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CHAPITRE II : La maturation des miARNs et des ARNs messagers

1. Les miARNs : petits par leur taille, grands par leurs fonctions

1.1. Les fonctions des miARNs

CHAPITRE II :

La maturation des miARNs et des ARNs messagers

1. Les miARNs : petits par leur taille, grands par leurs fonctions

C’est en 1993 que l’équipe de Victor Ambros a identifié chez C.elegans un petit ARN non codant, lin-4, qui a conduit à la découverte d’une nouvelle famille d’ARNs, les micro-ARNs (mimicro-ARNs). Ces micro-ARNs sont capables d’inhiber l’expression d’un gène de manière post-transcriptionnelle en se fixant à leurs ARNm cibles. Ainsi, lin-4 régule l’expression et la stabilité de l’ARNm lin-14 en se fixant à sa région 3’UTR (Lee et al., 1993 ; Wightman et al., 1993). Depuis, il a été démontré que lin-4 régulait aussi négativement lin-28, un gène impliqué dans le passage du stade L1 au stade L2 lors du développement larvaire du nématode

C.elegans (Moss et al., 1997). Puis en 2000, toujours chez le nématode, un second miARN,

let-7, conservé dans la plupart des espèces a été identifié (Pasquinelli et al., 2000 ; Reinhart et

al., 2000). Ces travaux fondateurs ont conduit à une série d’études démontrant que lin-4 et

let-7 appartiennent à une famille plus large d’ARNs, les miARNs, qui sont hautement conservés et possèdent un rôle physiologique crucial dans la régulation de l’expression génique (Lagos-Quintana et al., 2001; Lau et al., 2001; Lee and Ambros, 2001).

1.1. Les fonctions des miARNs

Les miARNs sont de petits ARNs non codants d’environ 22 nucléotides présents dans la plupart des cellules eucaryotes. Ainsi, le génome humain compte plus de 1000 miARNs dont l’expression varie selon le type cellulaire et le stade de développement. Les miARNs sont capables de lier des séquences complémentaires situées dans la région 3’UTR de leurs gènes cibles entraînant la régulation de l’expression d’environ 60% des gènes humains (Lim

et al., 2003 ; Bartel et al., 2004 ; Bentwich et al., 2005 ; Bartel et al., 2009 ; Friedman et al.,

1.1.1. Le complexe miRISC

Afin de réguler les gènes cibles, les miARNs sont incorporés à un complexe protéique appelé RISC (« RNA Induced Silencing Complex », Hammond et al., 2001 ; Martinez et al., 2002). Ce complexe miRISC est composé d’un miARN, d’une protéine de type Argonaute (AGO) et d’une protéine GW182 (TNRC6) (Eulalio et al., 2008a ; Chekulaeva and Filipowicz, 2009).

Les protéines AGO contiennent trois domaines : un domaine PAZ à l’extrémité N-terminale, un domaine MID et un domaine PIWI. Les domaines PAZ et MID lient les extrémités 3’ et 5’ du miARN, tandis que le domaine PIWI d’AGO2 porte une activité endoribonucléase (Liu et al., 2004 ; Meister et al., 2005 ; Peters and Meister, 2007 ; Azuma-Mukai et al., 2008 ; Landthaler et al., 2008 ; Wu et al., 2008 ; Jinek and Doudna, 2009). Chez les mammifères, quatre protéines AGO (AGO1 à AGO4) existent, et leurs expressions varient selon le type cellulaire et le stade de développement. Les protéines AGO1, AGO3 et AGO4 ont une fonction dans la répression traductionnelle du gène cible tandis que la protéine AGO2 est la seule à posséder une activité enzymatique de type RNAse H-like (Liu et al., 2004). Cette fonction d’endoribonucléase, qui ne peut être complémentée par les autres protéines AGO, confère donc à AGO2 un rôle essentiel dans la dégradation des ARNm ciblés par le complexe miRISC.

