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Les conditions économiques d’accès au service « punissent » les pauvres et favorisent les

CHAPITRE 1. L’ECHEC DE LA GENERALISATION DU RESEAU : DISPARITES

III. Les conditions économiques d’accès au service « punissent » les pauvres et favorisent les

moyennes

A Nairobi, comme à Dar es Salaam et à Lusaka, seuls les ménages les plus aisés ont les moyens de bénéficier de connexions privatives. Chacun des trois services d’eau a un système de tarification du coût de connexion différent. Seule la LWSC a introduit à la fois une péréquation entre usagers domestiques et les autres catégories, et une péréquation entre usagers domestiques. A Nairobi, seule la première péréquation est pratiquée, tandis qu’à Dar es Salaam, la tarification est la plus inéquitable des trois (aucune péréquation). Le coût de connexion inclut les matériaux mais aussi la main-d’œuvre nécessaire aux différentes opérations (creuser les tranchées, travaux de plomberie, etc.). En dépit des péréquations

(quand elles existent), la connexion est coûteuse (et il faut ensuite payer les factures). Dans chaque capitale, le service d’eau suit la même procédure lors d’une demande de connexion : il étudie la faisabilité du raccordement et établit un devis. Le prix final des travaux varie en fonction du diamètre de la canalisation, de la distance entre la parcelle et la connexion sur le réseau municipal. Ainsi un raccordement par une canalisation de 75 mm de diamètre revient moins cher que pour une plus grosse conduite. Tout cela est à la charge du demandeur. Celui- ci peut demander aux employés du service de réaliser l’ensemble des travaux, mais devant l’ampleur de la somme, les candidats préfèrent avoir recours à la main-d’œuvre informelle, aux artisans locaux. Les tuyaux sont souvent enterrés à faible profondeur, entre 20 et 30 cm. Il n’est pas rare que la distance de connexion entre l’habitation et la conduite primaire atteigne plus de 100 m, parfois 1 km. La distance est d’autant plus longue pour les quartiers informels éloignés des conduites primaires du réseau principal. Les conduites ainsi posées sont relativement fragiles et en saison des pluies, elles peuvent être mises à nu, dégradées par le passage des véhicules…

A)

Des coûts de connexion qui excluent les pauvres d’un accès

direct au réseau

(1)Nairobi et Lusaka : des politiques de branchements sociaux qui ne

bénéficient pas aux populations ciblées

A Nairobi, le candidat à la connexion doit fournir les conduites entre la canalisation principale du WSD et son habitation. Les données ci-dessous ne prennent donc pas en compte la pose et le coût des tuyaux nécessaires au raccordement depuis le tuyau d’amenée ; le coût total varie en fonction de la distance. La mairie affirme qu’elle fournit ensuite la main-d’œuvre mais il semble que, dans la majorité des cas, les abonnés aient payé eux-mêmes les ouvriers.

Tableau 23 : coûts de connexion pour les usagers domestiques et les grossistes (kiosques) pratiqués par le WSD à Nairobi

Charges en Ksh* Domestiques Kiosques Industries

Dépôt de garantie 1 200 2 400 6 000

Estimations 800 800 800

Etude 301 301 101

Total en Ksh 2 301 3 501 7 101

Total en Euros 33 50 101

Source : THE CONSUMER INFORMATION NETWORK. Empowering Vulnerable Consumers in Kenya to

Access and Influence Water and Sanitation Services. A Case Study of Korogocho Area, Nairobi, Kenya. Report

prepared by C. ODONGO and W. MUNGAI, Nairobi, June 2002, 53 p. * en 2002, un euro équivalait à 70 Ksh.

Compte tenu du coût élevé du branchement, il est évident que cette solution n'est abordable que pour les catégories moyennes et aisées de la population. Les quartiers informels sont desservis par un maillage très lâche du réseau, ce qui nécessite souvent une grande longueur de conduites pour le raccordement, et donc un coût plus élevé que dans les quartiers formels où le réseau est plus dense. Le coût de branchement constitue donc un obstacle à l'accès direct à l'eau des populations pauvres et explique également, en partie, les faibles taux de raccordements individuels au réseau.

Ainsi, en dépit d'une volonté des autorités de favoriser les petits consommateurs par l'instauration d'une tranche de faible consommation dans la tarification (tranche sociale157), le

prix initial de connexion et le mode de facturation sont autant d'obstacles à l'accès au

branchement des populations pauvres. Il faut également noter que la plupart des kiosques sont enregistrés en tant que branchements domestiques car le coût de connexion est moins élevé158.

