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Au niveau local, appauvrissement massif et fragmentation alimentent la crise urbaine

CHAPITRE 3. …QUI S’ENRACINENT DANS UN CONTEXTE ECONOMIQUE

II. Au niveau local, appauvrissement massif et fragmentation alimentent la crise urbaine

Si la crise des réseaux d’eau potable est imputable en partie à des facteurs internes qui tiennent essentiellement à une mauvaise gestion publique des services, le contexte dans lequel elle s’inscrit est tout aussi important. Nous venons de voir les tendances nationales de la crise et les conséquences sociales de celle-ci à l’échelle des pays : voyons à présent comment elles se traduisent à l’échelle des capitales étudiées. Je propose ici quelques grands éléments des tendances socio-économiques qui caractérisent Nairobi, Dar es Salaam et Lusaka et qui, selon mon hypothèse, sont autant d’indices convergents de la fragmentation urbaine.

A)

L’informalisation de l’emploi et le chômage

(1)Nairobi et Lusaka : peu d’alternative entre secteur informel ou chômage

pour les candidats à l’emploi

En 1994, le Kenya comptait 26 millions d’habitants, pour une population active de 11 millions de personnes. Le total de l’emploi salarié était à peine d’1,5 millions d’emplois. La grande majorité des emplois se répartissait soit dans l’agriculture vivrière soit dans le secteur informel, en pleine croissance. Pour cette même année, le marché de l’emploi, avec la création d’à peine de 150 000 postes, ne peut intégrer les 500 000 nouveaux demandeurs d’emplois. Ce sont les villes qui sont les plus touchées par le chômage : en 1996, une personne sur quatre était sans emploi dans les grandes villes, soit un tiers de la population active239. A Nairobi, la crise économique a touché le marché du travail à partir de 1980, se

traduisant par des difficultés croissantes à l’accès des jeunes au premier emploi. Il s’agit surtout de l’accès aux emplois formels, ce qui explique que le chômage ai fait alors un bond considérable, avoisinant les 19% de la population active en 2000240. L’informalisation de

l’emploi des jeunes et le retrait des femmes de la vie active expliquent en partie l’augmentation de la part du secteur informel, de 37% en 1989 à 49% en 2000241. Il est

important de noter qu’il n’y a pas véritablement une création massive d’emplois dans le secteur informel, mais un transfert d’emplois du secteur formel au secteur informel, donc une

239 REPUBLIC OF KENYA. The economic reform for 1996-1998 : the policy framework paper, Government Printer, Nairobi, 1996, p 6. 240 REPUBLIC OF KENYA Kenya Population Census Reports (1948, 1962, 1969, 1979, 1989, 1999), Economic Surveys (1970-2001) 241 BOCQUIER. P. « Les impacts sociaux de la crise économique à Nairobi ; L’ère Moi a-t-elle eu un impact significatif ? », in Politique

informalisation massive de l’emploi (en dix ans, les emplois informels sont passés de 257 000 à 471 000). Deux secteurs sont emblématiques de la crise du recrutement : le secteur public et parapublic qui ne remplacent même plus les partants, et le secteur des multinationales (implantées à Nairobi) quittant le Kenya (suite aux attentats de 1998) pour se redéployer dans la région. Les autres secteurs économiques ne sont pas épargnés par la crise, que les entreprises amortissent au détriment de leurs employés242. Pour les ouvriers, la situation se

dégrade. Avec des salaires mensuels qui bien souvent ne dépassent pas les 50 euros, l’absence de service social, un statut de journalier et une absence totale de sécurité de l’emploi, les ouvriers se sentent totalement isolés, d’autant plus qu’ils n’ont aucune possibilité de revendication. Le parti unique (la KANU) s’est longtemps employé à démanteler les syndicats qui, fortement politisés, ont fait plus parler d’eux en termes de scandales de corruption que de défense des droits des travailleurs. Les revendications salariales s’effacent devant la peur de perdre un emploi devenu si rare, ou s’expriment en dernier recours dans une explosion de violence243. Les difficultés des entreprises sont aggravées par une politique agressive de l’Etat

en termes de levée de taxes. L’augmentation du chômage chez les jeunes et de l’inactivité chez les femmes, ainsi que l’informalisation de l’emploi entraînent une paupérisation croissante de la population.