Les protéines GW182 (TNRC6A, B et C) de 182 kDa contiennent des répétitions glycine-tryptophane (GW) qui interagissent avec les protéines AGO, un domaine PAM2 d’interaction avec la PABP (« poly(A)-binding protein ») et un domaine CIM d’interaction avec les complexes de déadénylation PAN2-PAN3 et CCR4-NOT. Cette famille de protéines GW182 est requise pour l’activité répressive du complexe miRISC (Eulalio et al., 2009). En effet, la perte de GW182 change l’expression des ARNm de la même façon qu’une déplétion de la protéine AGO1 (Behm-Ansmant et al., 2006). De plus l’interaction de GW182 avec AGO1 est essentielle à la répression et à la diminution des ARNm par les miARNs (Liu et al., 2005 ; Jakymiw et al., 2007 ; Eulalio et al., 2008b). Enfin, leurs interactions avec les protéines PABP, PAN2-PAN3 et CCR4-NOT1, suggèrent que ces protéines GW182 recrutent les complexes de déadénylation conduisant à la dégradation de l’ARNm ciblé par le complexe miRISC (Behm-Ansmant et al., 2006 ; Fabian et al., 2009 ; Braun et al., 2011 ; Huntzinger et

al., 2013).

Le détail de l’assemblage du miRISC n’est pas encore complètement établi mais pourrait être couplé à l’étape de clivage par DICER et à la sélection du brin mature du

Figure 13 : Inhibition de l’expression des gènes par le complexe miRISC.

(adaptée de Fabian et al., 2012)

A. Inhibition de la traduction médiée par le miARN. Le complexe miRISC inhibe l’initiation de la traduction (1) en empêchant l’assemblage de la liaison de la sous-unité 60 S bloquant ainsi la formation du complexe ribosomal 80 S ou (2) l’élongation de la traduction.

B. La dégradation de l’ARNm médiée par le miARN. Le complexe miRISC interagit avec les complexes déadénylases CCR4-NOT et PAN2-PAN3 pour faciliter la déadénylation de la queue poly(A). Après déadénylation, la coiffe en 5’ est enlevée par le complexe DCP1-DCP2, et la dégradation de l’ARNm s’effectue par la 5’-3’exonucléase XRN1.

40 S, 60 S : deux sous-unités ribosomales ; eIF4E : facteur d’initiation de la traduction ; m7G : coiffe ; (A)n : queue poly-adénosine ; AUG : codon d’initiation de la traduction.

miARN. En effet, des études chez la drosophile ont montré qu’une endoribonucléase C3PO (« Component 3 Promoter of RISC ») composée de 6 sous-unités Translin et de 2 sous-unités catalytiques Trax, faciliterait l’activation du RISC de manière Mg2+ dépendante en supprimant le brin passager du duplex miARN (Liu et al., 2009).

Le complexe miRISC est capable de se lier à l’ARNm cible et, selon le degré d’hybridation du miARN, conduit soit à l’inhibition de la traduction soit à la dégradation de l’ARNm (Eulalio et al., 2008a ; Filipowicz et al., 2008 ; Chekulaeva and Filipowicz, 2009). En effet, chez les animaux, l’hybridation partielle du miARN à son ARNm cible conduirait à l’inhibition de la traduction tandis que l’hybridation parfaite conduit à la dégradation de l’ARNm cible (Filipowicz et al., 2008 ; Bartel et al., 2009).

1.1.2. L’inhibition de la traduction

L’étude de l’action du miARN let-7 sur des gènes rapporteurs montre que ce miARN inhibe la traduction de la luciférase, sans altérer l’expression de l’ARNm (Humphreys et al., 2005 ; Jinek and Doudna, 2009). Depuis, de nombreuses études ont confirmé ces résultats et ont précisé les étapes de la traduction pouvant être inhibées :

x Inhibition de l’initiation de la traduction.

