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Au niveau macro-économique, crise des économies nationales et programmes

CHAPITRE 3. …QUI S’ENRACINENT DANS UN CONTEXTE ECONOMIQUE

I. Au niveau macro-économique, crise des économies nationales et programmes

nationales et programmes d’Ajustement Structurel

aggravent la pauvreté

On ne peut tenter de comprendre les grandes tendances concourant à la fragmentation urbaine sans les replacer dans leur contexte économique national. Le Kenya, la Tanzanie et la Zambie connaissent une grave crise économique depuis plusieurs décennies, venue balayer les espoirs soulevés par une relative prospérité dans la période post-indépendance.

A)

Une situation économique de crise

En effet, l’après-Indépendance est marqué par un décollage des économies reposant sur l’embellie des marchés des matières premières, puis sur des tentatives d’industrialisation. Le cas de la Zambie est particulièrement frappant : après avoir compté parmi les économies les plus dynamiques du continent, le pays est aujourd’hui dans les rangs des pays les moins avancés. Bien que la seule croissance économique ne soit pas une condition suffisante, elle est néanmoins une condition nécessaire à la redistribution, elle-même facteur ou « levier » de cohésion sociale. Comment redistribuer les richesses en vue d’une société plus équitable, s’il n’y a plus de richesse ? Le facteur économique est hégémonique dans le faisceau de causalités concourant à la fragmentation urbaine. La crise a entraîné une dépendance accrue vis-à-vis des bailleurs qui ont imposé aux trois pays des programmes d’Ajustement Structurel. Ces programmes ont-ils néanmoins contribué à rétablir les grands équilibres macro-économiques ? Ont-il permis de réduire la pauvreté ?

Avant d’aborder la situation de chaque capitale, il faut comprendre l’ampleur de la crise économique qui touche l’ensemble des trois pays, une des causes hégémoniques de fragmentation urbaine actuelle.

(1)Des indicateurs macro-économiques « dans le rouge », symptômes d’une

grave crise économique partagée par les trois pays

Les symptômes de la crise économique du Kenya, de la Tanzanie et de la Zambie sont très comparables : un recul du PIB, une croissance économique négative, un grave déséquilibre de la balance commerciale, etc.

On assiste au Kenya à une baisse constante de la croissance économique depuis les années 1960, à tel point que depuis le début des années 1990, cette croissance est même devenue négative (Bocquier, 2003)200. Alors que le taux de croissance annuel de la première décennie

après l’indépendance (1963-1972) est de 6,5%, celui-ci chute à moins de 3% à la fin des années 1970. Le Kenya jouit alors de l’une des rares économies africaines performantes des années 1960 jusqu’au début des années 1970. Mais la détérioration est brutale tout au long des années 1980 et au début des années 1990. La croissance moyenne du PIB passe de 5,6% pour 1975-1980, à 4,3% pour 1986-1990, et même 0,9% pour 1990-1993. Le niveau de richesse par habitant recule dans la période 1990-1993 et la croissance moyenne du PIB est négative (- 2,4% par an)201. Le nombre de Kenyans vivant en dessous du seuil de pauvreté défini par le

PNUD passe de 30% en 1970 à 46% en 1994202. La balance des paiements devient négative

dans la période 1986-90 et pour la période suivante, tout comme la balance commerciale (dès 1981-85). Le service de la dette explose : de 8% de la valeur des exportations en 1975-80 à 32,4% en 1991-93, avec une dette extérieure passant de 33,5% du PIB à 68% du PIB sur la même période. Cette crise entraîne une incapacité de l’économie kenyane à créer suffisamment d’emplois pour une population au taux de croissance démographique de 3,5%/an. Un effet de ciseaux se fait sentir, avec une croissance de la population restant élevée (3% par an) et une croissance économique négative (0.5% par an). En 2001, le PIB par habitant a régressé à un niveau équivalent à ce qu’il était 20 ans auparavant. Avec le creusement des déficits publics, le poids conséquent de l’Etat dans l’économie qui avait été possible dans les années 1960 et qui devenait déjà difficile à financer dans les années 1970 n’est plus supportable à partir des années 1980.