Par contre, l’abonné ne peut alors pas bénéficier du tarif « social » de gros de l’eau du WSD (10 Ksh/m3 quelque soit la consommation). Ses facturations sont ainsi calculées sur la base de 12-35 Ksh/m3 (tarif domestique progressif) : le kiosquier répercute ensuite ce différentiel sur les usagers finaux.

Le bilan de la politique de branchements sociaux est négatif : c’est une politique qui a massivement favorisé les classes moyennes de la population qui, d’une manière générale, ont su capter à leur avantage les politiques sociales dans les autres domaines, notamment celui de l’habitat.

A Lusaka, comme à Nairobi, le distributeur d’eau a mis en place une politique de branchements sociaux, mais la péréquation est plus « poussée ». Le coût de la connexion varie en fonction des catégories d’usagers, populations favorisées ou populations pauvres.

Tableau 24 : tarifs fixes de la connexion individuelle en fonction des catégories d’usagers Tarifs en Kw

Catégories d’usagers

1996 1999 1999

en Euros

Industries, commerces 210 000 300 000 109

Résidants des quartiers à faible et moyenne densités (« high and medium cost »)

40 000 50 000 18

Résidants des quartiers de forte densité (« low

cost »)

15 000 30 000 11

Source : LWSC. Document interne, communiqué par MTINE. H. Director Engineering, 2000.

On note que la plus forte augmentation (+ 50% en 3 ans) du tarif fixe de la connexion concerne les résidants des quartiers de faible niveau socio-économique, ce qui pose question concernant une politique de branchements dits « sociaux ». Néanmoins, malgré cette augmentation, ce tarif reste le plus bas. Il faut ajouter à ce coût fixe un coût variable en fonction de la distance du réseau primaire à l’habitation, l’achat des matériaux, etc. Le bilan de la politique de branchements sociaux est le même qu’à Nairobi : les pauvres n’en bénéficient pas car le coût, même subventionné, reste trop élevé.

(2)A Dar es Salaam, riches et pauvres doivent s’acquitter des mêmes tarifs

de connexion

En l’absence de politique sociale, il n’est pas étonnant que le constat soit identique à Dar es Salaam, où le coût du branchement est au minimum de 32 000 Tsh (plus de 25 Euros), ce qui équivalait en 1998 à environ un salaire mensuel minimum d’un emploi à temps complet159. Le

coût de la connexion inclut l’étude de faisabilité, le devis et une somme forfaitaire de raccordement indépendante de la distance.

158 THE CONSUMER INFORMATION NETWORK. Empowering Vulnerable Consumers in Kenya to Access and Influence Water and

Sanitation Services. A Case Study of Korogocho Area, Nairobi, Kenya. Report prepared by C. ODONGO and W. MUNGAI, Nairobi, June

2002, 53 p.

159 MESSER. V. La gestion de l’eau à Dar es Salaam (Tanzanie) ; Défaillance institutionnelle et réponses citadines, thèse présentée à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, sous la direction de J.L. Piermay, Laboratoire Image et ville, Strasbourg, novembre 2003, p 89.

Tableau 25 : coût de la connexion au réseau d’eau en Tsh en 1998 à Dar es Salaam Prix en Tsh (1998)

Devis et études 6 000

Raccordement pour une distance inférieure à 40m (prix minimum)

26 000

1 mètre linéaire, prix DAWASA* 2 500

1 mètre linéaire, prix artisans locaux ** 1 000

* Entretien de V. Messer avec Mme Mmeso, Département des Finances, DAWASA, juillet 1998 ** Estimation à partir des enquêtes de terrain de V. Messer, juillet/août 1998.

Globalement, pour les trois opérateurs, le coût final de la connexion étant élevé, seuls les ménages des classes moyennes et aisées ont les moyens de bénéficier d’un branchement privé, ce qui réduit les possibilités de tarifs sociaux.

B)

Les tarifications permettent-elles de favoriser la

consommation des pauvres ?

A ces difficultés d’accès au réseau s’ajoute celle du paiement mensuel des factures, dont la pratique est comparable dans les trois villes. La structure tarifaire progressive, censée bénéficier aux pauvres, supposés « petits consommateurs »160, renforce les bénéfices captés

par les classes moyennes et aisées : seules catégories sociales à posséder une connexion à l’eau potable, elles sont donc les seules à bénéficier des tarifs progressifs. Comme on l’a vu, les pauvres ont eux, quand ils le peuvent, ont accès au réseau par des installations collectives, sinon ils sont approvisionnés par des colporteurs : propriétaires de kiosques ou colporteurs sont autant d’intermédiaires qui prélèvent leur commission lors de la revente et renchérissent ainsi le prix de l’eau pour l’usager final. Ainsi, par une sorte de perversion des dispositifs, ce sont les pauvres qui paient l’eau le plus cher (au m3).

