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Les réseaux de distribution

Conclusion du chapitre

Section 2 Les médias, un secteur varié mais complexe

A. Les réseaux de distribution

L’histoire de la distribution de la presse en Mauritanie est celle de la non réglementation du secteur, la distribution n’étant pas considérée comme une activité économique libérale florissante. De ce fait aucune règle juridique n’a été édictée pour définir le cadre juridique dans lequel peut s’exercer cette activité.

Ce n’est pas pour autant que des réseaux de vendeurs et d’intermédiaires (1) et des réseaux composites (2) ne se sont pas développés au fur et à mesure du temps.

1. Les réseaux des vendeurs et des intermédiaires

En matière de distribution les règles juridiques qui s’appliquent aux réseaux de revendeurs (a) sont différentes à celles qui s’appliquent aux réseaux d’intermédiaires (b).

a) Les réseaux des revendeurs

Cinq caractéristiques distinguent les réseaux de revendeurs des autres réseaux de distribution 398 . Les revendeurs sont juridiquement et économiquement indépendants du producteur, la distribution doit être faite à l’initiative du producteur, l’initiative de distribution doit avoir un caractère privée, le partenariat entre le producteur et le distributeur ne doit pas être sélectif ; de même il faut que le produit distribué subisse deux ou plusieurs ventes avant

398 PERUZZETTO. S, « La validité des réseaux de distribution au regard du droit français et communautaire », Aspects contemporains du droit de la distribution et de la concurrence, actes du colloque de l’université de Toulouse1, 24 et 25 mars 1995 et conférences de doctorats, centre de droit des affaires de l’université des sciences sociales de Toulouse1, éd Montchrestien, p. 27.

qu’il arrive au consommateur final399. La question qui va nous intéresser est en fait les règles juridiques applicables aux réseaux des revendeurs.

En principe, la distribution est assurée par l’entreprise de presse elle-même.

Mais cela n’est pas toujours possible. En fait la distribution se limite aux points de vente de la capitale Nouakchott, faute des moyens de locomotion permettant l’acheminement des publications dans les autres villes de la Mauritanie dans de brefs délais. Il faut compter deux jours minimum pour qu’un paquet de journaux soit acheminé à Nouadhibou400. Le coût du transport n’est pas à sous-estimer.

C’est pour ces raisons que les entreprises de presse recourent à des agences pour commercialiser leurs produits. A cet égard, le réseau des revendeurs, autrement dit la mise en vente, fut assurée par l’agence 12/24 qui distribuait les journaux Alamel, Siraj, Elhayt Elwateniya et certains hebdomadaires comme, à titre d’exemple, Elssebil, Sehivet Chehoud, Sewet Elmoumal et Elmouwatene.

L’agence 12/24 distribuait de 50 à 60 journaux par numéro401. Elle vend les publications simultanément au numéro 402 au siège de l’agence et par abonnement. La distribution aux abonnés se fait selon le mode de portage à domicile ou selon le mode de postage403. Les établissements publics ont des

399 Ibid., p.28.

400 Nouadhibou est la capitale économique de la Mauritanie. Elle est à 380km de Nouakchott, est desservie par tous les moyens de transport traditionnels, cars, bus, trains, bateaux et avions. Seulement, les vols y sont que par semaine, les bateaux mettent énormément de temps pour y arriver. Les bus et les cars restent les moyens de transports les plus répandus pour le transport des biens et des personnes en Mauritanie. Or, ceux-ci, compte tenu de l’état du terrain mettent beaucoup de temps pour arriver à Nouadhibou. Ce constat est valable pour tout le pays.

401 Rapport annuel de la haute autorité de la presse et de l’audiovisuel, sur la situation de la presse écrite privée et publique, 2012, op.cit., p.4.

402 Voir BELLESCIZE. D et FRANCESCHINI. L, Droit de la communication, op.cit., p.119.

403 Voir DERIEUX. E, Droit des médias, droit français, européen et international, op.cit., p.116 et 117 et BENSOUSSAN. A, Le multimédia et le droit, off lin, on line Internet, op.cit., p.293 et suivantes.

abonnements pratiquement pour tous les grands numéros de la presse mauritanienne404.