En Zambie, d’après le « Poverty Reduction Strategic Paper 244», la situation de l’emploi n’est pas florissante. D’une part, les initiatives en faveur de la création d’emplois sont limitées, d’autre part de nombreux emplois dans le secteur formel ont été perdus. Ainsi, la création d’emplois formels ne compense pas la perte des emplois de la fonction publique. L’emploi dans le secteur formel ne dépasse pas 20% de la force de travail depuis longtemps, et connaît un déclin constant : celui-ci s’est encore réduit de 12 à 11% du total des emplois entre 1996 et 1999. Cependant, le chômage a lui aussi baissé de 18,5 à 9,5%, mais cela s’explique par la multiplication des emplois informels. L’augmentation du secteur informel ne contribue pas à la réduction de la pauvreté car entre 1996 et 1998, tandis que le chômage a diminué, la pauvreté a augmenté. Cela s’explique par le modicité des revenus tirés du secteur informel, souvent insuffisants pour satisfaire ne serait-ce que les besoins essentiels des individus.

(2)A Dar es Salaam, le secteur public reste important mais cela n’empêche

ni le chômage ni l’informalisation de l’emploi

En 2000, le nombre d’actifs urbains a fortement augmenté, atteignant 2,9 millions de personnes245, par rapport au début de la décennie. La main-d’œuvre urbaine représente 44%

de la main-d’œuvre totale. Selon la définition du secteur informel utilisée par la « Household Budget Survey » (enquête sur le budget des ménages)246, les données de la « Labor Force

Survey » (enquête sur la force de travail) de 1990/1991 indiquaient que dans un ménage sur quatre en Tanzanie, un membre au moins est auto-employé dans le secteur informel. Dans les zones urbaines, 42% des ménages travaillaient dans le secteur informel. Comme au Kenya, il

242 GOUX. M.A. « Guerre des loyers dans les bidonvilles de Nairobi », in Politique Africaine, Violences ordinaires, n°91, octobre 2003, Karthala, p 68-82.

243 Ce fut le cas en janvier 2002 lorsqu’une centaine d’employés organisèrent le blocus d’une zone industrielle spécialisée dans la confection et se livrèrent à des violences physiques, réduisant le matériel en miettes…Auparavant, leurs revendications salariales n’avaient rencontré aucun écho. Ils étaient payés 1,5 euro pour une journée de travail de 10 heures.

244 IMF. WORLD BANK. Zambia Poverty Reduction Strategy Paper, 2000-2005, 197 p.

245 LERISE. F.S. KYESSI. A.G. Trends of Urban Poverty, Tanzania, Final Report, submitted to the Government of Tanzania, for the Poverty Reduction Strategy Paper, June 2002, p11.

246 Définition tanzanienne du secteur informel : est travailleur informel tout actif « non employé dans le secteur public, paraétatique ou agricole traditionnel, dans une entreprise ayant 5 employés payés ou moins ».

y a eu une baisse importante du nombre de personnes employées par l’Etat et dans le secteur parapublic.

Tableau 40 : évolution de l’emploi urbain par secteur de la population active (15 ans et plus), en % du total des actifs tanzaniens entre 1990 et 2000

« Labour Force Surveys »

Emploi total Secteur public Secteur para- public Agriculture traditionnelle Secteur informel Autres 1990 1 816 229 9,8 8,8 34 36 11 2000 2 918 329 5,9 2,3 37 33 28

Source : REPUBLIC OF TANZANIA. Labour Force Surveys, 1990-1991 et 2000-2001

Tableau 41 : répartition de la population par secteur d’activité à Dar es Salaam en 1996 Population Administration Industrie Agriculture Sans emploi TOTAL Dont secteur

informel * Hommes 146 881 170 642 52 094 161 092 530 709 190 971

Femmes 57 903 42 741 60 768 314 418 475 830 124 587

Total 204 784 213 383 112 862 475 510 1 006 539 315 558

% 20 21 11 47 100 31

Sources : UNITED REPUBLIC OF TANZANIA. 1996, p 18.