(1)Des efforts pour mettre en place une péréquation en faveur des usagers

domestiques dans les trois capitales

Contrairement aux modalités de connexion, les trois opérateurs ont adopté le même principe tarifaire : il s’agit de la tarification différenciée, permettant une péréquation entre catégories d’usagers. L’opérateur distingue en général les usagers domestiques, des entreprises et commerces, des agriculteurs, etc. D’autres catégories sont propres à chaque opérateur. Ainsi à Dar es Salaam, l’opérateur applique un tarif spécifique aux expatriés, très largement supérieur à celui de toutes les autres catégories. Le tarif domestique est le tarif le plus bas, grâce à une péréquation effectuée entre les usagers domestiques et les autres catégories. A cela s’ajoute, à Nairobi et à Lusaka, un second mécanisme de péréquation. Il s’agit de favoriser les petits consommateurs grâce à une tarification progressive. Le tarif évolue avec la consommation de la manière suivante :

160 Sur la question des présupposés sur la consommation en eau des populations pauvres, voir : JANIQUE ETIENNE. « Eau et assainissement : croyances, modes et modèles… », p103 à p134, in Afrique Contemporaine, Revue trimestrielle publiée par l’Agence

Française de Développement, n°205, mars 2003, Dossier spécial, 245 p.

Consommation en m3 Tarifs

progressifs/m3

(2)Nairobi et Lusaka : une vaine tentative de péréquation entre petits et gros

consommateurs

A Nairobi, le WSD a mis en place la tarification progressive suivante :

Tableau 26 : la tarification progressive du WSD pour les usagers domestiques Consommation

m3

0-10 10-30 30-60 >60

Ksh/m3 12 18 28 35

Euros/m3 0,16 0,24 0,37 0,47

Source : GOVERNMENT OF KENYA, Review of the Water and Sanitation Sector, 2001. * en 2001, un euro équivalait à 75 Ksh

D’autre part, le NCC recommande un tarif de revente aux kiosques à 1 Ksh / 20 L, mais il n’y a aucun contrôle pour obliger les revendeurs à s’y conformer. Un comité de l’eau formé de conseillers et d’employés du département de l’Eau détermine le tarif d’achat et le tarif de revente de l’eau. Les conseillers municipaux représentent (ou plutôt sont censés représenter) les usagers dans ce comité161. Le prix de revente conseillé est de 1 Ksh/20l, mais la mairie n’a

aucune obligation légale de communiquer ce tarif aux usagers. D’ailleurs il n’existe aucune loi condamnant la revente de l’eau à un tarif supérieur. C’est la raison avancée par la mairie pour expliquer qu’elle ne s’implique pas dans le contrôle de ce prix de revente.

La mairie donne également d’autres justifications : d’une part, selon les employés du WSD, les vendeurs et les autres résidants sont prêts à attaquer les « askaris162 » municipaux, quelle

que soit leur mission dans le quartier, d’autre part, et le service des inspections est en sous- effectif. Les quartiers informels ne figurent pas sur les plans de la mairie et ne sont pas régulés dans les faits (par exemple, tenir un commerce dans un quartier informel ne nécessite pas d’enregistrement officiel).

Enfin, il ne faut pas négliger le fait que beaucoup d’abonnés ne reçoivent pas leur facture, ou alors de manière très épisodique. Enfin, celle-ci est souvent fondée sur une estimation qui est fréquemment sous-évaluée163. Cela a pour conséquence d’abaisser mécaniquement le tarif

unitaire de l’eau pour ces usagers. En revanche, les pauvres qui s’approvisionnent aux kiosques (à l’exception du propriétaire qui peut être branché clandestinement) n’ont aucune chance de ne pas payer dans la mesure où le kiosque est une activité commerciale et que le paiement s’effectue immédiatement.

L’ensemble de ces facteurs entraîne une situation maintes fois dénoncée par les ONG : les pauvres paient l’eau jusqu’à 10 fois plus cher au m3 que les usagers plus riches qui vivent dans les quartiers formels et qui bénéficient d’une connexion privée.

