratio est tiré de WORLD BANK. Review of the Water Supply and Sanitation Sector, Improving Urban Water

Supply in Kenya : Demand, User Perception and Preferences in Nairobi, Mombasa and Kakamega, a paper supporting the Aide Memoire of

December 19, 2000, Nairobi, 51 p., tandis que le deuxième est tiré de: GOVERNMENT OF KENYA. A Study of Option for Private Sector

Participation in the Water and Sanitation Services of Nairobi, PSP Option Report, Volume 1 -Main Text, prepared by Halcrow Group

Limited, Nairobi, September 2001, 100 p, appendixes.

Les disparités entre les deux séries de données peuvent s'expliquer par le laps de temps qui sépare les deux études, mais également par l'absence d'indicateurs réellement précis et fiables concernant le WSD.

177 GOVERNMENT OF KENYA. WORLD BANK. KfW. GTZ. AFD. Review of the Water Supply and Sanitation Sector, Aide Mémoire, Nairobi, November 20 to December 17, 2000, 25 p. appendixes.

178 GOVERNMENT OF KENYA. A Study of Option for Private Sector Participation in the Water and Sanitation Services of Nairobi,

fondée sur des taux de facturation et de recouvrement des factures bien supérieurs aux taux réels. Or, de nombreux facteurs viennent réduire ces taux. Les défaillances du fichier-client, combinées à une facturation inefficace recèlent une partie de l’explication. L’obsolescence du fichier-client est en partie dûe à la méconnaissance du réseau, du nombre de branchements, etc. (voir encadré).

Encadré 14 : le système de gestion informatique du WSD est dépassé !

Une gestion commerciale efficace d’un réseau d’eau passe par une bonne connaissance du fichier-client, du nombre d’usagers, etc., autant de domaines « obscurs » pour les responsables du WSD. Par exemple, le bureau d’études Seureca, lors de son étude sur la réduction des pertes techniques179, a dû procéder à une recherche des

plans du réseau : seuls des plans de 1966 existaient, actualisés au début des années 1980, qui ne couvraient donc pas le développement du réseau entre 1980 et 1995. Le document de Seureca met en exergue les limites des informations sur la consommation disponibles au WSD, comme le nombre de connexions de chaque catégorie et le cycle de facturation. De plus, des défaillances dans l’enregistrement de ces données les rendent quelque peu incertaines. L’enregistrement de la consommation aux compteurs (par section ou district du réseau) est faite au mépris des limites des secteurs commerciaux. Les factures des consommateurs d’une même section peuvent être réparties entre plusieurs centres de facturation. Ceci est lié aux limites de mémoire du système informatique de facturation : quand la mémoire disponible pour une section est saturée, les nouvelles connexions sont transférées (virtuellement) sur une autre section. Il devient alors très difficile de localiser spatialement les connexions sans relevé de terrain.

Source : NAIROBI CITY COUNCIL, WATER AND SEWERAGE DEPARTMENT. Contract :

WSD/15/96-Supply and implementation of billing and accounting software- the outsourcing option, December

1998, 9 p.

Compte tenu de ces faibles performances, le WSD ne fonctionne pas de manière pérenne. Les pourcentages d'eau non-comptabilisée, combinés au faible recouvrement des factures et à la faiblesse des tarifs pratiqués ne permettent pas le recouvrement des coûts d'opération et de maintenance. Pour tenter d’améliorer ces indicateurs, un schéma directeur a été établi, le « Third Nairobi Water Supply Project ». Son but était d’augmenter et de sécuriser la desserte de façon à répondre à la demande d’ici 2003-2005, en tenant compte des populations défavorisées. Il visait également à améliorer la gestion commerciale et financière du WSD. Cependant, dès sa mise en place, les autorités se sont révélées réticentes à « l’autonomisation gestionnaire » du WSD et les failles du système commercial demeurent, faute d’un financement adéquat. Le manque-à-gagner aurait pu être compensé par une augmentation modérée des tarifs. Pour des raisons politiques, l'eau étant un secteur stratégique, le gouvernement a refusé toute hausse de tarif. L’ingérence politique dans le domaine de l’eau a été maintes fois dénoncée par la Banque Mondiale : dans le cas de Nairobi, cette dénonciation est largement justifiée. Une partie des fonds qui devraient être destinés à la maintenance des réseaux sont détournés au profit des salaires, voire des « primes occultes » des conseillers municipaux, ce qui n’arrange rien à la faillite commerciale du WSD.