* UNITED REPUBLIC OF TANZANIA. PLANNING COMMISSION. The National Informal Sector

Survey, 1991, Dar es Salaam, cité in KIRONDE.L. NGWARE. S. (eds), 2000.

Ce tableau montre clairement le recul attendu du secteur public et para-public (recul lié aux PAS ayant entraîné austérité budgétaire, réduction des finances publiques et dégraissage de la fonction publique). C’est pourquoi les actifs non-employés ont du se replier vers d’autres secteurs plus précaires : on constate une augmentation de l’emploi dans l’agriculture qui joue traditionnellement un rôle de refuge, même en ville, et dans d’ « autres secteurs » (qui mériteraient d’être mieux définis), tandis que le secteur informel se maintient et représente un tiers des actifs urbains. L’administration représente toujours une source importante d’emploi à Dar es Salaam (20%) contrairement aux autres villes, en raison de l’implantation de nombreuses administrations dans la capitale247. Des données plus fines sont fournies

concernant l’emploi informel248. Si on ne prend en compte que l’emploi du chef de ménage, la

part de l’emploi informel a augmenté entre 1990 et 2000 de 30 à 34% à Dar es Salaam, et de 23 à 43% dans les autres villes. Cela suggère que de plus en plus de ménages dépendent du secteur informel pour leur survie économique. La très forte proportion de sans emploi, presque la moitié de la population active, explique également en partie l’urbanisation de la pauvreté.

247 Il est vrai que la capitale politique a été transférée au centre du pays, à Dodoma, mais les administrations renâclent et tardent à se délocaliser. Le siège réel du pouvoir politique et économique demeure Dar es Salaam.

Tableau 42 : pourcentage de chefs de ménage employés dans le secteur informel (en dehors de l’agriculture)

Zones Labour Force Survey 1991 Labour Force Survey 2001 Dar es Salaam 30 34 Autres villes 23 43 Total 4 24

Source : REPUBLIC OF TANZANIA. Labour Force Survey, 1990-1991 et 2000-2001

On a donc bien une informalisation progressive de l’économie urbaine. Qui se révèle explosive dans les villes secondaires en particulier. En revanche, le secteur informel de Dar es Salaam augmente moins vite, ce qui peut s’expliquer par sa fonction de capitale du pays (dans les faits), offrant un plus grand nombre d’opportunités d’emplois dans le secteur public et dans les entreprises formelles. Une grande partie du secteur informel est commerciale.

B)

Urbanisation de la pauvreté

La crise de l’emploi se ressent dans le profil de la pauvreté de chacune des capitales : alors qu’elles continuent d’alimenter les espoirs des migrants qui viennent y chercher une vie meilleure et une certaine réussite économique, elles ne leur offrent plus ces possibilités.

(1)Dar es Salaam : la pauvreté est présente mais a diminué

Deux universitaires tanzaniens, A. Kyessi et F. Lerise, ont été chargés par le gouvernement tanzanien de dresser un tableau diachronique de la pauvreté dans le pays249. L’intérêt de leur

travail réside dans le fait qu’ils ne se sont pas contentés d’analyser la pauvreté monétaire : ils ont utilisé d’autres seuils de pauvreté, comme le seuil de pauvreté alimentaire, à partir des données des « Household Budget Surveys » de 1991/1992 et 2000/2001 et de celles du « Labour Force Survey ». Ils en concluent que si la pauvreté s’aggrave pour l’ensemble du pays, Dar es Salaam semble mieux tirer son épingle du jeu, tirant certainement profit du redéploiement des sièges des organisations internationales et des grandes entreprises de la région. Cependant, cela ne signifie pas que la pauvreté en est absente ni que la fragile embellie économique profite à tous.