La Tanzanie, pays exportateur de matières premières agricoles, connaît également une grave crise de l’économie, entraînant dès les années 1980, la négociation d’un programme d’Ajustement Structurel avec le FMI et la Banque Mondiale. La crise économique, conjuguée aux rigueurs budgétaires requises par le programme d’Ajustement Structurel (coupes budgétaires) a des effets sociaux négatifs, mais aussi des conséquences négatives sur les investissements urbains. Vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, sous les effets cumulés des faiblesses structurales et des chocs extérieurs (notamment la crise pétrolière mondiale de 1973-1974), la croissance effective par habitant baisse de 2,5% (période 1965-1970) à moins de 1,5% entre 1980 et 1985. Le taux d’inflation grimpe de 10%/an durant la période 1970-1976 pour atteindre 31% entre 1980 et 1985. Le déficit budgétaire global est multiplié par plus de 6 entre 1979 et 1985, alors qu’encore en 1977, l’excédent atteint 137 millions de $.

En Zambie, selon A. Dubresson, « passé 1974, le moteur de la rente [le cuivre] devient celui de la crise »203. Cela se traduit par une dépréciation continue par rapport au dollar de la

monnaie nationale, le Kwacha (baisse de 71% de 1970 à 1985). L’effondrement de la rente

200 BOCQUIER. P. « Les impacts sociaux de la crise économique à Nairobi ; L’ère Moi a-t-elle eu un impact significatif ? », in Politique

Africaine, Le Kenya après Moi, n°90, juin 2003, Karthala, p 78-93.

201 IKIARA. G. K. « L’économie kenyane face à l’ajustement structurel (1978-1995) », p 262, in GRIGNON. F. PRUNIER. G. (dir.) Le

Kenya contemporain, [« Hommes et sociétés »], KARTHALA/IFRA, Paris-Nairobi, 1998, 394 p.

202 WORLD BANK. Adjustment case studies, World Bank, Washington DC, 1994. 203 Idem, p 136.

cuprifère nécessite alors un recours massif à l’emprunt pour faire face aux dépenses courantes (le montant de l’emprunt à long terme du gouvernement passe de 14 à 129 millions de Kwachas entre 1970 et 1984). La balance des paiements courants devient déficitaire, subissant un endettement et un service de la dette difficilement supportables (5,5% de la valeur des exportations en 1970, 18,6% en 1980). La crise a de graves conséquences pour les Zambiens : le revenu par tête recule tandis que la dépréciation du Kwacha continue (dévaluations de 20% en 1976 et 10% en 1978). La croissance de la production, fortement positive jusqu’en 1974, devient négative en 1975 (-11,9%), puis faible ou peu soutenue ensuite (sauf en 1984-1985 après les premières mesures de l’Ajustement Structurel).

(2)Causes externes : une cause commune, la dégradation des termes de

l’échange Nord-Sud

Pour les trois pays, la dégradation des conditions des échanges économiques avec les pays riches constituent la première cause du déclin économique, dans la mesure où les économies nationales reposent sur un ou des produits agricoles (Kenya et Tanzanie) ou miniers (le cuivre pour la Zambie). On compte aussi, au nombre des causes extérieures déstabilisant fortement l’économie des pays étudiés, les deux chocs pétroliers et les sécheresses.

Ainsi, les mauvaises influences sur l’économie kenyane sont largement extérieures : la dette, une baisse générale des prix de produits comme le thé et le café et à présent un système de commerce international émergeant (qui pèse lourdement en faveur des grands blocs commerciaux comme l’Union Européenne et le Japon204), tandis que la Communauté Est-

Africaine éclate.

En Tanzanie, dans les années 1970, l’agriculture représentait la base économique du pays. Les cultures de rente comme le café, le coton, le thé, le tabac, le sisal, les noix de cajou et les clous de girofle (ayant fait la fortune de Zanzibar) rapportaient la moitié des devises totales du pays205. La Tanzanie échangeait alors ses produits agricoles contre les produits manufacturés

nécessaires à son industrialisation et à son développement. Mais le secteur agricole tanzanien est spécifique : il se partageait alors entre petits paysans et coopératives agricoles d’Etat développées lors de la villagisation. La crise économique commença en 1974 avec le premier déficit de la balance des paiements dû à la chute des prix des matières premières. La villagisation, dont l’objectif était de rétablir l’équilibre vivrier, se solda par un échec et la production vivrière resta insuffisante. Le pays fut alors dans l’obligation d’importer des céréales de base comme le maïs, le riz ou blé. Le déficit du commerce extérieur est largement à l’origine de la crise actuelle. Par exemple, en 1985, les revenus à l’exportation étaient tout justes à même d’assurer l’achat du tiers de ce qu’ils permettaient en 1977. En 1994, les exportations représentaient 519 millions de d’US$, tandis que les importations totalisaient près de trois fois plus (1505 millions de $). Au début des années 1980, la crise économique s’aggrava. Cela se manifesta par le déclin du PIB et de sérieuses pénuries dans les magasins. Le manque de matières premières entraîna un ralentissement de la production industrielle. Dans le domaine agricole, les rendements stagnèrent en raison des problèmes de transport des denrées et de la faiblesse des circuits de commercialisation, mais aussi du manque d’investissements dans le secteur. Le choc pétrolier aggrava la crise : l’augmentation des prix fut exorbitante, avec une facture pétrolière qui passa de 26% des revenus de l’exportation en 1978 à 56% en 1982. La Tanzanie ajouta à ses difficultés un autre drame qui lui est spécifique : la guerre contre l’Ouganda d’Idi Amin Dada pesa lourdement sur ses finances

