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5. Politique de gestion de la pluralité culturelle : Théories et applications

1.4 L’intégration : appréhendée par qui ?

2.3.1 Réseaux sociaux

Pour le gouvernement du Québec, l’intégration linguistique dépend beaucoup de « la qualité des relations interpersonnelles de l’immigrant ou de ses enfants avec des membres de la société d’accueil » (Québec MCCI 1990a : 47).

Le document de réflexion sur l’intégration de 1990 détermine 3 facteurs de francisation (Québec MCCI 1990b : 7) : la motivation à apprendre la langue, le désir et la possibilité de la pratiquer dans la vie quotidienne. Il est dit que « la motivation est quasi « naturelle » car la langue est déterminante dans la société d’accueil, elle est nécessaire au processus d’intégration socio-économique et à la mobilité sociale […] les interactions quotidiennes au sein de la société d’accueil et de ses institutions créent un effet de bain linguistique ou d’immersion qui contribue largement à l’acquisition et à la maîtrise de la langue d’accueil » (ibid. : 7). Nous pouvons objecter qu’à Montréal, le paysage linguistique permet de vivre dans sa langue d’origine ou en anglais. Concernant les cours de francisation, « la maîtrise de la langue est rarement acquise dans la formation initiale, il faut généralement plusieurs années. La variété des facteurs, des besoins linguistiques de certaines clientèles de seconde génération sont très similaires à ceux des nouveaux

48 L’intégration économique influence l’intégration linguistique et dépend du type d’emploi trouvé (nombre et intensité des interactions communicatives, langue prédominante (anglais, français, langue communautaire)). Nous avons vu, dans le Plan d’action de 2004 pour l’intégration au Québec que l’intégration socio- économique est un des éléments les plus importants de l’intégration générale. L’intégration professionnelle dépend des acquis de l’immigrant (formation professionnelle, niveau d’études, expérience) et de la structure de la société d’accueil (Québec MCCI 1990a : 45 repris en 2004). Cela présuppose que la structure économique et les besoins en emplois de la société québécoise correspondent aux qualifications des

arrivants » (ibid : 7), ce qui sous-entend que, par exemple dans des quartiers à forte densité ethnique, les contacts avec des Francophones peuvent être très rares.

L’environnement linguistique détermine la possibilité d’utiliser telle ou telle langue, en terme de fréquence, d’objectifs de communication et d’enjeux interpersonnels. Pour analyser l’environnement linguistique des témoins, nous utiliserons la notion de réseau social.

Un réseau social est un ensemble, plus ou moins important, de personnes reliées par « des liens sociaux, selon différentes régularités structurelles » (Juillard 1997 : 252). Dans la notion de réseau social, les relations sociales sont étudiées en termes de nœuds et de

liens. Les nœuds sont les acteurs sociaux dans le réseau49

. Les liens sont les relations entre les acteurs. Des types de rencontres se produisent plus fréquemment entre certains acteurs plutôt qu’avec d’autres, ainsi un ensemble d’individus s’associent pour participer à une expérience interactive (Gumperz 1989 : 38). L’étude de ces liens permet de mettre en exergue le fait que « les comportements des individus sont liés aux structures dans lesquelles ils s’insèrent » (Degenne, Forsé 1994 : 5). Par exemple, un immigrant inséré dans des structures où la langue de communication est le français, aura plus d’occasions de parler français.

Ainsi, la structure d’un réseau social se caractérise par les interactions qui s’y déroulent. Ces interactions sont étudiées grâce à des critères interactionnels et à des critères structuraux, qui, la plupart du temps, sont liés.

Les critères interactionnels sont :

- le degré de multiplexité : les membres d’un réseau ont un certain nombre de rôles sociaux qu’ils activent selon la situation de communication et leurs interlocuteurs. Plus les relations entre les acteurs sociaux seront nombreuses, plus les informations transmises dans les interactions pourront être denses.

- le contenu transactionnel : quel est l’enjeu de l’interaction ?

- la réciprocité ou l’asymétrie entre les rôles des acteurs sociaux en présence - la fréquence et la durée des interactions

49 L’analyse d’un réseau social repose non sur l’individu mais sur l’entité sociale qu’il représente, aux différents rôles sociaux qu’ils jouent, qui sont liés aux diverses positions qu’il assume au sein des différents réseaux sociaux dont il fait partie.

Les critères structuraux des réseaux sociaux sont :

- la taille du réseau, définie par les contacts directs et indirects que l’individu entretient avec les autres membres du réseau (un immigrant peut avoir un réseau très vaste, si sa communauté d’origine est importante dans le pays d’accueil mais n’avoir que des contacts indirects avec eux)

- la densité du réseau : est-ce que les acteurs sociaux de ce réseau ont des relations suivies et fréquentes ? Dans les réseaux ouverts, les liens entre les acteurs sont faibles. Dans les réseaux fermés, ils sont serrés.

- la centralité ou la marginalité de l’individu au sein d’un réseau est un indicateur d’une source de pouvoir (positions sociales nombreuses et/ou valorisées) ou de son absence.

La constitution d’un réseau varie en fonction de l’environnement linguistique, de la répartition spatiale et des caractéristiques personnelles des individus. Un individu qui s’identifie à plusieurs catégories sociales ou de groupes aura une identité sociale composite.

Les domaines d’interaction linguistique qui se définissent par la situation de communication et la relation entre les individus présupposent l’usage d’une langue commune et comportent des enjeux interactionnels différents. Ces domaines se divisent en différentes sphères :

- privée (Relations familières et intimes : famille, amis)

- semi-privée (Relations avec les voisins, les propriétaires, les instituteurs des enfants, les autres parents d’élève…)

- semi-publique (Relations formelles et fonctionnelles mais régulières : travail, lieu de scolarisation)

- publique (Relations formelles et fonctionnelles lointaines : interactions dans la rue, échanges commerciaux, services administratifs…)

- ancrées : « telles que chaque extrême (locuteur) identifie l’autre personnellement, sait […] qu’ils ont établi un canevas de connaissances mutuelles qui retient, organise et applique leur expérience réciproque »

- anonymes : « qui traduisent la façon typique dont se traitent deux individus qui se connaissent uniquement sur la base de leur identité sociale perçue dans l’instant » (Goffman 1973 : 182).

Le degré de réussite de l’intégration linguistique dépend du nombre de relations entretenues dans ces deux catégories. L’intégration linguistique, telle que définie par les politiques québécoises, est réussie si les relations anonymes se déroulent en français mais pour les immigrants, leur intégration linguistique et sociale est réussie s’ils arrivent à tisser des relations ancrées avec des Québécois francophones. Nous allons voir dans notre étude à quels réseaux sociaux appartiennent les témoins une fois installés à Montréal.

Pour étudier l’intégration linguistique, il faut déterminer quelle langue (ou variété de langue) est utilisée dans les différentes sphères auxquelles appartient l’individu (Lachapelle 1994). On saura alors quel degré de maîtrise de la langue il devra acquérir pour répondre aux exigences communicatives de différentes situations d’interaction. Ainsi, plus un individu appartient à un grand nombre de réseaux sociaux aux structures denses et composés de Fancophones, plus son intégration linguistique est facilitée.