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Sur les 161 ouvrages répertoriés145, nous en avons considéré 149. Les autres n’étant pas d’auteurs comoriens ou de littérature à proprement parler.

En partant du tableau, il apparaît très clairement que la majeure partie de cette littérature éclot en l’espace d’une décennie de 2000 à 2010 exactement. En à peine dix ans, nous dénombrons près de 101 titres sur les 149 relevés ce qui équivaut à 1/3 des publications d’ouvrages littéraires Comoriens. On constate donc que de 1985 à 1999, soit en 14 ans, seulement une trentaine de livres de fictions littéraire ont été publiés. Pour finir, aucune de ces publications ne s’est faite aux Comores, à l’exception des ouvrages édités par Les éditions du Baobab à Mayotte. Celles-ci font figure d’exception malgré une activité très longtemps irrégulière. La maison d’édition se situant sur la partie française de l’archipel, à Mamoudzou, elle bénéficie d’aides et de subventions dans le cadre d’actions comme la promotion de la lecture dans l’île. Cependant, dans les débuts, le travail éditorial était insignifiant. Ceci expliquant cela, il est alors normal de constater elle n’avait publié de sa création aux années 2000, que seulement une dizaine d’ouvrages de littérature comorienne par des auteurs

145 Voir annexe 1, Liste des ouvrages référencés. Le tableau ne prend pas en compte certaines revues et certains ouvrages de recherches notamment les dictionnires.

1980-1990 1991-2000 2001-2010 2011 Total Roman 1 10 34 2 47 Nouvelle 0 0 10 2 12 Poésies 2 3 25 1 31 Théâtre 0 3 15 2 20 Contes + littérature jeunesse 1 12 11 0 24 Essai prose-poétique 0 0 11 0 11 Réf/Recherche 0 2 6 4 12 Total 4 30 112 11 157

118 comoriens. Ces textes, majoritairement des contes appartiennent tous à la collection Archives orales. Une collection tenue de 1997 à 2002 et qui, selon nos données, compte près de 11 numéros appelés « cahiers » avec un objectif précis, conserver l’histoire de l’île. Mais au fil du temps, sa politique éditoriale a beaucoup évolué notamment depuis les années 2000, passant d’un centrage sur l’édition de manuels scolaires essentiellement, à la publication et diffusion d’une littérature de jeunesse146, avec pour principe et vocation première, la promotion de l’île de Mayotte, sa culture, ses paysages…

Mais si les éditions du Baobab peuvent se prévaloir aujourd’hui d’éditer et de distribuer sur place, même si une grande partie des manuels scolaires sont imprimés en France avec le soutien de Gecko Édtions, ce n’est pas le cas des éditeurs originaires des trois îles indépendantes. En effet, bien que certaines maisons d’édition soient domiciliées dans les îles (Komédit, entre autres), toutes impriment en France. L’édition est donc confrontée au problème de l’imprimerie. Quel est son état, existe-t-elle dans les îles ? Il est clair que l’imprimerie fonctionne même si elle n’est certainement pas aussi développée que celle de pays comme la France, car les journaux parviennent à exister en sortant qui quotidiennement et d’autres en tant qu’hebdomadaires. Si l’imprimerie fonctionne dans ce cadre, c’est évidemment parce qu’elle ne nécessite pas les mêmes techniques que dans l’édition du livre où là, les moyens matériels se doivent d’être plus conséquents. Il est donc plus aisé de tirer un journal de 8 pages en 1000 exemplaires qu’un roman de 150 pages en 400 exemplaires.

Ceci soulève plusieurs questions : la première concerne le rapport des Comoriens à la publication et la deuxième à l’écriture. En somme, l’art d’écrire est ici vu comme quelque chose de particulièrement marginal.

Nous constaterons qu’en apparence ils écrivent peu et en conséquence, publient peu. Jusqu’à la création de Komédit, les deux possibilités s’équivalaient et avaient chacune de bons fondements. Cependant, après vérification, il s’avère plus juste de s’arrêter à la deuxième réponse car en existant, Komédit, rejoint par les Éditions de la Lune, a permis la parution de plusieurs œuvres d’auteurs comoriens. Ainsi nous pouvons plus aisément en déduire que ce qui a longtemps fait grandement défaut aux Comores, fut l’absence de maisons d’édition.

146 Se référer à l’article de Christophe Cassiau-Haurie, L’édition dans l’archipel des Comores, sur le site www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=10477

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b) Conséquence première : l’absence de maisons d’édition

Constatation du problèmes et premières tentatives de résolutions

Face à ce handicap, une association de jeunes étudiants comoriens l’ASEC (Association des Stagiaires et Étudiants Comoriens en France) « s’était montrée pionnière, en diffusant un recueil de nouvelles au début des années 80. »147 Il s’agissait d’une association politiquement engagée dans une idéologie révolutionnaire qui souhaitait, au travers de la promotion des lettres, « incarner avant tout « une culture nouvelle »et de se hisser à la pointe des « jeunes pousses rouges » 148 et des « bourgeons que ne sauraient écraser les bottes » pour le « syndicalisme révolutionnaire ». Autrement dit, l’ASEC défendait, non pas l’écriture mais l’idéologie portée par son combat contre le colon et le bourgeois. » Dans cette perspective, l’association sélectionnait les textes et ne publia que ceux qu’elle avait jugée en adéquation avec ses aspirations. Ainsi cadrées, les vocations ne pouvaient donc entièrement et librement s’exprimer. Il faudra attendre encore quelques années pour que des éditeurs autres que comoriens s’y intéressent.