204 ALDER. G. « Tackling poverty in Nairobi’s informal settlements : developing an institutional strategy », in Environment and

Urbanization, Urban Poverty II: from understanding to action, vol. 7, n°2, October 1995, Russell Press, Nottingham, UK, 266p.

205 BAGACHWA. M.S.D. « La libéralisation économique. Crises et ajustements structurels », in BAROIN. C. CONSTANTIN. F. (dir.)

(500 millions de US$). La disparition de la communauté d’Afrique de l’Est (perte de deux partenaires commerciaux majeurs) et les trois grandes périodes de sécheresse dans la décennie 1973-1983 pesèrent aussi sur la conjoncture économique tanzanienne.

La Zambie aussi est lourdement pénalisée par sa spécialisation dans l’exportation de ses richesses naturelles, en particulier le cuivre. « L’appareil industriel zambien, à l’image du pays, est malade du cuivre dont il est né »206. Une très grande partie de la base économique du

pays reposait et repose toujours sur le cuivre. Entre 1970 et 1974, cuivre et cobalt fournissent plus de 60% des revenus de l’Etat. Ce sont les exportations de cuivre qui, jusqu’au milieu des années 1970, insufflent la vigueur de l’économie zambienne que l’on qualifie alors d’une des plus dynamiques du continent. A l’indépendance, la rente cuprifère permet aux nouveaux dirigeants en place d’imposer leurs vues et de corriger rapidement les graves déséquilibres nés de la période coloniale en matière d’emplois207. Les nouvelles institutions se multiplient au

cours de cette euphorique première décennie d’indépendance. Des recrutements en masse sont effectués, la bureaucratie croît de manière exponentielle et une part croissante du budget de l’état est consacrée au paiement des salaires et avantages annexes208. Malheureusement, à

partir de 1974, les termes d’échange du cuivre deviennent défavorables : de 2059 $ courants en 1974, la tonne de cuivre exportée passe à 1675 $ courants en 1984, demeure inférieure à 1500 $ en 1985-1986 et ne repasse la barre des 2000 $ qu’à partir de 1988209. En dollars

constants, la chute est encore plus sévère. La forte croissance économique basée sur le cuivre immédiatement après indépendance permet la mise en place d’un tissu industriel relativement étoffé dans le cadre d’une stratégie d’import-substitution. Malheureusement, cette stratégie n’est pas menée à son terme et l’économie reste très dépendante du cuivre, dont la production décroît.

(3)Causes internes : responsabilité des gouvernements au pouvoir

Si les causes externes de la crise économique des trois pays étudiés en sont vraisemblablement les causes principales, on ne doit pas passer pour autant sous silence la responsabilité propre des gouvernements au pouvoir de cette époque. Au Kenya, le système politique lui-même a sa part de responsabilité dans le déclin : le pays a un système politique de parti unique jusqu’en 1992 et est alors gouverné, comme aujourd’hui, par des politiciens plus habitués à se « partager le gâteau » qu’à œuvrer à la santé économique du pays210. Le

système de patronage et de clientélisme contribue largement au déclin de l’économie. Les effets négatifs des politiques économiques précédentes sont un héritage lourd à porter : création de marchés de commercialisation parallèles et explosion de la corruption au sein de l’administration.

Même si le Kenya est plus industrialisé que ses voisins est-africains, le processus de développement industriel y est toujours dans une phase de démarrage. La part des activités industrielles dans le PIB stagne depuis le milieu des années 1970 (12-13%). Le secteur est dominé par les industries légères, les industries alimentaires, le textile, la production de cuir,

206 RAISON. J.P. « La Zambie », in DUBRESSON. A. MARCHAL. J.Y. RAISON. J.P. Les Afriques au sud du Sahara, Paris, Belin- Reclus (Géographie Universelle, tome VI), p 410, cité par DUBRESSON. A. « Les politiques industrielles », p 125-154, in DALOZ. J.P.