La situation en termes de facturation et de recouvrement des factures est également assez inquiétante pour la DAWASA. Les données concernant les taux de recouvrement des factures sont assez confuses. D’après V. Messer, les taux de recouvrement sont faibles : moins du quart (25%) des clients paieraient régulièrement leur facture180. Selon une étude des Nations

Unies, le taux de recouvrement atteindrait 85%181 et les factures impayées ne totaliseraient

179 SEURECA. Third Wairobi Water Supply Project, Contract WSD/M/01, Technical Assistance for Leakage Control, Phase 3b, 1995. et

NAIROBI CITY COUNCIL, WATER AND SEWERAGE DEPARTMENT. Contract : WSD/15/96-Supply and implementation of

billing and accounting software- the outsourcing option, December 1998, 9 p.

180 MESSER. V. La gestion de l’eau à Dar es Salaam (Tanzanie) ; Défaillance institutionnelle et réponses citadines, thèse présentée à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, sous la direction de J.L. Piermay, Laboratoire Image et ville, Strasbourg, novembre 2003, p 182. 181 UNITED NATIONS CENTRE FOR HUMAN SETTLEMENT. HABITAT. Managing the sustainable growth and development for

que 15% des factures. En revanche, la responsable de la clientèle de la DAWASA182 estimait à

45% les factures non réglées (donc 55% de recouvrement). Ces données, très disparates, ne sont peut-être pas directement comparables car elles ne concernent pas la même période (1992-1998). Il est certain qu’elles mériteraient une explication qui n’est pas fournie : on ne peut qu’émettre des hypothèses. Soit il existe un problème de fiabilité des statistiques fournies par la DAWASA, soit il y a eu un effondrement du taux de recouvrement sur cette période. V. Messer livre quelques explications possibles des faibles taux de recouvrement. Il existe un problème de volonté à payer : l’eau est gratuite en milieu rural, les migrants qui arrivent de la campagne peuvent avoir du mal à en accepter le paiement. Il n’y a pas de sanction en cas de non paiement : la menace de coupure n’est pas dissuasive dans la mesure où le ménage déconnecté peut soit s’alimenter chez le voisin, soit se reconnecter clandestinement. Ainsi, les campagnes de déconnexion n’ont que peu d’effets sur les revenus de la société183. La qualité

du service détermine également en partie l’acceptabilité de la facture. Le taux de recouvrement varie en fonction de la satisfaction des usagers vis-à-vis du service. Pour les quartiers les mieux desservis (quartiers planifiés), le taux de recouvrement est relativement élevé, de 60 à plus de 75%, tandis que pour les quartiers informels il n’est que de 30%. Les résidants de ces quartiers estiment qu’ils n’ont pas à payer pour un service médiocre, n’étant alimenté en eau qu’une ou deux fois par semaine. Enfin, la facturation elle-même pose problème. En 1996, une proportion infime de connexions (4%) est équipée de compteur. Pour la grande majorité des usagers, la facturation se fait sur la base d’une estimation de leur consommation. D’une part, cela donne lieu à de nombreuses contestations se soldant par des refus de payer, d’autre part, cela favorise des consommations supérieures aux estimations. Malgré de nombreuses campagnes de déconnexion des mauvais payeurs, la lutte contre le déficit reste inefficace en raison des nombreuses connexions clandestines, plus de la moitié de la population a recours au robinet public ou s’approvisionne chez le voisin...

B)

La LWSC : un bon élève aiguillonné par un régulateur

exigeant

Lusaka fait encore une fois figure d’exception en termes de performances gestionnaires. Si le taux d’eau non comptabilisée reste élevé, les autres indicateurs sont très encourageants. En 2002-2003, la LWSC n’affiche pas de meilleurs indicateurs que le WSD et la DAWASA en termes de ratio eau facturée/eau produite184. La quantité d’eau facturée (31,9 millions de

m3/an) représente 42% de la quantité d’eau produite (76,2 millions de m3/an). Le taux d’eau non comptabilisée est donc de 58%, ce qui est « inacceptable » selon les objectifs fixés par le régulateur185. Selon le NWASCO, qui organise le « bench marking », un bon niveau est

inférieur à 20%, acceptable entre 20 et 25% mais devient inacceptable au-delà de 25%. Comparé aux autres distributeurs d’eau zambiens, la LWSC est d’ailleurs au deuxième plus mauvais rang. Le taux d’eau non-comptabilisée est une estimation dans la mesure où un tiers (10 000) des 34 000 connexions est équipé de compteur, ce qui représente une proportion beaucoup plus importante que dans les deux autres capitales (sur l’importance des compteurs, voir encadré). Une fois les factures émises, encore faut-il les recouvrer. L’efficacité de recouvrement des factures est de 66% en 2002-2003, ce qui est bien meilleur que dans les deux autres capitales. Mais l’objectif assigné par le régulateur est de 85%186. La dette

contractée par les institutions qui ne paient pas leur facture à la LWSC est en partie responsable de ce mauvais résultat (environ 1/3 de la facturation moyenne pour l’ensemble des distributeurs d’eau zambiens, dont peu, par ailleurs, dépassent un taux de recouvrement

182 Entretien de V. MESSER avec Mrs Mmeso, responsable de la clientèle à la DAWASA, juillet 1998.

183 MWILANI. D. R. The problem of cost recovery of public water utilities in Tanzania : The case of National Urban Water Authority, Master of Business Administration, University of Dar es Salaam, 1996, p 47. cité dans MESSER. V. Ibidem.