La question qui se pose ici est de savoir quel droit s’applique à la relation entre une entreprise de presse et l’agence de distribution et entre celle-ci et ses abonnés ? Il est évident que le droit civil a vocation à s’appliquer à tout ce qui concerne la formation et la validité du contrat. L’apparition des questions économiques nouvelles a contribué nettement à la prospérité du droit de la concurrence qui a plutôt tendance à régir tous les rapports économiques entre les personnes. Or, le droit de la consommation n’est pas étranger aux rapports entre producteur, distributeurs et consommateurs405. Où se situe le contrat de distribution par rapport au contrat d’agence commerciale ? Il faut admettre qu’en droit mauritanien, la question reste en suspens. Cependant, le droit communautaire dans lequel pioche occasionnellement le législateur mauritanien nous fournit la réponse : le contrat de distribution serait un contrat spécial qui se définit indépendamment des autres contrats voisins 406, régi par le droit communautaire de la concurrence. Cela résulte du règlement 1983/83 du 22 juin 1983407 du droit communautaire européen.

404 Rapport annuel de la haute autorité de la presse et de l’audiovisuel, sur la situation de la presse écrite privée et publique, op.cit., p.4. s’expliquent à la fois la graphie, les sens initiaux de consommer, et une longue hésitation sémantique entre consommer et consumer ». Voir RZEPECKI. N, Droit de la consommation et théorie générale du contrat, éd presses universitaires d’Aix-Marseille, 2002, p.7. « Le droit de la consommation est né de la volonté d’assurer au consommateur face au professionnel une protection que le droit commun des contrats ne paraissait pas lui assurer suffisamment ».

406 On entend ici par contrats voisins, le contrat de vente, du prêt et de location.

407 Voir PERUZZETTO. S, « La validité des réseaux de distribution au regard du droit français et communautaire », op.cit., p.29.

b) Les réseaux des intermédiaires

Comme leur nom l’indique, les intermédiaires sont des prestataires de service de vente qui « agissent pour autrui sans acquérir la propriété des biens qu’ils contribuent à distribuer »408. Il est fréquent que les intermédiaires aient l’exclusivité sur les produits qui leur sont confiés dans le but de distribuer auprès de revendeurs dans un territoire donné409. En Mauritanie, l’agence Mappissi (ﻲﺴﺑ ﺎ ﻣ) demeure le plus grand réseau des intermédiaires, où le plus grand nombre des journaux et publications sont distribués. Mappissi distribue pour Akhbar Nouakchott, Nouakchott info, Calam, Sada Elahsath, Eltewassoul, Sebil et Sehive410. Sont distribués 100 à 500 exemplaires de chaque journal. Le mode de distribution utilisé par Mappissi est classique puisqu’elle fait appel à des vendeurs à la sauvette qui se chargent de la vente des journaux et périodiques dans les grandes rues de la capitale, moyennant 30% du montant des ventes des journaux. Les 70% restant sont partagés entre l’agence Mappissi et l’entreprise de presse411. Mappissi se charge aussi de l’acheminement de quelques exemplaires dans l’intérieur du pays.

Compte tenu de la spécificité des contrats qui le lient avec les entreprises de presse, Mappissi ne dispose pas d’une obligation de résultat412 l’obligeant à vendre la totalité des publications qui lui sont confiées. A cet égard, « l’élément de confiance nécessaire dans les conditions d’exécution des obligations de

408 LELOUP. J, « L’agence commerciale en Europe », Aspects contemporains du droit de la distribution et de la concurrence, op.cit., p.19. Voir LELOUP.J, Les agents commerciaux, statuts juridiques, stratégies professionnelles, éd Delmas, 3e édition, 1995.

409 BENSOUSSAN. A, Le multimédia et le droit, off lin, on line Internet, op.cit., p.302.

410 Rapport annuel de la haute autorité de la presse et de l’audiovisuel, sur la situation de la presse écrite privée et publique, op.cit., p.4.