Des études in vitro et in cellulo ont proposé que les miARNs empêchent la fonction et le recrutement du facteur de traduction eIF4E sur la coiffe de l’ARNm, ce qui conduit à la répression de l’initiation de la traduction. Dans ce modèle AGO2 lierait directement la coiffe, bloquant ainsi l’accès de celle-ci au facteur eIF4E (Kiriakidou et al., 2007 ; Eulalio et al., 2008b ; Zdanowicz et al., 2009). Toutefois, ce modèle a été rapidement remis en question puis invalidé (Kinch et al., 2009). Un second modèle a alors émergé dans lequel AGO2 interfèrerait avec la formation du complexe ribosomal 80 S, ceci en interagissant avec le facteur d’initiation eIF6 associé à la sous-unité 60 S du ribosome (Ceci et al., 2003 ; Thermann et al., 2007 ; Chendrimada et al., 2007) (figure 13A).

x Inhibition de l’élongation de la traduction.

L’analyse de la sédimentation de polysomes a montré que le complexe miRISC est associé aux polysomes suggérant qu’il pourrait également inhiber l’élongation de la traduction (Kim et al., 2004 ; Nelson et al., 2004 ; Nottrott et al., 2006 ; Maroney et al., 2006 ; Vasudevan et al., 2008 ; Ding et al., 2009 ; Gu et al., 2009).

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Cependant, les travaux de Thermann et Hentze ont invalidé ce modèle en montrant que le complexe miRISC serait retrouvé dans des structures artéfactuelles appelées pseudo-polysomes (Thermann and Hentze, 2007).

1.1.3. La dégradation de l’ARNm

Il est maintenant clairement établi que les miARNs initient la dégradation des ARNm par le raccourcissement de la queue poly(A) grâce à deux complexes de déadénylation : PAN2-PAN3 et CAF1-CCR4-NOT (figure 13B) (Meyer et al., 2004 ; Yamashita et al., 2005 ; Chen et al., 2009). En effet, une diminution de AGO2 bloque la déadénylation et la dégradation de l’ARNm. De plus, les protéines GW182 recrutent le complexe CCR4-NOT1 et peuvent interagir et recruter PAN3, conduisant ainsi à la déadénylation de l’ARNm (Behm-Ansmant et al., 2006 ; Fabian et al., 2009 ; Kuzuoglu-Öztürk et al., 2012). Les protéines GW182 recrutent également les enzymes de clivage de la coiffe DCP1 et DCP2, ce qui entraîne la dégradation de l’ARNm de 5’ en 3’ par l’exonucléase cytoplasmique XRN1 (Coller and Parker, 2004 ; Liu et al., 2005 ; Behm-Ansmant et al., 2006).

Enfin, un modèle propose que l’inhibition de la traduction et la dégradation des ARNm soient couplées. En effet, en se liant à la protéine PABP, la protéine GW182 empêche celle-ci d’interagir avec le facteur d’initiation de la traduction eIF4G et donc diminue l’initiation de la traduction, simultanément, la protéine GW182 recrute les exonucléases CCR4-NOT1, ce qui conduit à la dégradation de l’ARNm (Zekri et al., 2013).

1.1.4. L’activation de la traduction

Les miARNs sont connus pour se lier à la région 3’UTR de leurs ARNm cibles. De façon plus rare, ils sont aussi capables de reconnaître des séquences dans la région 5’UTR induisant une activation de la traduction (Kloosterman et al., 2004 ; Easow et al., 2007 ; Henke et al., 2008 ; Orom et al., 2008 ; Gu et al., 2009 ; Rigoutsos, 2009). Enfin, un même miARN peut jouer le rôle d’activateur de la traduction en se liant en 5’UTR ou de répresseur de la traduction en se liant en 3’UTR de ses ARNm cibles (Bhattacharyya et al., 2006 ; Jopling et al., 2008 ; Kim et al., 2009).

Figure 14 : Biogenèse des miARNs.

Le transcrit primaire, pri-miARN, est généré par l’ARN polymérase II. Il est ensuite clivé par le complexe DROSHA-DGCR8 générant le miARN. Dans le cas des mirtrons, le pré-miARN correspondant à un intron est produit par la machinerie d’épissage. Le pré-pré-miARN est ensuite pris en charge par l’Exportine 5 et exporté dans le cytoplasme où il est clivé par DICER associé à TRBP, ce qui génère un duplex miARN/ARN passager. Enfin, le miARN est incorporé dans le complexe RISC formant ainsi le miRISC.

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