Entre 1991 et 2001, la proportion des ménages en dessous du seuil de pauvreté monétaire250 a

baissé significativement (sur le plan national de 21,6 à 17,74%), mais ce recul de la pauvreté est plus marqué à Dar es Salaam, où la proportion de ménages pauvres diminue de moitié (de 13,6 à 7,5%). Les besoins essentiels sont définis ainsi : il s’agit des besoins en termes de nourriture, de vêtements, de logement, d’eau et de soins médicaux. Selon cette définition, en 1991, 48% de la population nationale était en dessous de ce seuil, dont 18%, soit plus de 2,2 millions d’habitants, étaient des urbains251. Selon le recensement de 1991, les incidences de la

pauvreté en termes de besoins essentiels pour Dar es Salaam et les autres centres urbains étaient comparables. Mais depuis 2001, cette configuration a changé, Dar es Salaam est bien mieux lotie que les autres villes tanzaniennes. En 1991, à Dar es Salaam comme dans les autres villes, le taux de population en dessous du seuil de pauvreté des besoins essentiels était de 28%. En 2001, celui-ci est passé à moins de 18% à Dar es Salaam, tandis que pour

249 Idem.

250 Malheureusement, le document ne donne pas d’indication chiffrée concernant ce seuil. 251 Idem, p 9.

l’ensemble des autres villes, la baisse fut moins importante (plus de 23%). On constate aussi une diminution importante de la proportion de ménages en dessous du seuil de pauvreté alimentaire (de 13,6 à 7,5% des ménages de Dar es Salaam entre 1991 et 2001). Mais ces quelques bons indicateurs ne doivent pas faire oublier la réalité de la pauvreté.

Tableau 43 : les dépenses des ménages tanzaniens, par tête/mois en Tsh, 1991-2001

1991 2001 Zones Tsh US$ (1 US$=195 Tsh) Tsh US$ (1 US$=795 Tsh) Dar es Salaam 13 266 68 17 237 22 Autres villes 11 276 58 12 719 16 Zones rurales 7 110 36 8 305 10 Tanzanie 7 964 41 9 423 12

Source : REPUBLIC OF TANZANIA. Household Budget Survey, 1990-1991 et 2000-2001.

Si les données exprimées en Tsh semblent indiquer une augmentation générale, il faut tenir compte de l’inflation qui entraîne de fait une baisse très importante des dépenses mensuelles des ménages. Par exemple, un ménage de Dar es Salaam dépensait en moyenne par tête 2,3 US$/jour en 1991, il ne dépensait plus que 0,72 US$/jour en 2001, ce qui place ces ménages en dessous du seuil de pauvreté d’un dollar par jour et par personne retenu par les organisations internationales. La diminution du pouvoir d’achat des ménages est donc importante. Dans la mesure où une partie importante des dépenses (70%) est consacrée à la nourriture, on peut raisonnablement penser que la baisse du pouvoir d’achat signifie une réduction des dépenses consacrées à la nourriture. De moins en moins de ménages peuvent satisfaire leurs besoins alimentaires. A fortiori, ils ne peuvent pas non plus répondre à leurs autres besoins essentiels non alimentaires, comme l’investissement dans le logement ou l’accès aux autres services. Le nombre de ménages possédant un ensemble de biens de consommation courante a significativement diminué252 au cours des dix dernières années. Une

étude détaillée au niveau local253, dans certains quartiers informels de Dar es Salaam,

confirme les résultats de l’enquête nationale de 2001. Pour les quartiers de Buguruni, Mnyamani, Yombo Dovya, Tungi et Hanna Nassif, la dépense quotidienne par personne varie de 311 Tsh (0,44$) à 628 Tsh (0,89$) d’un quartier à l’autre.

Si les dépenses sont limitées, c’est que les revenus le sont également.