411 Ibid.

412 BENSOUSSAN. A, Le multimédia et le droit, off lin, on line Internet, op.cit., p.519.

diffusion des publications périodiques est tel qu’il est considéré qu’il s’agit d’un contrat intuitu personae, incessible sans l’accord du contractant »413.

2. Les modes de diffusion par voie hertzienne terrestre

Les fréquences radioélectriques414 sont attribuées par le ministère des Postes et des Télécommunications. Ce dernier attribue des fréquences aux entreprises publiques désireuses à condition d’observer certaines règles techniques précédemment définies par le ministère qui est l’institution de tutelle (a). Les entreprises privées en sont privées (b).

a) L’accès du secteur public à la diffusion hertzienne terrestre

Les sociétés de l’audiovisuel public, notamment Télévision Mauritanie (TVM) et la radio Mauritanie, ont l’accès libre au spectre des fréquences dans la limite des fréquences disponibles. Cette liberté d’accès s’explique par leurs missions de service public sinon d’intérêt général. Si cet accès se fait hors appel à candidatures, donc sans mise en concurrence, sans durée déterminée, l’accès au spectre des fréquences hertziennes terrestres obéit quand même à des contraintes. Ainsi un certain nombre de normes techniques doivent être respectées. Ces règles techniques sont arrêtées par le gouvernement qui recueille pour l’occasion l’avis de l’autorité multisectorielle. Le fait que les entreprises publiques aient l’accès libre au spectre des fréquences sans la moindre concurrence n’est pas sans conséquences. A cet égard, l’Etat se donne les

413 DERIEUX. E, Droit des médias, droit français, européen et international, op.cit., p.114.

414 A cette époque précisément les modes analogique, numérique et câble n’existait pas, la seule voie de diffusion étant celle par voie hertzienne terrestre.

moyens de mettre le nez dans le fonctionnement et l’organisation de ses entreprises. Il s’attribue même le droit d’intervenir sur le plan de choix de la programmation.

b) Le secteur privé et l’accès à la diffusion hertzienne terrestre

La diffusion hertzienne terrestre n’est pas accessible aux initiatives privées, une façon pour l’Etat de ratifier son déterminisme de maintenir son emprise sur ce secteur fondamental qu’est l’audiovisuel415. A présent, depuis les années 2000, neufs ambassades diplomatiques sont autorisées à retransmettre les programmes de leurs chaines nationales416, mais pas sans contraintes.

Les radios et les télévisions qui émettent de l’extérieur subissent un contrôle consciencieux si elles arrivent toutefois à éviter la censure. De la sorte, Radio France International (RFI) a été interdite d’émettre sur la bande de fréquence FM Nouakchott. Elle serait selon les autorités publiques un dénigreur méprisant du pays qui salit l’image de l’Etat417. En réalité, les vraies raisons de cette censure sont ailleurs. RFI a diffusé deux reportages : l’un sur l’Intifada418, accablant la Mauritanie d’avoir tendu la main à Israël en établissant des relations diplomatiques et surtout de les avoir maintenues au cours de l’Intifada ; l’autre sur la reprise des armes envisagée par le front Polisario.

415 CLAUSEN. U, « Une politique de censure et de répression permanente de l’opposition », op.cit., p.328.

416 Parmi ces délégations diplomatiques basées en Mauritanie figurent, l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique, de la France et du Qatar.

417 Le Calame du 5 décembre 2000, cité par CLAUSEN. U, op.cit., p.28.

418 La révolte du peuple palestinien contre l’oppression d’Israël. On parle ici de la seconde intifada, celle de 2000, voir Wikipédia.

Dans le même contexte, la chaine al-jazzera419 a été rappelée à l’ordre à la suite de la retransmission des images déchirantes de l’Intifada. Les pouvoirs publics sont allés même jusqu'à demander aux responsables politiques qataris demeurant en Mauritanie d’arrêter la transmission420. D’ailleurs, la réception gratuite de la chaine a été interdite421. Mais cette censure est-elle valable pour tous les réseaux de distribution et de diffusion parallèles ?

B. La protection contre les réseaux de distribution et de diffusion