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CHAPITRE II : La maturation des miARNs et des ARNs messagers

1. Les miARNs : petits par leur taille, grands par leurs fonctions

1.3. La régulation de la biogenèse des miARNs

and Chen, 2008 ; Chatterjee and Grosshans 2009), les mécanismes conduisant à une stabilisation ou une dégradation spécifique de certains miARNs ont été peu étudiés. Une des rares études à ce sujet montre que le miR-122 est stabilisé spécifiquement dans les cellules de foie par une mono-adénylation due à la poly(A)-polymérase GLD2 (TUTase 2) (Katoh et al., 2009 ; Burns et al., 2011). Plus récemment, il a été montré que GLD2 est capable de mono-adényler une population de miARNs spécifiques, et ceci en fonction de leur séquence 3’ (D’Ambrogio et al., 2012).

1.3. La régulation de la biogenèse des miARNs

Comme la maturation des ARNm, la biogenèse des miARNs est régulée de façon spatio-temporelle par de nombreuses protéines. Cette régulation permet l’expression spécifique d’un miARN dans un type cellulaire donné à un moment défini du développement.

1.3.1. Les protéines régulant la biogenèse des miARNs

Le premier niveau de régulation de l’expression des miARNs est leur transcription. En effet, l’expression de nombreux facteurs de transcription est spécifique d’un tissu ou d’un stade du développement (Rosenberg et al., 2006 ; Barroso-Del Jésus et al., 2008). De même, les régulations épigénétiques affectent aussi l’expression des miARNs (Lujambio et al., 2008). De plus, le clivage par le complexe DROSHA-DGCR8 serait co-transcriptionnel et lié à la coiffe présente en 5’ du pri-miARN (Pawlicki and Steitz, 2010).

La seconde étape régulée est celle du clivage par le complexe DROSHA-DGCR8. En effet, des protéines sont capables de réguler positivement ou négativement cette étape en liant directement DROSHA et/ou le pri-miARN (Krol et al., 2010). Ainsi, de nombreux facteurs impliqués dans la maturation des ARNm interviennent aussi dans la maturation des miARNs, tel que hnRNP A1 qui active le clivage par DROSHA du pri-miR-18a, mais qui inhibe le clivage du pri-let-7a1 (figure 15) (Guil et al., 2007 ; Michlewski et al., 2008 ; Michlewski et

al., 2010a). Au contraire, KSRP régule positivement le clivage du pri-let-7a1 par DROSHA

(Trabucchi et al., 2009 ; Michlewski et al., 2010b), sachant que l’activité de KSRP est régulée par sa phosphorylation par la kinase ATM (Zhang et al., 2011). De même, ASF/SF2 est capable de lier le pri-miR-7 et d’activer son clivage par DROSHA (Wu et al., 2010). Enfin,

Figure 16 : LIN28 bloque sélectivement la biogenèse des miARNs let-7.

(adaptée de Thornton et al., 2012)

A. LIN28A et LIN28B possèdent un domaine Cold Shock (CSD) et deux domaines doigts de Zinc CCHC. NoLS : signal de localisation nucléolaire ; NLS : signal de localisation nucléaire. B. Interactions entre LIN28 et let-7 (pri et let-7). LIN28A lie la boucle terminale du pré-let-7. Le domaine CSD (en bleu) interagit avec la boucle terminale, tandis que le domaine CCHC (en vert) se dimérise autour du motif conservé GGAG plus proche du site de clivage de Dicer.

C. En l’absence de LIN28, les membres de la famille let-7 sont maturés par la voie classique de biogenèse des miARNs. Dans le cytoplasme, l’expression de LIN28A (jaune) bloque le clivage par Dicer à travers une interaction entre la boucle terminale du pré-let-7 et le recrutement de ZCCHC11 (TUT-4) qui uridyle le pré-let-7, le conduisant à sa dégradation. LIN28B (rouge) lie le pri-let-7, bloquant l’activité du complexe DROSHA-DGCR8, par un mécanisme indépendant de TUT-4.

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les protéines SMAD, les hélicases p68/p72 et TDP-43 stimulent le clivage par DROSHA de miARNs spécifiques (Fukuda et al., 2007 ; Davis et al., 2010 ; Kawahara et al., 2012).

La dernière étape connue pour être régulée est celle du clivage par DICER. En effet, KSRP en se liant à la boucle terminale riche en guanine du pré-let-7a stimulerait son clivage par DICER (Trabucchi et al., 2009 ; Nicastro et al., 2012). KSRP favoriserait aussi le clivage par DICER du pré-miR-155 en miR-155 (Bhattacharyya et al., 2013). De même, TDP-43 se lierait à la boucle terminale de certains pré-miARNs neuronaux afin de promouvoir leur clivage par DICER (Kawahara et al., 2012).

Une partie de mon projet de thèse a porté sur la régulation de la maturation d’un miARN spécifique du cœur, miR-1, par une protéine de l’épissage alternatif MBNL1 et la protéine LIN28 qui était déjà connue comme un régulateur de la maturation de miARN spécifiques. C’est pourquoi la partie qui suit est plus particulièrement consacrée à la protéine LIN28.

