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L’intervention du droit, gage d’une protection

3. Une vie en semi-collectivité : enjeux et limites de la prise en soin

1.2 L’appui des aides humaines pluri-professionnelles

1.2.1 L’intervention du droit, gage d’une protection

Sur les 47 résidents du dispositif MADEN/MADEHO, 30 personnes sont accompagnées dans le cadre d’une mesure de protection judiciaire188, 28 curatelles renforcées et deux tutelles. Une personne bénéficie d’une Mesure d’Accompagnement Social Personnalisé189 (MASP) et 16 n’ont pas de mesure. Dans le cadre de notre corpus, nous avons rencontré 10 personnes sous curatelle, 4 sans protection et une bénéficiant d’une MASP.

Source : S. Thébault (2017), données recueillies sur le dispositif observé

Selon le philosophe Frédéric Worms190, le handicap psychique a aussi été marqué par un déplacement, non plus vers le social ou la protection sociale mais un déplacement « du soin vers le droit », avec une protection juridique et politique. Les rendre plus autonomes, notamment dans leur capacité à décider, semble être une volonté de la société. Pourtant, c’est une difficulté majeure de ces maladies. Il n’est pas rare que l’entourage privé ou professionnel soit amené à prendre des décisions, dans une visée de protection pour leurs proches, pour leur bien.

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À ce titre, la loi du 5 mars 2007 sur les majeurs protégés a réaffirmé le principe de la capacité de la personne, l’incapacité devant rester l’exception. Il est exclu de parler de suppression de droits mais plutôt d’une incapacité à les exercer pleinement sans le biais d’une aide extérieure. Étymologiquement, les mesures pour les majeurs protégés sont exercées par un tuteur, qui défend et représente, ou par un curateur, qui prend soin et assiste. Le choix de la mesure se fait sur décision judiciaire par un juge des tutelles, qui par les éléments probants en sa possession, argumente et légitime son jugement, en fonction de la gravité des troubles et du degré d’altération des facultés de la personne.

189 Les MASP sont destinées à aider des personnes majeures dont les facultés ne sont pas altérées mais qui sont en grande difficulté sociale et perçoivent des prestations sociales. La MASP est mise en œuvre par les services sociaux du département. À la différence d’une mesure d'accompagnement judiciaire, la mesure d'accompagnement social fait l'objet d'un contrat d'accompagnement social personnalisé.

190

WORMS F. (2013), « Handicap psychique et décision pour autrui », « Le handicap psychique, de nouveaux droits ? », Colloque Santé mentale, société, cognition, conférence du 10 janvier 2013, CIRPHLES, École normale supérieure, consulté le 15 novembre 2016 et le 22 juin 2017, [en ligne] : http://www.savoirs.ens.fr.

0 5 10 15 20 25 30 Curatelle Tutelle MASP Aucune Nombre!de!résidents Ty p e !d e !m e su re !

Répartition des mesures de protection sur l'ensemble du dispositif Maden/Madeho en 2017

Aussi, il est fréquent que, dans le domaine du droit, les personnes en situation de handicap psychique se retrouvent, parfois malgré elles, sous mesure de protection judiciaire. Qu’il s’agisse d’une tutelle ou d’une curatelle, ces dernières ont un caractère ambivalent. Elles peuvent entraver l’autonomie ou à l’inverse représenter une sorte de « garde-fou », ouvrant le champ des possibles, notamment dans le droit commun.

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1.2.2 L’intervention des services d’aide à domicile

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Plusieurs profils se distinguent en fonction des accompagnements au long cours. Sur les 15 résidents interrogés, 9 bénéficient d’une aide professionnelle ou familiale pour l’entretien du logement ou de leur linge. Une personne souhaiterait une aide mais n’en fait pas la démarche. Deux autres semblent inquiètes d’une éventuelle intrusion dans leur intimité. Une personne a stoppé pour raison financière et une autre a retrouvé une bonne autonomie.

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Source : S. Thébault (2017), données recueillies sur le dispositif observé

Nous avons constaté sur le terrain que certains habitants nécessiteraient de l’aide dans leur vie quotidienne mais refusent l’intervention d’aides à domicile ou d’un SAVS/SAMSAH, souvent par peur d’une intrusion dans leur intimité.

« Dans toute relation, le respect, parce qu’il garantit à l’autre un espace d’existence personnelle où il puisse exercer sa liberté, est la condition de sa présence. Seul, il ouvre une porte sur l’intimité et la réciprocité de l’échange. »191

Effectivement, il est indispensable que la personne accepte d’être aidée à partir de son logement, sans quoi l’intervention est impossible et n’aura pas de sens.

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191 B

OUCAND M.-H. (dir.) (1998), Intimité, secret professionnel et handicap, Lyon, Chronique Sociale, coll.

« Comprendre les personnes », p. 13. 1!fois!par!

semaine 2!fois!par!semaine Plus!de!2!fois!par!semaine Pas!de!passage!d'AVS

10 7

2

28 Répartition des résidents en fonction

« Le domicile est l’endroit où on est le maître de maison, où la personne maîtrise son espace. Ce qui veut dire éventuellement que la personne peut refuser d’ouvrir la porte. Le domicile est un espace à soi, un espace dans lequel on peut diriger un peu les choses. »192 Le travail des Services d’Accompagnement et d’Aide à Domicile (SAAD) nécessite du tact et de la patience pour pouvoir créer une relation dans la durée et maintenir l’intervention dans le domicile. La personne a le droit de faire ses propres choix, hors de toute pression.

Yann, malgré ses problèmes physiques, n’a pas suffisamment de moyens financiers pour l’intervention d’une aide à domicile, qu’il accepterait pourtant.

«!…il!avait!une!aide!à!domicile!pour!le!ménage,!il!n’a!plus!maintenant,!parce!que!pour!des! raisons!financières!hein…!Il!a!été!mis!en!invalidité!donc!son!budget!s’est!trouvé!amputé!bien! sûr…!donc!voilà!il!a!supprimé…!voilà!encore,!voilà!ça!nous!convient!pas!mais!comment!faire! autrement…!»!(E14!:!Mme!Hany,!mère!de!Yann,!46!ans)!

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Sa mère, Mme Hany, pallie ce manque car elle reconnait son besoin d’aide. Elle se rend une fois par semaine chez lui pour l’accompagner dans l’entretien de son logement.

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Mme Corsy, quant à elle, veut assurer l’entretien du linge de son fils Alain. Alors qu’une aide à domicile et un SAVS classique interviennent également auprès de lui, nous comprenons que la tâche lui tient à cœur pour maintenir l’apparence qu’elle qualifie de « coquette » que son fils a toujours eu avant l’arrivée de sa maladie.

Concernant les interventions des aides à domicile, seuls 19 résidents sur 47 personnes en bénéficient. Cela ne signifie pas pour autant que tous les besoins sont assurés.

« L’intervention auprès des personnes en situation de handicap psychique implique également des "négociations" fréquentes […] des remises en question régulières des procédures. »193

Cet aspect ne concerne cependant pas uniquement les aides à domicile mais tous les intervenants (curateurs, travailleurs sociaux, infirmiers…) susceptibles d’intervenir au domicile des résidents et bénéficiaires du SAVS.