CHILESHE. J. D. (dir). La Zambie contemporaine, [Hommes et sociétés], KARTHALA-IFRA, Paris-Nairobi, 1996, 382 p.

207 MULIKITA. N.M. « Bureaucratie et réformes administratives », p 89-98, in DALOZ. J.P. CHILESHE. J. D. (dir). La Zambie

contemporaine, [Hommes et sociétés], KARTHALA-IFRA, Paris-Nairobi, 1996, p 90.

208 DRESANG. D.L. YOUNG. R.A. « The Public Service », in TORDOFF. W. (ed) Administration in Zambia, Manchester, Manchester University Press, 1980, p 94.

209 DUBRESSON. A. « Les politiques industrielles », p 125-154, in DALOZ. J.P. CHILESHE. J. D. (dir). La Zambie contemporaine, [Hommes et sociétés], KARTHALA-IFRA, Paris-Nairobi, 1996, 382 p.

210 BOCQUIER. P. « Les impacts sociaux de la crise économique à Nairobi ; L’ère Moi a-t-elle eu un impact significatif ? », in Politique

de papier, de verre ou de petits outillages. Mais c’est l’agro-alimentaire qui constitue l’activité dominante. S’il est vrai que les gouvernements en place n’ont pas réussi à diversifier suffisamment l’économie kenyane et que la stratégie d’import-substitution a échoué, l’ouverture des frontières à la fin des années 1980 tue les secteurs industriels (industrie textile et des chaussures) encore trop fragiles pour supporter la concurrence de l’Asie voire même du voisin sud-africain. La prise de conscience du gouvernement est tardive et il faut attendre le début des années 1980 pour les propositions de réformes nécessaires visant un retour à la croissance, à la création d’emplois et à l’augmentation du niveau de vie des populations211.

En Tanzanie, l’Ujamaa ne tarde pas à faire sentir les effets négatifs des interventions publiques excessives après la déclaration d’Arusha (voir encadré n°11)

Encadré 16 : les interventions publiques découlant de la déclaration d’Arusha

Premier volet : Le gouvernement procède à une réorganisation de l’habitat et de l’administration du développement rural à travers la création de villages, c’est l’Ujamaa (1967-1973, établissement de fermes d’état, etc.).

Second volet : Il s’agit de la nationalisation de tous les facteurs de production (banques commerciales, lois foncières anti-spéculation, soutien des société d’état et des coopératives par le crédit…). Les effets en sont négatifs : développement d’un énorme secteur public, prolifération de bureaucraties improductives et non- rentables, pénurie de biens de consommation et émergence d’une « économie secondaire » ou parallèle.

Troisième volet : La régulation étatique du marché des produits est mise en place, passant par une limitation de certaines récoltes, une réduction du rôle des intermédiaires privés, etc. Une des principales critiques faites à la politique économique de Nyerere dénonce l’ingérence excessive de l’Etat sur les marchés intérieur et extérieur par des restrictions quantitatives sur les importations, le monopole d’Etat sur le marché intérieur et la fixation des prix. Cela entraîne un accroissement démesuré du nombre d’agents de l’Etat, l’administration publique faisant plus que doubler sa part du PIB entre 1971 et 1983 et l’Etat employant plus des trois quarts des salariés de l’industrie et des services.

Source : MESSER. V. La gestion de l’eau à Dar es Salaam (Tanzanie) ; Défaillance institutionnelle et réponses

citadines, thèse présentée à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, sous la direction de J.L. Piermay,

Laboratoire Image et ville, Strasbourg, novembre 2003, p 216.

Dans les trois pays, les stratégies d’import-substitution se soldent par des échecs en demi- teinte : cela contribue à accélérer les déficits de devises étrangères, sans pour autant mettre un terme à la dépendance sur plan des importations, de la productivité, de la technologie et de l’encadrement. L’administration publique recrute massivement dans la décennie suivant l’indépendance, le but étant d’africaniser les structures d’encadrement politique et économique et de fournir un débouché aux nouveaux diplômés africains. Cette politique, ayant donc sa logique propre, absorbe une grande partie des finances publiques, ce qui est rendu possible par le boom économique post-indépendance. Les critiques portent sur le gonflement artificiel du nombre de fonctionnaires et sur l’improductivité des ces appareils étatiques aux effectifs pléthoriques. Avec la crise économique, les sources de financement des politiques publiques et de la politique de l’emploi se tarissent.

