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CHAPITRE II : La maturation des miARNs et des ARNs messagers

1. Les miARNs : petits par leur taille, grands par leurs fonctions

1.2. La biogenèse des miARNs

1.2. La biogenèse des miARNs

Les miARNs matures sont le produit de deux étapes de clivage successives ayant lieu dans le noyau puis dans le cytoplasme. Ainsi, un transcrit primaire de plusieurs centaines ou milliers de nucléotides (pri-miARN) est produit par l’ARN polymérase de type II, puis clivé dans le noyau par le complexe DROSHA-DGCR8 donnant un miARN précurseur (pré-miARN) d’environ 60 à 80 nucléotides. Ce dernier est exporté dans le cytoplasme puis clivé par DICER générant un miARN mature d’environ 20 nucléotides, et enfin incorporé dans le complexe miRISC (figure 14).

1.2.1. La localisation génique et la transcription

On distingue deux types de miARNs: les miARNs intergéniques qui sont transcrits à partir de leur propre promoteur et les miARNs intragéniques qui sont situés à l’intérieur d’un gène hôte, et dont l’expression dépend donc du promoteur de ce gène hôte (Lagos-Quintana et

al., 2001 ; Lee et Ambros, 2001 ; Lee et al., 2004). Ainsi, chez les mammifères, 70% des

miARNs sont intragéniques, généralement issus d’une région intronique ou non codante d’un gène hôte (Rodriguez et al., 2004 ; Baskerville and Bartel, 2005). De plus, de nombreux miARNs sont transcrits à partir d’un même promoteur : ils sont dits polycistroniques (Lagos-Quintana et al., 2001 ; Lee et al., 2002b).

Les miARNs intergéniques sont transcrits sous forme d’un long précurseur coiffé en 5’ et polyadénylé en 3’, indiquant ainsi qu’ils sont transcrits par l’ARN polymérase de type II (Aukerman and Sakai, 2003). Il est à noter qu’une étude suggérant que les miARNs du locus C19 soient transcrits par l’ARN polymérase de type III (Borchert et al., 2006) a été invalidée (Bortolin-Cavaillé et al., 2009). Ainsi, il apparaît que l’ARN polymérase II transcrit la plupart, sinon tous les miARNs, sous forme d’un long transcrit primaire le pri-miARN.

1.2.2. Le clivage par le complexe DROSHA-DGCR8

Le pri-miARN est clivé en un précurseur, le pré-miARN, ayant une structure en épingle à cheveux d’environ 70 nucléotides. Le clivage est effectué par un complexe nommé « microprocesseur » composé de deux protéines : DROSHA, une enzyme RNAse de type III,

et une protéine liant l’ARN double brin : DGCR8 (DiGeorge Syndrome Critical Region 8 ; Pasha chez la drosophile) (Lee et al., 2003 ; Shiohama et al., 2003).

DGCR8 contient deux domaines de liaison à l’ARN double brin (dsRBD) lui permettant de reconnaître la jonction entre la région simple brin du pri-miARN et la structure « tige-boucle » du futur pré-miARN. DROSHA, qui appartient à la classe II de la famille des RNAses III, est caractérisée par deux domaines RNAse III et un domaine de liaison à l’ARN double brin (dsRBD) inactif (Han et al., 2006). Le domaine RNAse III dans la région C-terminale de DROSHA clive le brin 5’ du pri-miARN, tandis que le second domaine RNAse III clive le brin 3’ du pri-miARN à environ 11 paires de bases de la jonction entre la région simple brin du pri-miARN et la structure « tige-boucle » du pré-miARN (Han et al., 2004 ; Han et al., 2006). Ainsi ce clivage génère un pré-miARN sous forme d’une tige boucle d’environ 70 nucléotides qui contient un groupe phosphate en 5’, deux nucléotides sortants et un groupement hydroxyle en 3’.

Enfin, il est à noter que de rares miARNs, nommés mirtrons, sont générés à partir de la machinerie d’épissage de façon indépendante du complexe DROSHA-DGCR8. La réaction d’épissage libère alors un court intron qui constitue un pré-miARN (Berezikov et al., 2007).

1.2.3. L’export du pré-miARN

Le pré-miARN est exporté du noyau vers le cytoplasme grâce à l’Exportine-5 (Exp5), une protéine de la famille des karyophérines (Yi et al., 2003 ; Bohnsack et al., 2004 ; Gwizdek et al., 2004). La liaison de l’exportine 5 au pré-miARN dépend d’un cofacteur appelé RAN-GTP. La quantité de GTP étant plus élevée dans le noyau que dans le cytoplasme, l’exportine 5 lie le pré-miARN dans le noyau et le libère dans le cytoplasme (figure 14) (Lee et al., 2003 ; Yi et al., 2003)

Enfin, les pré-miARNs sont exportés de façon indépendante de leurs séquences. En effet, le complexe RAN-GTP-exportine 5 se lie à un ARN double brin dont l’extrémité 3’ contient deux nucléotides sortants, une structure typique du clivage par DROSHA (miARN) ou par le spliceosome (mirtrons) (Bohnsack et al., 2004 ; Zeng and Cullen , 2004).