Tableau 27 : les tarifs de l’eau pour l’usager final

Usager final Tarif au m3 , en Ksh* Tarif au m3 , en euros Quartiers informels De 50 cents (minimum) à 100

Ksh/m3 (voire plus en cas de pénurie…)

De 0,01 à 1,40

Quartiers formels De 12 Ksh/m3 à 35Ksh/m3 De 0,20 à 0,50

Source : THE CONSUMER INFORMATION NETWORK. Empowering Vulnerable Consumers in Kenya to

Access and Influence Water and Sanitation Services. A Case Study of Korogocho Area, Nairobi, Kenya. Report

prepared by C. ODONGO and W. MUNGAI, Nairobi, June 2002, 53 p. * en 2002, un euro équivalait à 70 Ksh.

161 Ce qui ne laisse aucun doute sur l’indépendance politique du WSD ! 162 Soldat ou garde en Kiswahili.

163 Pour plus de détails sur les lacunes du système de facturation du WSD, voir : BOUSQUET. A. La restructuration du secteur de l’eau au

Kenya et en Tanzanie face au problème des quartiers pauvres (capitales et villes secondaires), DEA d’Aménagement, sous la direction de

Ainsi, la politique initialement conçue pour être favorable aux pauvres par le biais d’un tarif social et d’une tranche sociale, n’a finalement bénéficié qu’aux classes moyennes et aux classes aisées, seules à avoir les moyens d’une part de se connecter, d’autre part de régler des factures bi-mensuelles. Nairobi n’est pas une exception et ces politiques « classiques » de péréquation, y compris dans d’autres secteurs comme le logement, ont été très largement détournées par les classes moyennes et les catégories aisées, dans un contexte de patronage et de reproduction de l’état.

Comme à Nairobi, deux mécanismes de péréquation s’appliquent aux tarifs de l’eau à Lusaka. D’une part, le distributeur distingue les usagers domestiques des autres types d’usagers : le tarif des premiers est inférieur à celui appliqué aux autres. D’autre part, les petits consommateurs bénéficient d’un tarif inférieur aux autres usagers domestiques, grâce à une tarification progressive.

Tableau 28 : tarifs de l’eau pour les abonnés au réseau de la LWSC

Usagers domestiques Usagers commerciaux et autres catégories Consommation Tarifs en Kw*/m3 Tarifs en euros/m3 Consommation Tarifs en Kw/m3 Tarifs en euros/m3 0 à 6m3 400 0,09 >6m3 à 30m3 480 0,11 >30 à100m3 680 0,15 0 à 100m3 680 0,15 >100 à 170m3 1 500 0,33 > 100 à 170m3 1 500 0,33 >170m3 1 650 0,37 >170m3 1 650 0,37

Source: document interne de la LWSC, communiqué par M. MTINE, novembre 2003 * en 2003, un euro équivalait à 4500 Kw.

Pour les usagers de kiosques collectifs exploités par la LWSC, le tarif pratiqué est de 3000 Kw/mois pour une consommation moyenne de 6m3, soit 10 seaux de 20 litres par jour et par ménage. Cela représente 500 Kw/m3, ce qui est supérieur, si leur consommation reste inférieure à 30m3, au tarif de base appliqué aux abonnés bénéficiant, eux, d’une connexion privative. Cependant, d’autres coûts peuvent s’ajouter à la facture car la LWSC facture tous les services qui lui sont demandés par les abonnés, comme tester le compteur ou encore détecter des fuites (50 000 Kw). Le coût de l’assainissement est inclus dans la facture d’eau en fonction du volume d’eau consommé : il représente 50% de la facture d’eau. La facture comprend toujours une partie fixe, atteignant 4000 Kw par mois pour les usagers domestiques et 10 000 pour les usagers commerciaux. En cas de manquement au paiement de la facture, l’abonné peut être déconnecté et doit dans ce cas s’acquitter d’une taxe de reconnexion s’élevant à 70 000 Kw pour les usagers domestiques et 200 000 Kw pour les autres. Peu de connexions sont équipées de compteurs (taux de connexions équipées d’un compteur : 31% en 2002, 32% en 2003164). La consommation est donc estimée en fonction de mesures tests

effectuées pour chaque catégorie socio-économique de quartier.

Tableau 29 : estimations des consommations par type de quartier, volumes maximums Catégorie de quartiers Volume

maximum Facturation estimée en Kw/mois Facturation estimée en euros/mois Quartiers de faible niveau socio-économiques (« Low

cost areas ») comme Matero Mtendere, Chaisa,

Kaunda Square, etc

30m3 12 960 2,88

Quartiers de niveau socio-économique moyen (« Medium cost areas ») comme Kabwata, Kamwala, Libala, etc

45m3 23 160 5,15

Quartiers de haut niveau socio-économique (« High

cost areas »), comme Kabulonga, Woodlands, Roma,

certaines parties de Chelstone, etc

120m3 91 520 20,34

Source : NWASCO, décembre 2002, cité par BULL. L. .