211 IKIARA. G. K. « L’économie kenyane face à l’ajustement structurel (1978-1995) », p 265, in GRIGNON. F. PRUNIER. G. (dir.) Le

B)

Les plans d’Ajustement Structurel

Mon propos n’est pas de faire un exposé exhaustif des plans d’Ajustement Structurel qu’ont acceptés le Kenya, la Tanzanie et la Zambie, dans leur quête de nouveaux financements après le tarissement de leurs revenus propres suite à la crise. Néanmoins, il est important d’en rappeler les grandes lignes car elles conditionnent le contexte des réformes du secteur de l’eau potable. En effet, c’est dans la rationalisation des finances publiques, dans le désengagement de l’Etat de la fourniture des services et de son rôle d’acteur de l’économie que les grandes lignes des réformes du secteur de l’eau trouvent leur origine. Je ne donnerai ici que les éléments fondamentaux pour la compréhension des tendances macro-économiques des quinze dernières années, mais les études sur les PAS et leurs conséquences parfois désastreuses en termes sociaux se sont multipliées.

(1)Zambie et Tanzanie : de « l’humanisme zambien » et du « socialisme

africain » au marché

Ce sont d’abord la Zambie et la Tanzanie qui s’engagent dans les réformes d’Ajustement Structurel. Ces deux pays ont été les plus radicaux dans la mise en place du « socialisme africain » pour la Tanzanie et de « l’humanisme zambien »212 pour la Zambie, doctrines

prônant en fait une nationalisation très poussée des moyens de production et une forme de socialisme économique. Ces deux systèmes ayant échoué, à la fois pour des raisons internes mais aussi pour des causes externes, les gouvernements ont du négocier avec la Banque Mondiale et le FMI pour continuer à jouir de financements internationaux.

La Zambie se voit contrainte de solliciter le FMI dès 1982 et un programme triennal d’Ajustement (1983-1985) est mis en place avec l’appui de la Banque Mondiale213. Il

comprend les mesures d’Ajustement désormais classiques, en partie identiques à celles imposées au Kenya et à la Tanzanie : dévaluation du Kwacha de 20% en 1982, libéralisation partielle des prix, augmentation des prix agricoles, suppression des subventions aux engrais et à la production de maïs, blocage des salaires urbains, encouragements fiscaux à la concurrence sur le marché national et à l’exportation, licenciement massif dans le cadre d’un dégraissage de la fonction publiques...Un système de change flexible a remplacé le système administré.

212 NDANGWA. N. Social Welfare in Zambia, Multimedia Zambia, Lusaka, 2000, 97 p.

213 DUBRESSON. A. « Les politiques industrielles », p 125-154, in DALOZ. J.P. CHILESHE. J. D. (dir). La Zambie contemporaine, [Hommes et sociétés], KARTHALA-IFRA, Paris-Nairobi, 1996, p 136-137.

Encadré 17 : l’historique des PAS en Zambie

Le 1er mai 1997, Kaunda annonce la fin d’une expérience libérale n’ayant pas réussi à inverser la tendance antérieure : diminution de l’investissement, régression du PIB/habitant, glissement continu du Kwacha, forte inflation appauvrissant les ménages défavorisés et aboutissant à des émeutes dans les villes de la Copperbelt. Il amorce un changement brutal d’orientation : les prix et les salaires urbains sont bloqués, le contrôle administratif des changes est rétabli. Deux mois plus tard, un nouveau plan est présenté, le NERP, « New Economic Reform Programme ». Mais ces efforts sont insuffisants et le pays, en réintégrant en 1989 les institutions de Bretton Woods, donne ainsi les rennes de sa politique macro-économique au FMI et à la Banque Mondiale. La population réagit vivement aux premières mesures par de nouvelles émeutes urbaines dès 1991. Celles-ci avaient en effet doublé le prix de la farine de maïs, ingrédient majeur du « mealie-meal », l’alimentation de base. Le mécontentement populaire alimente la montée en puissance d’une opposition d’abord illégale mais qui triomphe aux élections de 1991. Le nouveau pouvoir décide d’accélérer le processus de réformes, avec un premier programme de privatisation, la mise en place d’un comité de pilotage (« steering committee ») chargé de la transformation de 21 sociétés, puis d’un comité technique examinant les modalités de la privatisation. Le