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Une régulation différente en résidence et en SAVS renforcé

3. Une vie en semi-collectivité : enjeux et limites de la prise en soin

3.1 Une régulation différente en résidence et en SAVS renforcé

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Tout groupe, qu’il soit communautaire ou qu’il prenne d’autres formes, appelle une nécessaire régulation dans ses interactions. Si le groupe ne remplit pas lui-même la fonction, des tiers sont utiles pour l’assurer. Cette régulation est une des missions principales des intervenantes sociales, qui peuvent, avec l’appui du règlement intérieur, et si besoin, de l’intervention du chef de service, désamorcer les tensions et les conflits.

3.1.1 La place symbolique des intervenantes comme lien du collectif

Les intervenantes sociales ont aussi une fonction de contenance et de lien pour l’ensemble des membres du groupe. Leur absence peut être vécue comme une source d’angoisse, voire de vide intense. Il semble qu’elle soit plus ressentie dans les résidences accueil, la colocation garantissant une présence au sein même du logement personnel pour les habitants.

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«!Des!fois!le!weekPend,!je!ne!suis!pas!là,!je!vais!des!fois!chez!mon!père…!parce!que!comme! c’est!fermé!là!en!haut,!enfin!comme!y!a!personne![elle!évoque!l’absence!des!intervenantes! sociales],!des!fois!je!bouge!un!peu!quoi…!»!(E2!:!Prisca,!46!ans)!

Pourtant, durant les week-ends, le collectif est accessible pour que les résidents puissent organiser entre eux des repas ou des temps communs. Pour Prisca, cela l’amène à sortir hors de la résidence et à trouver d’autres formes d’occupation.

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«! Ah! oui! oui! les! maîtresses! de! maison,! ça! aide…! moi! je! suis! malheureuse! quand! c’est! le! samedi!et!le!dimanche,!parce!qu’il!faut!que!j’aille!à!l’hôpital…!bon!j’aime!bien!mais!je!m’ennuie! à!l’hôpital…!»!(E12!:!Paulette,!58!ans)!

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Paulette est la seule à se rendre en hôpital de jour durant les week-ends. Elle fait un rapprochement direct entre la non-présence des hôtes et une forme « d’obligation » pour elle de quitter la résidence durant leur absence.

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Dana, comme nous l’avons déjà précisé, peine à prendre du recul par rapport aux comportements qu’elle observe chez les autres résidents.

«!Quand!il!y!avait!les!maîtresses!de!maison!le!weekPend![présence!quotidienne!pendant!les! 6!premiers!mois!après!l’ouverture!de!chaque!résidence]!mais!qu’on!nous!avait!dit!que!ça!allait! s’arrêter…!et!bien!j’ai!senti!un!désarroi!horrible…!maintenant!passer!le!dimanche!ici!coupée,! isolée…,!vraiment!c’est!horrible!quoi!(…)!!(E4!:!Dana,!57!ans)!

Ses propos laissent transparaître une recherche de « normalité » par le contact avec les intervenantes sociales, auxquelles elle semble s’identifier. Souvent en mouvement, cherchant à s’extraire de ce qu’elle nomme « un ghetto de malades psychiques », Dana entretient une vie sociale à l’extérieur de la résidence, qui lui permet de s’évader et de souffler hors du cadre de l’habitat accompagné durant les week-ends.

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3.1.2 Des formes de conjugalité et de rivalité au sein du SAVS

Au SAVS renforcé en particulier, les intervenantes sont vigilantes sur l’entente entre les membres des colocations. Le nombre impair de trois colocataires complexifie la dynamique, créant des affinités plus fortes, qui produisent des effets parfois inconscients de rejet de la troisième personne. Le sociologue américain Charles Horton Cooley définit l’homme comme un animal groupal et « il ne faut pas croire que l’unité du groupe soit faite seulement d’harmonie et d’amour. Cette unité implique toujours des différenciations et généralement des rivalités. »215

Nous avons constaté qu’au sein des deux colocations où il y a présence d’une femme et de deux hommes, des affinités, sous forme de conjugalité entre les femmes et l’un des hommes, complexifient les relations entre les hommes, allant jusqu’à des situations de rivalité, voire de mise à l’écart et de rejet.

Enzo habite avec Noé et Pamela, la colocation se passe assez bien mais il rencontre des difficultés relationnelles avec Noé.

«!Ouais,!la!colocation!se!passe!bien,!j’ai!un!problème!avec!Noé!mais!c’est!pas!grave…!c’est! pas!grave,!c’est!du!passé,!je!lui!en!veux!pas!du!tout.!(E8!:!Enzo,!42!ans)!

Nous sentons que le sujet n’est pas abordable. Enzo a récemment été en conflit et a perdu son sang-froid, assénant une gifle à son colocataire. Il s’entend cependant bien avec Pamela. Noé présente des comportements problématiques, notamment d’addiction, dans la colocation. Il est difficile de les réguler, d’autant qu’ils peuvent nuire aux autres habitants qui adoptent des comportements similaires, comme Pamela. Elle aussi peut se laisser entraîner dans des conduites addictives, peut-être dans l’espoir d’entretenir des liens intimes avec Noé ?

Des hospitalisations séquentielles ont été travaillées avec le soin pour Noé afin qu’il puisse être pris en charge de façon régulière.

«!Oui!il!y!a!eu!quelques!conflits,!vous!avez!dû!en!entendre!parler!mais!bon!on!va!pas!en!parler! là…!»!(E8!:!Enzo,!42!ans)!

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215 A

NZIEU D. et MARTIN J.-Y. (2004), La dynamique des groupes restreints, Paris, PUF, coll. « Le psychologue »,

La relation entre les deux hommes semble aussi se jouer autour de la place que pourrait prendre Enzo auprès de Pamela lors de l’absence de Noé, ce qui provoque des tensions dans le trio.

Dans l’autre colocation, composée de deux hommes et une femme, l’analyse du discours de Valentine révèle un lien fort entre elle et René, avec qui elle vit depuis son arrivée au SAVS il y a dix ans.

«! Ya! pas! d’inconvénient…Très! bien,! avec! René,! on! rigole! souvent,! on! discute,! on! mange! ensemble!tandis!que!Pascal!est!plus!solitaire,!il!fait!ses!repas!que!le!soir!tout!seul.!»!(E7!:! Valentine,!57!ans)!

Pascal, entré plus tardivement, à la place de Guillaume, semble lui aussi en difficulté pour faire groupe avec le duo.

Un changement de colocation a déjà été effectué pour Guillaume afin de le préserver, du fait de problèmes relationnels avec René et d’une cohabitation impossible à poursuivre.