(3)Dar es Salaam : l’absence de compteurs et la tarification fixe fondée sur

une estimation de la consommation pénalisent les petits consommateurs

En revanche, à Dar es Salaam, si la tarification distingue les catégories d’usagers, ce n’est pas une tarification progressive, ce qui est d’autant plus dommageable aux petits consommateurs que le prix de l’eau n’a cessé d’augmenter depuis les années 1990. Cela peut s’expliquer entre autres par le changement de politique survenu : dans les années 1970, la logique des pouvoirs publics était une logique d’offre dans un souci de rattrapage dans le contexte de socialisme africain de l’après-indépendance. L’eau était considérée comme un bien social, son tarif ne reflétait pas les coûts réels de production, de maintenance…et était ainsi largement subventionné. Depuis la mise en place des réformes marchandes du secteur, le statut économique de l’eau a été mis en avant et désormais, le principe de « l’usager payeur » prime. Les tarifs ont été largement réévalués avec la diminution des subventions de l’Etat. La tarification distingue des catégories de consommateurs. Des péréquations sont effectuées entre usagers industriels gros consommateurs, commerciaux, agricoles et usagers domestiques, à l’exception des expatriés qui sont surtaxés. Les usagers domestiques payent le tarif le plus bas, mais il n’y a pas de péréquation entre les usagers domestiques, entre lesquels l’opérateur n’effectue aucun distinguo.

Tableau 30 : tarifs minimums et catégories de consommateurs en 1999, en Tsh et en euros par 1000 gallons et par m3

Catégories de consommateurs Tarifs en Tsh/1000 gallons Tarifs en euros/ 1000 gallons Tarifs en Tsh/m3 Tarifs en euros/m3 Particuliers 1 881 1,8 414 4,1 Institutions 23 231 23,2 5 110 51,1 Commerces 23 265 23,3 5 118 51,2 Industries 253 231 253,2 55 704 557 Agriculteurs 53 213 53,2 11 709 11,7 Expatriés 40$ 40 9$ 9

Livraison par camion citerne (90 000 l) 45 626 45 10 036 100,4

Source : DAWASA. 1999, document interne et calculs personnels. En 1999, un euro équivalait environ à 100 Tsh et à un dollar US.

La facturation s’effectue sur la base d’une estimation des consommations. Une très grande majorité des branchements est dépourvue de compteurs. L’estimation dépend de la zone de pression à laquelle appartient le branchement. Le réseau est découpé en 294 zones comptant chacune 999 abonnés. Des compteurs sont installés à l’entrée de chaque zone durant une période test de plusieurs mois pour établir la consommation totale moyenne. Celle-ci est

ensuite rapportée au nombre d’abonnés, chacun payant la même part quelle que soit la composition de son ménage. Une famille nombreuse paye ainsi la même facture qu’un couple sans enfant.

Un second critère est pris en compte : la régularité de l’approvisionnement. Le montant des factures s’étale de 3253 Tsh pour une consommation estimée de 15,9 m3, pour les quartiers desservis une à deux fois par semaine, à plus de 12 000 Tsh, pour une consommation de 43 m3 dans des quartiers comme Upanga alimentés quotidiennement et reliés au réseau d’assainissement. Le cas échéant, ce service est facturé en supplément, au forfait de 1322 Tsh. En dépit de l’effort initial de prise en compte de la régularité de l’approvisionnement, par la suite, les factures sont maintenues même lorsque le quartier concerné n’est pas approvisionné pendant plusieurs semaines. Ceci explique en partie le non paiement d’une partie des usagers. Comme dans d’autres secteurs, par exemple pour l’électricité et le téléphone, les opérateurs se sont adaptés à la précarité des revenus des usagers : ils ont recours à des systèmes de prépaiement. Ainsi, pour l’électricité, les habitations sont équipées de compteurs à prépaiement par carte. Le prix des cartes varie en fonction du nombre de KWtt/H souhaités et on les trouve partout dans les échoppes. Cependant, le prépaiement ne résout pas la question du prix du service, les ménages devant alors s’auto-rationner sans pour autant répondre à leur besoin réel. Dans le secteur de la téléphonie mobile, il n’existe pas d’abonnement pour les particuliers. Le coût de création d’une ligne est relativement modique, l’usager doit ensuite acheter des cartes de communications pré-payées. Le coût des cartes est variable en fonction de la durée achetée, commençant à 1 US$, reflétant la faiblesse du pouvoir d’achat de la majorité des usagers.