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Questionnement et hypothèses de recherche

3. Une vie en semi-collectivité : enjeux et limites de la prise en soin

5.2 Questionnement et hypothèses de recherche

Notre recherche nous conduit à réfléchir aux solutions d’habitat accompagné, comme le compromis possible d’un entre-deux, dont l’accompagnement « sur-mesure » doit être ajusté et remanié en fonction des écueils que rencontrent les personnes dans l’expérience de leur maladie. Un grand nombre de personnes en situation de handicap aspire à la « normalité » d’une vie en logement autonome. L’entourage ou les professionnels poursuivent aussi cet objectif et sont en recherche de solutions pour « dévier » d’une trajectoire institutionnalisée.

De nombreuses questions se posent pour comprendre l’impact sur les habitants des deux formes d’habitats accompagnés que nous avons observés.

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ESCAIG B. (2009), op.cit., p. 91. 102 V

ELPRY L. (2014), « Aller mieux avec des troubles psychiques. Un regard sociologique », Santé Mentale, Acte Presse,

Sur quels fondements se sont-ils créés pour répondre aux besoins particuliers de ce public ? Peut-on parler de l’habitat ou du logement comme d’un support de soin ? Quelles sont les différences entre la vie en résidence accueil et la vie dans un habitat suivi par un SAVS renforcé ? Quel aspect prend la notion de « chez-soi » pour eux ? Parviennent-ils à investir pleinement leur lieu privé ? Quel est le rôle du semi-collectif qui participe à la gestion de ces habitats ?

Pour répondre à ces questions, il est intéressant et nécessaire d’observer comment les habitants des lieux s’approprient un espace de vie.

En résumé, nous souhaitons questionner le rapport entre l’habitat, de droit commun ou médico-social, lieu de vie hors de toute institution et la notion de prise en soin de la personne en situation de handicap psychique. Nous avons construit notre question de recherche, qui touche le cœur même de l’accompagnement des personnes en situation de handicap psychique sur leur lieu de vie, autour de l’impact du dispositif, suite à une demande du gestionnaire. Il s’agit d’évaluer les effets positifs et/ou négatifs des habitats accompagnés dans le parcours des personnes.

Dans la continuité de notre réflexion, enrichie par nos observations de terrain, nous avons choisi d’orienter notre question de recherche sur la problématique suivante :

Dans quelle mesure l’habitat « accompagné », en résidence accueil et en SAVS renforcé, comme support et enjeu de la prise en soin d’une personne en situation de handicap psychique, produit-il des effets sur le parcours de vie et le parcours de soin permettant de limiter le recours aux hospitalisations psychiatriques ?

Nous avons examiné le fonctionnement global de ces structures. Des échanges avec les habitants des lieux et les professionnels nous ont éclairée sur plusieurs points, soulevant des pistes de réflexion. En lien avec notre problématique de recherche, nous avons déterminé trois hypothèses, auxquelles nous apporterons des éléments de réponse dans notre analyse.

La première touche à l’entourage des personnes en situation de handicap psychique. Nous supposons que l’habitat « accompagné » intervient dans le parcours de vie et de soin d’une personne en situation de handicap psychique lorsqu’il y a déficit, absence, épuisement ou inadaptation de l’entourage et que la vie en logement autonome n’est pas ou plus envisageable. Dans un second questionnement, nous envisageons ces formes d’habitat accompagné comme un gage de sécurité, qui participe à la prise en soin des personnes. Avoir un logement à

soi dans un habitat semi-collectif, assorti de l’accompagnement d’intervenants sociaux et d’un suivi des services de soin, influencent positivement la vie quotidienne des personnes, limitant le recours aux périodes d’hospitalisation psychiatrique.

Notre troisième et dernière hypothèse interroge l’environnement sécurisé, à la fois contenant et apaisant de l’habitat « accompagné » en résidence accueil ou en SAVS renforcé. Ce mode d’habitat peut s’apparenter à une nouvelle forme « d’institutionnalisation » en milieu ordinaire, qui, par la protection sociale qu’il procure, restreint le champ des possibles « hors du dispositif ».

