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Le régime économique des médias

Conclusion du chapitre

Section 2 Les médias, un secteur varié mais complexe

B. Le régime économique des médias

Pendant ce premier épisode, qui commence à partir de 1999 jusqu’à des 2010, certains médias bénéficiaient non seulement des subventions directes versées par l’Etat (1) mais aussi des prix électifs et privilégiés sur certains produits et services (2). Ces aides relèvent du régime économique propre à la presse.

1. Des prix électifs sur certains produits et sévices

Le régime économique de la presse est finalement un régime de faveur puisque les entreprises de la presse y trouvent leur compte aussi bien sur le plan des tarifs préférentiels dont elles profitent en matière des papiers et de l’impression (a) que sur le plan des envois postaux (b).

a) Sur le plan de prix électifs des papiers et de l’impression

Les taxes sur les papiers sont amoindries afin que le prix d’impression soit bas

pour la presse publique et privée.

Etablissement public à caractère industriel et commercial, l’imprimerie nationale, seul établissement public chargé de l’impression pour les journaux nationaux, supporte la grande part des frais d’impression de tous les journaux, quelle que soit leur orientation idéologique, leur centre d’intérêt, leur ligne éditoriale et leur niveau de périodicité en contrepartie d’une subvention annuelle versée par l’Etat. Ainsi, le coût global d’un journal de huit pages s’élève à dix mille ouguiyas389. Le prix pratiqué par l’imprimerie nationale permet aux journaux d’avoir une marge permettant la rentabilité de leurs produits médiatiques.

389 Rapport annuel de la haute autorité de la presse et de l’audiovisuel, sur la situation de la presse écrite privée et publique, 2012, op.cit., p.2.

L’Etat verse une subvention annuelle à l’imprimerie nationale, subvention qui sert à compenser le manque occasionné par la réduction des frais d’impression : sans elle, le tirage d’un journal coûterait 96 ouguiyas pour un prix de vente de 100 ce qui empêcherait notamment la parution de journaux privés non financés par le contribuable mauritanien.

b) Sur le plan postal

Dans le cadre des aides consenties par l’Etat à la presse écrite privée et publique, les services de la poste390 pratiquent des tarifs très avantageux pour la presse papiers. Ces tarifs préférentiels sont encore plus avantageux que ceux adressés aux personnes morales abonnées. Ils ne prennent pas en compte la régularité de la parution des journaux. Ils sont destinés à tous les imprimés, journaux et écrits périodiques. Néanmoins, sont pris en considération le poids du colis et la zone géographique à laquelle il est livré. Les prix électifs d’affranchissement postal permettent l’expédition et l’acheminement des exemplaires des journaux aux abonnés à bas prix. L’Etat compense le manque à gagner pour Mauriposte.

Les tableaux suivants montrent la différence entre les tarifs préférentiels dont la presse bénéficie et les autres tarifs ordinaires.

Tarifs ordinaires391

390 Mauriposte : société mauritanienne des postes créée le 29 décembre 1999 par le décret n° 99-157/

PM/MIPT après l’éclatement de l’office des postes et télécommunications.

391 Tableau tarifaire disponible sur le site de Mauriposte, consulté 14 septembre 2016 sur le lien électronique suivant http://www.mauripost.mr/Tarifs.htm.

poids A l’intérieur de

Il importe de souligner que ces tarifs sont fixés par Mauriposte en commun accord avec l’Etat, car la loi n°2004-015 sur la poste du 5 juillet 2004 ne prévoit pas de tarifs spéciaux pour les écrits, journaux et imprimés. Les dispositions antérieures, notamment la loi n° 68-207 du 6 juin 1968 portant création de la caisse nationale d’épargne, le décret n° 69-131 du 28 février 1969 portant organisation de la caisse nationale d’épargne et la loi n°93-039 du 20 juillet 1993 portant code des postes et télécommunications ne disposent pas non plus de tarifs spéciaux pour les publications.

