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5. Politique de gestion de la pluralité culturelle : Théories et applications

3.7 Quelle est la langue standard au Québec ?

3.7.3 Quelques caractéristiques du français québécois

L’équipe du Trésor de la langue française du Québec considère que le français québécois est une variété géographique du français, en raison de ses traits nombreux et nettement caractérisés par rapport au français de France, mais en même temps le considère comme une variété nationale, en raison de son statut officiel au Québec, de sa relative homogénéité sur tout le territoire, de son emploi général dans les communications et en raison des productions culturelles auxquelles il donne lieu. Sur le plan de la structure interne de la langue, les recherches ont montré que le caractère spécifique du français québécois concernait l’ensemble du lexique usuel car les emplois propres au Québec sont mêlés avec les emplois communs avec les autres Francophones (Poirier 2000 : 248).

Les instruments de référence à créer devraient servir à décrire de manière globale les usages linguistiques propres au Québec et non à faire une comparaison entre le français de France et le français québécois (Martel 1990 : 12).

Nous n’allons pas référencer toutes les particularités du français québécois. Concernant les instruments de référence, nous citons quelques dictionnaires - Dictionnaire du français plus (1992), Dictionnaire du français québécois (1985)-, qui fournissent des réponses contradictoires aux questions lexicales (Simard 1990 : 42), une grammaire de l’oral (Léard 1995). Il existe un modèle écrit du québécois mais il n’a pas encore été décrit et unanimement approuvé (voir plus haut). En ce qui concerne le lexique, l’Office de la langue française a un mandat de normalisation linguistique et c’est lui qui détermine ce qui est correct ou ce qui ne l’est pas. Si cette instance officielle a eu un rôle

très important lors de la francisation du Québec et au moment de l’affirmation de l’usage

correct du français du Québec, ses choix lexicaux restent parfois lettre morte ou sont contestés par une certaine frange de linguistes qui les jugent artificiels et arbitraires (Simard 1990 : 45). Le modèle de prononciation, qui semble faire consensus dans la communauté scientifique et civile, est celui des annonceurs de Radio-Canada « à mi-chemin entre le

modèle européen et le modèle québécois »66.

66

Les principales caractéristiques langagières du français québécois sont (Simard 1990 : 45): - l’orthographe de certains mots (baseball en français québécois, base-ball en France) - l’emploi des majuscules,

- le lexique (réalités sociopolitiques québécoises, vocabulaire technique) - la féminisation des titres

3.8 Conclusion

Nous pouvons donc conclure qu’il y aurait une norme linguistique abstraite, descriptive et une norme de la langue émanant de l’environnement social, une norme sociolinguistique. Les francophonies périphériques se trouvent encore dans une situation où cohabitent au moins deux normes principales (Moreau 1999 : 50-51) : une norme reconnue institutionnellement (le français de référence comme norme exogène) et une norme effectivement pratiquée mais non encore explicitée (norme endogène). Si elle est décrite, cette norme peut ne pas avoir encore été officialisée, par exemple en tant norme utilisée dans l’enseignement. De ce fait, cette norme endogène a du mal à s’imposer et à être assumée par les locuteurs.

Le manque de description scientifique de la langue française du Québec a une incidence sur le déficit de légitimité des locuteurs de cette langue. Ainsi, pour Martel (1999 : 126) « le jour où le français des Québécois quittera le domaine du « français de référence » (représentation abstraite actuelle) pour devenir un « standard » (lorsqu’existera une description effective et complète de leur standard), ce dernier deviendra une référence concrète et réelle » et la norme québécoise deviendra opérante et fonctionnelle. Jusqu’à maintenant, il y a encore un décalage entre les pratiques linguistiques des locuteurs de la communauté linguistique des Francophones du Québec et leurs représentations de la norme linguistique à suivre. Les institutions officielles ont donc un travail de description scientifique et de diffusion à poursuivre et la communauté linguistique doit également se mobiliser car « la légitimation d’une norme endogène ne peut provenir que de la communauté elle-même, c’est-à-dire des locuteurs eux-mêmes qui, seuls, peuvent définir le rapport et la distance au français de référence » (Martel 1999 : 126). Même si nous sommes d’accord avec Martel sur le rôle de la communauté linguistique, nous aimerions nuancer

- traits prosodiques :

o énergie articulatoire sur la première et la dernière syllabe au détriment des syllabes intermédiaires

o tendance à conserver, surtout sur les syllabes inaccentuées, une durée demi-longue aux voyelles /e/ et /a/ et aux voyelles allongées par les consonnes /r/, /z/, /j/

- articulation des voyelles :

o voyelle /e/ diffère du français de France actuel (opposition « bêle » et « belle »)

o voyelle /e/ possède un double timbre (qualité sonore) : un moyennement ouvert (bette, belle) et l’autre très ouvert (tête, bête…)

o en français québécois : distinction entre le /a/ dit antérieur ou « clair » et le /a/ dit postérieur ou « grave »

o l’opposition de /un/ et /in/ - articulation des consonnes : affrication

cette affirmation. Les actions d’aménagement linguistique participent à la légitimation de la norme endogène. Nous avons déjà expliqué ce phénomène quand nous parlions du lien entre normalisation et normativisation : sans des actions de valorisation linguistique menées par les institutions politiques, la communauté linguistique concernée aura des difficultés à lutter contre son insécurité linguistique. Il s’agit donc pour le Québec de se positionner par rapport à la norme exogène et non de s’en séparer complètement.

4 Quelle langue apprendre ?

La notion de compétence

Les individus se trouvant dans un processus d’intégration vont acquérir le code linguistique qui leur permettra d’interagir avec les autres membres de la société d’installation. Ils doivent apprendre des éléments linguistiques et des savoir-faire communicatifs pour faire face aux différentes situations de communication auxquelles ils seront confrontés. Comme pour la notion de norme que nous avons abordée dans le précédent chapitre, nous voyons que la compétence de communication à acquérir est soumise à la variation dans le but de s’adapter aux contraintes du contexte interactionnel.