Afin d’argumenter nos réponses, nous décrirons, dans un premier temps, le contexte de l’étude qui concerne les deux formes d’habitat étudiées, dont l’UDAF du Finistère est gestionnaire, avec d’une part deux résidences accueil et d’autre part un SAVS renforcé.

Dans un troisième chapitre, nous détaillerons nos choix méthodologiques, mêlant le quantitatif, par des données chiffrées précises, et le qualitatif, par des données empiriques, issues du terrain de recherche.

Enfin les deux derniers chapitres seront consacrés exclusivement à l’analyse des résultats. !

Chapitre II. Le dispositif observé : deux résidences accueil et trois

colocations

!

Pour expliquer le contexte de la recherche-action, nous partirons d’un point important à souligner sur la complexité de l’accès à l’habitat pour les personnes fragilisées, dont celles en situation de handicap psychique. En passant par l’éclairage de la création du concept de résidence accueil et des modalités nécessaires à leur mise œuvre, nous terminons par la description et le détail du fonctionnement des deux formes d’habitats accompagnés qui nous intéressent dans ce travail.

1. La complexité de l’accès à l’habitat des personnes fragilisées

Les résidences sociales sont créées à la suite de mesures des pouvoirs publics notifiées par le décret du 23 décembre 1994. Celles-ci ont pour objectif de permettre :

« l’accueil sans limitation de durée de personnes au faible niveau de ressources dans une situation d’isolement ou d’exclusion lourde et dont l’accès à un logement autonome apparaît difficile à court terme, sans relever, toutefois, de structures d’insertion de type CHRS. »103

Elles s’inscrivent à l’intersection d’une part, entre les structures d’hébergement et d’autre part, entre les structures d’insertion et le logement locatif social.

Suite à l’expérimentation des résidences sociales, des déclinaisons se dessinent et un programme expérimental dans le cadre d’un appel à projet de création de « pensions de famille » est lancé en 1997. Le nouveau modèle, repris dans la circulaire de décembre 2002104 relative aux maisons relais, constitue une modalité particulière de résidence sociale. Il a pour objectif principal de stabiliser les personnes relevant de ce dispositif « dans un habitat durable de type communautaire et de petite taille » en développant une offre alternative de logement pour des personnes en situation de grande exclusion.

Les maisons relais ou pensions de famille s’inscrivent dans le droit commun et sont régies par le Code de la construction et de l'habitat105. Elles ouvrent droit au bénéfice d’une allocation personnalisée au logement plus avantageuse106.

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103 Guide des dispositifs d’hébergement et de logement adapté (2008) : « Répondre aux besoins des personnes sans domicile ou mal logées », Chantier National prioritaire 2008-2012, co-production DGAS/DGALN-DHUP, p. 15. 104

Circulaire 2002/595 du 10 décembre 2002, texte de référence de la circulaire interministérielle du 20 avril 2017 relative à la mise en œuvre du plan de relance 2017-2021 des pensions de famille et des résidences accueil, consultée le 14 juillet 2017, [en ligne] : http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2017/05/cir_42217.pdf.

105 Cf. Article L.301-1 du Code de la Construction et de l’Habitation.

106La dépense logement en résidence sociale est « tout compris », car elles sont conventionnées. La redevance est forfaitaire,

incluant un équivalent loyer et un équivalent charges. Les résidents peuvent donc mieux maîtriser leur budget. Pour plus d’informations, se référer à la convention type APL « résidences sociales », annexe n° 2 au III du R 353-159 du C.C.H.)

Leur particularité est d’être dans une logique de logement pérenne, c’est-à-dire un habitat

« sans limitation de durée et offrant un cadre semi- collectif valorisant la convivialité et l'intégration dans l'environnement social. »

Une enquête sur les pensions de famille107 note que selon le FIchier National des Etablissements Sanitaires et Sociaux108 (FINESS) : 73% des structures sont des pensions de famille « classiques » et 27% sont des résidences accueil. La finalité de ce type de dispositif doit encourager la réadaptation des personnes logées, dans la perspective de leur faire retrouver tous les aspects de la citoyenneté. L'implantation des projets s'inscrit dans une analyse des besoins relevant des Plans Départementaux d'Action pour le Logement des Personnes Défavorisées (PDALPD). La particularité de l’accueil d’un public ciblé est au départ écarté.