252 Malheureusement, le document ne mentionne pas la liste des biens de consommation courante. 253 Enquêtes menées par A.G. Kyessi, mentionnées dans LERISE. F.S. KYESSI. A.G. Idem, p 10.

Tableau 44 : revenus mensuels moyens en Tsh dans différents secteurs d’activités informelles à Dar es Salaam, en 1991

Revenus moyens mensuels en Tsh

Secteurs d’activités Hommes Femmes

Agriculture et pêche 26 740 20 370 Industrie 15 900 10 710 Construction 20 920 Commerce/restauration/ hôtellerie 21 530 10 100 Transport 58 260

Services collectifs et individuels 18 430 24 860

Moyenne totale 21 150 10 900

Source : NYAMBAYA. S. « Tanzania Mainland : 1991 National Informal Sector Survey Tabulations : Part II, in

Tanzania The Informal Sector, Dar es Salaam, 1991.

Le revenu mensuel moyen dans le secteur informel pour les hommes était de 108 US$ en 1991, et encore plus modeste pour les femmes (56 US$), ce qui est peu mais tout de même plus élevé que dans les autres villes tanzaniennes. Cependant, si on confronte revenus (en ne retenant qu’un seul actif par famille de 5 personnes) et dépenses mensuelles par ménage (5x22 US$), on obtient un solde négatif, ce qui suggère une grande vulnérabilité de ces ménages. Rappelons qu’un revenu mensuel par ménage de 108 US$ représente une dépense quotidienne de moins d’un US$ par jour par personne (toujours pour un ménage de 5 personnes).

(2)Lusaka, un exemple de polarisation sociale avec 56% de la population en

dessous du seuil de pauvreté

Comme dans les deux autres pays, les organisations internationales ont mis au point des indicateurs de pauvreté plus complets et mieux représentatifs que le simple revenu par personne. Il en va ainsi pour la définition de l’indice de pauvreté humaine, développé par les Nations Unies en 1997. C’est un indice complexe qui prend en compte la proportion de nouveaux-nés qui n’atteignent pas 40 ans, la privation de savoir et connaissances mesurée par l’analphabétisme, la privation économique mesurée par la proportion de la population manquant d’accès aux services de santé et d’eau et enfin, le nombre d’enfants légèrement ou gravement en « sous poids ». En Zambie, pauvreté monétaire et humaine sont toutes deux fort élevées. Mais c’est surtout la pauvreté monétaire qui est importante. Au sein des pays de la SADC, la Zambie présente le niveau de pauvreté monétaire le plus élevé mais la situation est moins mauvaise en termes de pauvreté humaine, l’Angola, le Mozambique et le Malawi étant encore plus pauvres. Le « Zambian Statistical Office » (ZSO) définit le seuil de pauvreté comme étant le revenu mensuel nécessaire pour acheter les vivres de base satisfaisant les besoins nutritionnels minimum d’une famille de 6 personnes. En 1998, le ZSO estime qu’en deçà de 32 861 Kw/adulte/mois, une personne vit dans pauvreté extrême, et dans la pauvreté si son revenu est inférieur à 47 188 Kw. En 1991, la population en dessous de ce seuil de pauvreté atteignait presque 70%, était passée à 73% en 1997 ! Pourtant, le seuil de pauvreté est placé très bas : le panier de la ménagère défini dans la conception du seuil de pauvreté et se base sur les besoins caloriques minimum végétariens, excluant la viande, les volailles et le

poisson. D’après les données d’enquêtes nationales254, la pauvreté s’est aggravée en Zambie

dans les années 1990.

Tableau 45 : pauvreté et extrême pauvreté en Zambie, dans les zones urbaines et rurales, 1991-1998, en % de la population totale

Zambie Zones rurales Zones urbaines

Années* Pauvreté générale Extrême pauvreté Pauvreté générale Extrême pauvreté Pauvreté générale Extrême pauvreté 1991 69,7 58,2 88 80,6 48,6 32,3 1993 73,8 60,6 92,2 83,5 44,9 24,4 1996 69,2 53,2 82,8 68,4 46 27,3 1998 72,9 57,9 83,1 70,9 56 36,2

Source : CENTRAL STATISTICAL OFFICE. Living Conditions in Zambia 1998 ; The Evolution of Poverty

in Zambia, 1990-1996.