La loi n°2004-015 sur la poste du 5 juillet 2004 dans son article 67 dispose quand bien même que « des décrets d’application complèteront en tant que de besoins la loi présente », ce qui veut dire que des dispositions relatives aux tarifs postaux spéciaux peuvent être prises par le gouvernement. De toute façon c’est déjà le cas pour les écrits, journaux et imprimés, donc de tels décrets ne constituent pas une nécessité pour le secteur du média papier.

2. Les subventions de l’Etat

L’Etat peut toujours subventionner des entreprises de presse privée ou publique et ceci n’est qu’un « (…) moyen pour l’Etat d’externaliser l’une de ses fonctions régaliennes et les plus importantes sans que cela puisse faire l’objet d’une critique au titre des règles concernant les aides d’Etat 393».

393 DUTHEIL DE LA ROCHERE. J, La concurrence dans la société de l’information, op.cit., p.75.

Cependant, à défaut d’un fonds de subvention à la presse (a), ces aides dans la majorité des cas sont temporaires et occasionnelles (b).

a) Absence d’un fonds de subventions à la presse

L’absence d’un fonds de subvention et d’aide à la presse en général, et en particulier à la presse privée, montre l’éclipse en Mauritanie d’une prise de conscience de l’importance des médias dans la promotion du pluralisme et plonge celle-ci dans l’amateurisme et la médiocrité. Il faut remarquer en effet que l’absence de moyens financiers394 ne permet pas à la presse privée de travailler sous pression des détenteurs des capitaux et des hommes d’affaires toujours en excès de zèle.

Pour répondre convenablement à ses missions la presse appelle à la création d’un fond de subvention géré par un organisme indépendant. Faute de quoi son indépendance et sa crédibilité risquent d’être mises en cause395.

b) Subventions temporaires et occasionnelles

Au delà du cadre conventionnel, l’Etat accordait occasionnellement des subventions à certains médias sous forme de dépannages. Ces subventions sont octroyées après une demande formelle ou informelle faite au président de la République qui puise dans son coffre à sa guise. La demande peut aussi être

394 CLAUSEN. U, « Une politique de censure et de répression permanente de l’opposition », Annuaire de l’Afrique du nord, 2000-2001, p.329.

395 DERIEUX. E, Droit des médias, droit français, européen et international, op.cit., p.145.

adressée au ministre de la Communication. La proximité du cercle du pourvoir est essentielle, compte tenu du caractère informel de la subvention. Les médias publics tout comme les médias privés peuvent bénéficier de ces subventions afin de mettre un terme à des difficultés financières passagères ou récurrentes.

A certains égards, la rareté et l’incommodité des subventions tiennent aux modalités et aux circonstances de leur octroi. Celles-ci sont opaques.

§2. Les réseaux de distribution et de diffusion des produits médiatiques

La liberté des médias n’a de sens que lorsque la distribution est libre396. Tous les journaux, radios et télévisions doivent être accessibles au public « dans les mêmes conditions de liberté, de neutralité et d’égalité, sans restrictions, distinctions ni discriminations »397 et cela en dépit de leur idéologie. La mise en vente des journaux en Mauritanie fut régie par l’article 11 de la loi n° 91-023 du 25 juillet 1991 relative à la liberté de presse qui dispose que « La circulation, la dissolution ou la mise en vente en République islamique de Mauritanie, de journaux ou écrits périodiques ou non, d’inspiration ou de provenance étrangère ou de nature à porter atteinte aux principes de l’islam ou crédit de l’État, à nuire à l’intérêt général à compromettre l’ordre et la sécurité publics, quelle que soit la langue dans laquelle ils seraient rédigés, peut être interdite par arrêté du ministre de l’Intérieur ». La distribution n’est pas totalement libre. Cependant, distribution et diffusion des produits médiatiques passent par plusieurs réseaux officiels (A), alors que la protection contre les réseaux parallèles fait défaut (B).

396 DERIEUX. E, Droit des médias, droit français, européen et international, op.cit., p.107.

397 Ibid.