Il est à noter que l’Exportine 5 intervient aussi dans l’export de l’ARNm DICER, toutefois par un mécanisme encore mal compris (Bennasser et al., 2011).

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1.2.4. Le clivage par DICER

Suite à son export dans le cytoplasme, le pré-miARN est reconnu et clivé par DICER, une RNAse de type III cytoplasmique. Conservée dans tous les organismes eucaryotes, DICER intervient dans le clivage des pré-miARNs et dans la génération des siARNs à partir d’ARN double brin cytoplasmique. Cette protéine d’environ 250 kDa, contient un domaine DEXH-box hélicase, un domaine DUF283, un domaine PAZ, deux domaines RNAse de type III (RIIIa et RIIIb) et un domaine de liaison à l’ARN double brin (dsRBD). Le domaine PAZ reconnaît l’extrémité 5’-phosphate ainsi que les deux nucléotides sortants de l’extrémité 3’ du pré-miARN (Lingel et al., 2003 ; Song et al., 2003 ; Park et al., 2011). Le domaine hélicase reconnaît les mésappariements ainsi que la boucle terminale du pré-miARN (Tsutsumi et al., 2011 ; Gu et al., 2012). Enfin, les deux domaines RNAse III de DICER clivent le pré-miARN à une distance d’environ 22 nucléotides de l’extrémité 3’, générant ainsi un duplex ARNs de 22 nucléotides ayant deux nucléotides sortants en 3’-OH (Bernstein et al., 2001 ; Ketting et

al., 2001). La faible stabilité thermodynamique de ce duplex d’ARNs permet de sélectionner

le brin guide, qui donnera le miARN mature incorporé dans le complexe miRISC, du brin passager, qui sera dégradé (Khvorova et al., 2003 ; Schwarz et al., 2003 ; Krol et al., 2004). Toutefois, certains duplex d’ARNs donnent naissance à deux miARNs matures, miR-5p et miR-3p, qui peuvent être actifs et cibler des ARNm différents (Okamura et al., 2008). Enfin et bien que in vitro, DICER puisse agir seule, on le retrouve in cellulo en complexe soit avec la protéine PACT, soit avec la protéine TRBP. Ces protéines stabilisent DICER et facilitent la production du miRISC contenant le miARN mature associé aux protéines AGO et GW182 (Chendrimada et al., 2005 ; Lee et al., 2006 ; Kok et al., 2007 ; Melo et al., 2009).

Notons qu’une diminution de DICER est associée à certains cancers et à des cas de dégénérescence maculaire liée à l’âge (Merritt et al., 2008). De même, la létalité embryonnaire provoquée par l’invalidation de ce gène chez la souris prouve l’importance de DICER au cours du développement (Bernstein et al., 2003).

1.2.5. Stabilité des miARNs matures

Les mécanismes de dégradation et de stabilisation des miARNs matures sont encore peu connus. En effet, si il est clair que les protéines Argonautes stabilisent les miARNs (Diederichs and Haber, 2007 ; Pasquinelli et al., 2012), et que les exonucléases 3’-5’, XRN2 et SDN, dégradent les miARNs respectivement chez C.elegans et les plantes (Ramachandran

Figure 15 : Régulations de la maturation des miARNs.

Les régulateurs positifs (activateurs) et négatifs (inhibiteurs) de la maturation des miARNs sont respectivement en vert et en rose. La phosphorylation de KSRP est indiquée en jaune. Au niveau de l’étape effectuée par DROSHA-DGCR8, les protéines p53, p68, p72, SMAD, ASF/SF2, hnRNP A1, TDP-43 et KSRP phophorylée activent ou inhibent la maturation spécifique de miARNs. Lin28B inhibe la maturation des pri-let-7.

Au niveau de l’étape effectuée par Dicer, KSRP, TDP-43 et LIN28A activent ou inhibent la maturation de pré-miARNs spécifiques.

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and Chen, 2008 ; Chatterjee and Grosshans 2009), les mécanismes conduisant à une stabilisation ou une dégradation spécifique de certains miARNs ont été peu étudiés. Une des rares études à ce sujet montre que le miR-122 est stabilisé spécifiquement dans les cellules de foie par une mono-adénylation due à la poly(A)-polymérase GLD2 (TUTase 2) (Katoh et al., 2009 ; Burns et al., 2011). Plus récemment, il a été montré que GLD2 est capable de mono-adényler une population de miARNs spécifiques, et ceci en fonction de leur séquence 3’ (D’Ambrogio et al., 2012).