* Afin de pouvoir comparer les données d’une année à l’autre, les seuils de pauvreté ont été les mêmes pour toutes les enquêtes, définis à partir du même panier alimentaire de la ménagère, mais réajustés aux prix de 1998…

Entre 1991 et 1998, la pauvreté générale a augmenté, tandis que la pauvreté extrême s’est globalement maintenue, ce qui signifie qu’une proportion non négligeable de la classe moyenne a basculé dans la pauvreté. Une deuxième tendance importante concerne l’urbanisation de la pauvreté. Tandis que dans les zones rurales, les deux types de pauvreté ont diminué sensiblement, dans les zones urbaines, l’augmentation de la pauvreté et de l’extrême pauvreté est importante. Même s’il existe des disparités notables entre zones urbaines et zones rurales, dans la mesure où la pauvreté reste plus importante dans les zones rurales, les écarts tendent à se combler au détriment des villes.

L’augmentation de la pauvreté monétaire se traduit par une augmentation de la pauvreté humaine (de 36,9% en 1995 à 37,9% en 1998255), ce qui pousse des plus en plus de ménages à

se lancer dans des stratégies de survie caractérisant une grande vulnérabilité.

254 « Social Dimensions of Adjustment Priority Surveys », 1991 et 1993, et « Living Conditions Monitoring Surveys » de 1996 et 1998. 255 IMF. WORLD BANK. Zambia Poverty Reduction Strategy Paper, 2000-2005, p 22.

Tableau 46 : évolution du nombre de ménages engagés dans des stratégies de survie, en pourcentage du total des ménages, de 1996 à 1998

Stratégies de survie 1996 1998

Recevoir de l’aide alimentaire 6 7

Consommer uniquement de la viande de brousse 10 18

Substituer aux repas habituels de la nourriture moins nourrissante

40 51

Réduire la quantité de nourriture 46 64

Réduire les autres consommations 46 62

Emprunter informellement 23 29

Emprunter formellement 6 5

Vivre de la charité des églises 4 5

Vivre de l’aide des ONG 2

Retirer les enfants de l’école 4 9

Vendre ses biens 11 15

Quémander auprès des amis, voisins et parents 29 58

Mendier dans la rue 1 1

Sources : CENTRAL STATISTICAL OFFICE. Living Conditions Monitory Survey 1996, Living Conditions

in Zambia 1998, Zambia Demographic and Health Survey 1996. WORLD BANK. World Development Report 2000-2001. UNDP. Human Development Report 1997, 1998, 2000. UNICEF. State of the World’s Children

1999, 2001.

(3)Nairobi : l’appauvrissement renforce la polarisation sociale

A Nairobi, la proportion de résidants pauvres est en augmentation256. Selon R. A. Obudho, on

peut distinguer trois groupes socio-économiques : les classes inférieure, moyenne et supérieure. En 1983, 60% des citadins gagnent moins de 2300 Ksh/mois et 20% entre 2300 et 3700 Ksh/mois. Seuls les 20% restant gagnent plus de 3700 Ksh/mois. La répartition de la richesse entre ces trois classes est extrêmement inégale.

Tableau 47 : revenus et concentration de la richesse à Nairobi Revenus mensuels % de la population % de la richesse totale de la ville Moins de 2300 Ksh 60 24 Entre 2300 et 3700 Ksh 20 21 Plus de 3700 Ksh 20 56

Source : SYAGGA. KIAMBA. 1988, in OBUDHO. R. A. « Nairobi : National capital and regional hub », in RAKODI. C. The urban challenge in Africa growth and management of its largest cities, United Nations,