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La nécessité d’une vie en collectivité

3. Une vie en semi-collectivité : enjeux et limites de la prise en soin

5.3 La nécessité d’une vie en collectivité

La vie auprès des autres est un besoin récurrent que nous avons perçu dans nos échanges pour bon nombre de résidents.

« L’homme doit être en relation avec d’autres. Si l’homme est sans lien à l’autre, il est fou […] être en relation d’une façon ou de l’autre, fait la différence entre santé et absence de santé. Mais pour être bien portant, il doit absolument être en relation d’une manière ou d’une autre. »183

L’auteur induit ici que la relation aux autres est un moyen d’être en bonne santé, psychique en particulier, et de la préserver. Le contact et l’échange favoriseraient la prise en soin de tous

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183 F

les individus. Le lien aux autres serait-il donc vu comme un moyen de « prendre soin » d’une personne en situation de handicap psychique ?

«!…!je!ne!peux!pas!vivre!dans!la!solitude,!c’est!impossible…!complètement!impossible.!Je! deviendrai…!je!pourrais!retomber!malade…!»!(E5!:!Théo,!41!ans)!

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Théo parle clairement du risque de « retomber malade » s’il ne vit pas dans un collectif. Il voit le danger de l’isolement comme néfaste à sa santé. Effectivement, cet homme actif, très souvent en mouvement, fait partie des quelques personnes qui fréquentent quotidiennement et plusieurs fois par jour les espaces collectifs de la résidence, en recherche constante de liens. Nous verrons qu’il n’aime être dans son appartement que lorsque ses amis résidents sont avec lui.

Le dispositif MADEN/MADEHO se base sur le support d’une vie en semi-collectivité pour justement créer du lien social et participer au bien-être des résidents. C’est aussi la motivation à vivre dans un habitat proposant des temps collectifs qui est vérifiée lors de la candidature dans le dispositif. Il s’agit de s’assurer d’une capacité de vie en groupe.

«!Mon!besoin,!c’était!de!ne!pas!me!retrouver!tout!seul!déjà…!je!trouve!qu’on!est!une!bonne! équipe!ici…je!trouve!quand!même,!on!s’entend!assez!bien!tous!ensemble…!»!(E3!Paul!:!54! ans)!

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Nous comprenons que pour Paul, le collectif est un élément important à son équilibre. Qu’il s’agisse de ses lieux de vie, où il était très souvent en colocation, ou de son travail, il est en recherche d’une vie autour de la collectivité.

Jerry a connu l’insécurité d’être seul et envahi au sein de son domicile. !

«!J’avais!besoin!de!changer!de!ville,!changer!d’air,!changer!de!logement![…]!j’ai!trouvé!le! concept! intéressant,! très! intéressant! et! puis! ça! m’a! paru! bien! pour! moi! […]! y! a! la! semiP! collectivité!en!fait,!le!fait!d’avoir!son!propre!appartement,!le!fait!d’avoir!tout!le!temps!du!monde! autour!de!soi!enfin!quand!on!souhaite!quoi…!»!(E10!:!Jerry,!33!ans)!

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Il évoque la possibilité d’être facilement en relation avec les autres à MADEN, à condition de le souhaiter. Ses propos laissent à penser qu’il perçoit le concept de l’habitat accompagné sur deux plans, d’une part comme une sécurité et un moyen de se protéger d’une mauvaise gestion de ses relations sociales et d’autre part de lier et d’entretenir des liens sociaux. À MADEN, il n’y a pas d’obligation majeure vis-à-vis du semi-collectif, même si, dès l’entrée, il est demandé à chaque personne de s’engager à investir deux temps de groupe par semaine.

Le handicap psychique, de part son caractère imprévisible, rend tout autant incertain l’évolution de la personne dans son parcours de vie et dans son parcours de soin.

Nous noterons que selon le conseil de la CNSA :

« l’expression "parcours de vie" est préférable aux termes "parcours de soins" […] ou " parcours de santé" […] : c’est en effet l’ensemble des dimensions de la situation des personnes (y compris la participation sociale, la citoyenneté, l’insertion scolaire et professionnelle...) qui doivent être prises en compte par les acteurs du soin et de l’accompagnement. »184

Nous pensons qu’inévitablement les parcours de vie, de soin et résidentiel sont tous interdépendants et nécessitent d’être coordonnés pour permettre à la personne de se stabiliser dans sa vie, à fortiori dans son lieu de vie.

L’ensemble des facteurs évoqués qui éclairent les raisons d’une entrée dans le dispositif MADEN ou MADEHO sont ici mis en évidence. Nous percevons que le choix d’un habitat accompagné intervient à une étape du parcours de la personne lorsque plusieurs autres possibilités ont été envisagées, voire même expérimentées, sans succès. (Refus ou épuisement de l’entourage pour héberger son proche malade, échec de la vie en logement autonome par une multiplication des aller-retours vers l’hôpital, par l’incurie du logement…)

Nous avons montré que les habitats accompagnés proposés par le dispositif MADEN/MADEHO ont la particularité d’être durables dans le temps, sans échéance imposée. Cette durabilité a pour but de produire un changement sur la santé des résidents en limitant les ruptures, l’aggravation des pathologies secondaires, notamment des addictions ou autres problématiques pouvant survenir.

Comme le souligne Michel Grossetti lorsqu’il évoque la typologie des parcours établie par Coninck et Godard :

« le temps lui-même, en tant que durée ou chronologie, produit le changement […] la durée d’une situation donnée (emploi ou logement par exemple) influe sur la possibilité de changement… »185

Cette notion de temporalité conduit à nous interroger sur la possibilité de rétablissement que l’habitat accompagné permet, son objectif étant de réhabiliter la personne à une vie sociale en milieu ordinaire tout en lui proposant une forme d’encadrement. Dans cette perspective, nous allons tenter de voir, dans un dernier chapitre, de quelle manière l’habitat accompagné fait « soin » pour les personnes en situation de handicap psychique et produit des effets sur leur santé psychique, entraînant une limitation du recours aux hospitalisations psychiatriques.

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184 Rapport de la CNSA (2012), op.cit., p. 34. 185 G

Chapitre V. L’habitat « accompagné », enjeu et support d’une « prise

en soin »

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Au cours de ce chapitre, nous allons démontrer en quoi l’habitat accompagné en résidence accueil et en SAVS renforcé est un moyen de « prise en soin » des personnes en situation de handicap psychique. Nous déclinerons d’abord ce qui fait « facteurs de soin » au sein de ces habitats. Il s’agira dans un second temps de mettre en lumière la façon dont l’habitat sous cette forme fait office de soin pour les personnes qui y habitent et comment elles s’approprient le lieu. Nous détaillerons l’apport du groupe et de la vie en collectivité et enfin nous terminerons par un focus sur les effets produits en lien avec le recours au soin dans le cadre d’hospitalisations psychiatriques.

1.! Les facteurs de « soin » de l’habitat accompagné

Vivre dans un habitat accompagné, seul ou en colocation, dans un environnement que la personne juge « bon » pour elle, pour son équilibre, doit être un choix.

« On sait que l’expression et l’évolution des psychoses est en effet très dépendante de ce qui se passe autour de la personne. Sous l’influence de facteurs environnementaux positifs […] une certaine participation peut alors reprendre, quelques activités peuvent réussir, brisant la série d’échecs. »186

En laissant place à la parole des habitants des lieux, nous allons voir dans quelle mesure l’habitat accompagné a la possibilité de créer un environnement positif, pourvoyeur de lien social et de reprise de confiance en soi par l’activité, le partage et la convivialité.