184 NWASCO. Urban and Peri-Urban Water Supply and Sanitation Sector Report, 2002-2003, Lusaka, 2003, p 18. 185 Ibidem.

des factures de 60%). La LWSC n’est pas parmi les bons élèves (AHC 73%, et d’autres encore à plus de 70%...sur 2001-2003), mais cela s’explique peut être par la présence plus importante d’institutions publiques à Lusaka que dans les autres villes zambiennes. Le recouvrement de la dette « publique » dépend surtout, pour beaucoup, de la bonne volonté de l’Etat lui-même. Le régulateur peut également intervenir s’il est sollicité par la LWSC.

Les sommes collectées (en 2002, la facturation moyenne annuelle est de 14 millions d’US$) suffisent à recouvrir les coûts d’exploitation (114% des coûts d’exploitation et de maintenance) mais seulement 80% des coûts totaux. Il ne reste de liquidité ni pour les investissements, ni pour l’extension du réseau. C’est pourtant le meilleur taux de recouvrement de tous les distributeurs zambiens, et bien meilleur que les services d’eau de Nairobi et de Dar es Salaam. Cependant, pour le régulateur il demeure très insuffisant (un bon taux serait supérieur à 150% des coûts d’exploitation et de maintenance). Si le régulateur affirme que le recouvrement des coûts d’exploitation et de maintenance doit être atteint le plus rapidement possible, en revanche, atteindre un recouvrement total des coûts ne peut être envisagé qu’à long terme, en particulier en raison des conséquences d’une augmentation forte des tarifs pour les usagers187. L. Bull fait remarquer à juste titre que le nombre de connexions

au réseau d’eau est faible comparé au nombre de connexions au réseau électrique de ZESCO, qui dépasse 70 000. Cela laisserait penser, en termes de performance commerciale et de clientèle potentielle (mais peut-être la question est-elle plus complexe) que la marge de progression de la LWSC est assez vaste !

Dans l’ensemble, la LWSC se distingue en tête en termes de performances commerciales et gestionnaires, avec notamment un taux de recouvrement des coûts d’exploitation et de maintenance que pourraient envier de nombreux services d’eau en Afrique. Dans ces conditions, le service pourrait intéresser des opérateurs privés internationaux. Pourtant ce sont Nairobi et Dar es Salaam qui ont commencé les premiers les tentatives de délégation, peut être justement en raison de leur faillite commerciale : ils représentent à la fois un moindre enjeu pour les gouvernements concernés et une plus grande urgence à être « rationalisés ». La LWSC présente de meilleures performances grâce à un engagement précoce sur la voie de la « corporatisation » mais aussi du « New Public Management », fortement soutenus semble-t- il, par les gouvernements successifs. Tous les documents consultés, dont les auteurs sont souvent liés à la Banque Mondiale ou aux autres institutions financières internationales, dénoncent l’absence de compteurs comme cause hégémonique des mauvaises performances des opérateurs. Pourtant, comme on l’a vu, de nombreux autres facteurs y concourent. De plus, la nécessité de compteurs peut être discutée (voir encadré).

Encadré 15 : une bonne gestion nécessite-t-elle la pose de compteurs individuels ?

La pose de compteurs sur les connexions individuelles est souvent livrée comme recette miracle pour relever les performances gestionnaires des opérateurs de service d’eau, dans l’idée que cela permet de réduire le taux d’eau non comptabilisée en établissant les factures sur la consommation réelle. Cette mesure figure dans tous les plans de redressement des opérateurs d’eau de la région. Elle découle du principe de l’usager-payeur, défendu par la Banque Mondiale. La pose de compteurs peut-elle réellement améliorer la situation à hauteur de ce qui est attendu ? Il serait utile d’en évaluer plus précisément les enjeux et limites. En effet, sans compteur, la facturation sur la base d’estimations forfaitaires est économique à la fois pour l’opérateur (économies de gestion, de personnel -le relevé mensuel des compteurs est coûteux-) et pour l’usager (location du compteur). Les estimations de consommation peuvent être fiables, au jugé du niveau socio-économique, de la taille des ménages, de leur équipement, etc…La chasse aux « free-riders », aux pertes techniques d’eau sur le réseau et aux mauvais payeurs (notamment les institutions publiques) pourrait se révéler bien plus « payante » en termes de gestion. On connaît d’ailleurs des exemples de services d’eau performants fonctionnant sur la base de la facturation forfaitaire : le service d’eau anglais a très bien fonctionné sans compteur pendant plus d’un siècle… Source : discussion de l’auteur avec S. Jaglin.