1.3.2. LIN28 est un régulateur de la biogenèse des miARNs

Lin28 est une protéine de 28 kDa découverte chez C.elegans comme régulant les étapes du développement du nématode (Moss et al., 1997). Chez l’homme, il existe deux paralogues: LIN28A (qui est l’homologue de Lin28) et LIN28B (figure 16A). Lin28 est un régulateur de la maturation des miARNs de la famille let-7. En effet, il a été observé que les pri-let-7 sont fortement exprimés dans les cellules souches embryonnaires, bien que les miARNs let-7 matures ne soient pas présents, suggèrant qu’un mécanisme inhibe la maturation des pri-let-7 en let-7 matures (Rybak et al., 2008). L’équipe de Narry Kim a alors montré que les protéines LIN28A et LIN28B sont capables de lier spécifiquement la boucle des pré-let-7 in vitro (figure 16B), et de recruter la terminal-uridyl-transferase TUT-4 (ZCCHC11/PUP-2) qui poly-uridyle l’extrémité 3’ des pré-let-7, ce qui bloque ainsi le clivage par DICER (figure 16C) (Heo et al., 2008 ; Heo et al., 2009 ; Lehrbach et al., 2009). En effet, l’uridylation des pré-let-7 en 3’ empêche leur reconnaissance par DICER et conduit à leur dégradation par un mécanisme encore inconnu (Heo et al., 2008 ; Heo et al., 2009). Plus récemment, il a été découvert que la TUT-7 (ZCCHC6) peut également être recrutée et poly-uridyler les pré-let-7 dans les cellules embryonnaires (Thornton et al., 2012). En dépit de leur grande homologie, LIN28A et LIN28B régulent les miARNs let-7 par des mécanismes distincts. En effet, LIN28A, qui est majoritairement cytoplasmique, bloque le clivage par DICER en recrutant TUT-4 qui uridyle les pré-let-7 tandis que LIN28B, qui est nucléaire,

bloque le clivage des pri-let-7 en pré-let-7 effectué par DROSHA (figure 16C) (Piskounova et

al., 2011).

Cette inhibition, spécifique aux membres de la famille de miARNs let-7, est conservée du nématode à l’homme et d’autres travaux suggérent que les protéines LIN28 sont des acteurs importants du maintien de la pluripotence des cellules ES, du développement et de l’oncogenèse (Viswanathan et al., 2008 ; Jones et al., 2009). En effet, il a été observé que l’expression des protéines LIN28 diminue au cours de la différenciation des cellules ES tandis que l’expression des miARNs matures de la famille let-7 augmente. De plus, LIN28B fait partie des quelques protéines dont la surexpression permet de reprogrammer des fibroblastes en cellules iPS (Yu et al., 2007). Enfin, les miARNs de la famille let-7 régulent les oncogènes MYC, RAS, cycline D1, HMGA2 et CDC25 (Roush and Slack, 2008 ; Li et al., 2012). C’est pourquoi les miARNs let-7 sont considérés comme des suppresseurs de tumeurs. Ainsi, en inhibant l’expression des miARNs matures let-7, LIN28 agit comme un oncogène (Rybak, 2008 ; Zhou et al., 2013). De plus, l’expression des protéines LIN28 est augmentée dans certaines tumeurs, et la déplétion de LIN28 dans des cellules cancéreuses humaines conduit à une diminution de la prolifération cellulaire (Chang et al., 2009 ; Lliopoulos et al., 2009 ; Viswanathan et al., 2009). Enfin, une récente étude a montré que la surexpression de LIN28 dans des cellules souches hématopoïétiques murines adultes augmente leur capacité d’auto-renouvellement (Copley et al., 2013).

1.3.3. L’édition des miARNs

Certains miARNs peuvent être édités ce qui consiste en une modification post-transcriptionnelle d’une base nucléotidique de l’ARN, changeant ainsi la séquence de l’ARN par rapport à la séquence de l’ADN. Ainsi, les protéines ADAR (« Adenosine Desaminases Acting RNA ») modifient les adénosines (A) en inosines (I) au niveau de certains miARNs de façon co- ou post-transcriptionnelle. Cette édition toucherait 16% des pri-miARNs chez l’homme (Kawahara et al., 2008). L’inosine possède des propriétés d’appariements similaires aux guanosines (G) ce qui peut donc influencer les clivages par DROSHA et DICER ainsi que la capacité du miARN mature à reconnaître ses cibles (Kawahara et al., 2008 ; Heale et al., 2009). En effet, l’édition des pri-miR-142 et -151 réprime respectivement leur clivage par DROSHA et par DICER (Scadden et al., 2005 ; Kawahara et al., 2007a). De plus, l’édition de miR-376 au niveau de sa région « seed » conduit à la reconnaissance d’un nouveau groupe d’ARNm cibles, dont la phosphoribosyl

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pyrophosphate synthétase 1 impliquée dans la synthèse d’acide urique (Kawahara et al., 2007b). Enfin, il a été montré que le niveau d’édition des miR376a, 376b, 376c, 1523p, -379 et -381 augmente avec le développement du cerveau, suggérant un rôle de l’édition au cours de la maturation de celui-ci (Ekdahl et al., 2012).

Dans cette partie, j’ai détaillé la maturation des miARNs ainsi que ses régulations. La seconde partie de ce chapitre sera consacrée à la maturation et aux différents mécanismes de régulation des ARNm.