Ainsi, la seule voie possible de la promotion du livre littéraire Comorien fut dans un premier temps, l’édition étrangère, en l’occurrence les maisons d’éditions françaises implantées en France et spécialisées dans les littératures francophones.

En conséquence, les quelques comoriens qui ont vivement souhaité être lus se sont orientés vers ces maisons d’éditions. Celles-ci comme l’Harmattan ou Présence Africaine servent alors de passerelle aux littératures étrangères. C’est par le biais de l’une d’elles, l’Harmattan, que Mohamed Toihiri a pu publier son premier roman. Créée en 1975, la maison d’édition se veut au carrefour des cultures : l’Afrique, l’Asie, les Amériques, le monde arabo-musulman…

« C'est une maison très prolifique, mais au travail d’éditeur assez minimaliste. Les auteurs ne sont pas payés (ou presque pas payés) mais le lecteur trouvera chez l'Harmattan une multitude de livres (études, essais, romans…) qui n'aurait pas été publié ailleurs, à lui de faire le tri et d'y trouver son bonheur. Il faut reconnaître à L'Harmattan le mérite d'être un des derniers défenseurs des sciences humaines universitaires que beaucoup d'autres éditeurs délaissent comme non rentables. »149

147

Soilih Mohamed Soilih, La littérature comorienne, de la fable à la politique, in revue Africultures n°51,

L’archipel des Comores, un nouvel élan ?, Collectif, L'Harmattan, 2002. p.17 148 Idem

149

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c) Évolution de l’édition de 1985 à 2010

L’Harmattan connaît les Comores. Tout ce qui concerne les Iles de la Lune, qu’il s’agisse des ouvrages historiques, de traités ou d’études sur la société comorienne, se trouve dans ses rayons. En publiant le roman de Mohamed Toihiri en 1985, l’éditeur permet à la littérature comorienne de se frayer un chemin et de figurer dans les rangs des littératures francophones et ainsi de faire sortir d’autres écrits des tiroirs et d’oser se proposer au public. En effet après ce roman, d’autres furent publiés, toujours chez le même éditeur. Six ans plus tard, en 1991, Brûlante est ma terre de Baco Abdou Salam sera le deuxième, puis suivront le second roman de Mohamed Toihir, le Kafir du Khartala, en 1992 et la pièce de théâtre, La

fille du polygame de Nassur Attoumani. Viendra ensuite le roman d’Hamza Soilhaboud, Un coin de voile sur les Comores (1994) et ainsi de suite.

On le constate très vite, l’Harmattan devient la seule maison d’édition à proposer cette nouvelle littérature, lui offrant la chance de sortir de son isolement insulaire. C’est ainsi que, dans un premier temps, l’éditeur, étant la seule référence en France, semble détenir le monopole quant à la publication de livres d’auteurs comoriens et ce jusqu’à ce que Aboubacar Saïd Salim rompe ce monopole en publiant son roman Et la graine chez Cercle Repère, un des premiers éditeur comorien. Malheureusement, celui-ci ne fera pas long feu. Nous n’avons retrouvé que deux titres chez l’éditeur en question : Et la graine et Autopsie des Comores, un ouvrage sur l’histoire mouvementée des Comores indépendantes entre 1975 et 1990. Il n’est pas possible de donner les dates de parutions, celles-ci ne figurent malheureusement pas dans les ouvrages.

En près de deux siècles de domination française sous toutes les formes connues, ce n’est que près de dix ans après l’accession à l’indépendance que les Comores voient émerger leurs premiers écrits littéraires d’expression française. Si l’on regarde ce mouvement de plus près, le constat est simple : comme nous l’avons plusieurs fois souligné au cours de notre raisonnement, l’Harmattan donne sa chance à la littérature comorienne en publiant La

République des Imberbes en 1985. Elle poursuit son action sans se limiter à la production

romanesque ni même à la fiction littéraire. L’éditeur s’intéresse à tout, proposant des ouvrages anthropologiques, historiques, sociologiques etc. Soulignons toutefois qu’une année

121 auparavant, une européenne publiait son roman Le tournis aux éditions Grasset. Sans être comorienne, Hortense Dufour dresse un portrait de la société comorienne d’avant l’indépendance. Son texte s’ancre dans la capitale, Moroni, et ses personnages sont comoriens pour la plupart. Il n’est pas faux de prétendre qu’elle serait alors à l’origine du premier roman comorien pourtant, nous maintiendrons l’idée que La République des imberbes remplit ce rôle.

Le graphique suivant montre cette progression. Assez lente dans ces débuts, l’édition d’œuvres d’auteurs comoriens connaît un essor à partir des années 2000. Nous revenons dessus plus loi, cette évolution s’accorde avec la création des maisons déditions.