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CHAPITRE I : Les Dystrophies Myotoniques

2. Les dystrophies myotoniques : des chiffres et des lettres

2.2. Les mécanismes moléculaires à l’origine des dystrophies myotoniques

2.2.3. Le gain de fonction de la protéine CUGBP1

nucléotides CCTG dans le premier intron du gène CNBP (ZNF9) (Liquori et al., 2001 ; figure 7B). La découverte que les patients DM2, qui présentent un phénotype quasi-similaire à celui des patients DM1, possèdent une expansion de nucléotides quasi-identique aux patients DM1, mais portée par un gène différent de DMPK ou de SIX5, a permis d’établir que l’ARN muté est bien responsable des symptômes des dystrophies myotoniques, et non l’haploinsuffisance du gène portant la mutation.

Enfin, des études ont été menées afin de connaître le rôle des protéines codées par les gènes DMPK et ZNF9 portant respectivement les répétitions CTG et CCTG. En 1997, l’équipe de Wieringa a mis en évidence le rôle de DMPK dans l’homéostasie du calcium. Ainsi, l’absence de DMPK dans les myotubes de souris Dmpk-/- conduirait à une augmentation du calcium intracellulaire et à des défauts de couplage d’excitation-contraction (Benders et al., 1997). Plus récemment, la localisation de cette protéine a été étudiée. En effet, la protéine DMPK migre au niveau de l’enveloppe nucléaire des cardiomyocytes de rat au cours de la différenciation induite par le facteur LIF (« Leukemia Inhibitor Factor ») et au cours de la mitose de cellules C2C12 (Harmon et al., 2008). Dans cette même étude, la déplétion de Dmpk empêche la différenciation des myoblastes C2C12 (Harmon et al., 2008). Enfin, la surexpression ou la déplétion de Dmpk dans des cellules C2C12 perturbe l’intégrité de la membrane nucléaire (Harmon et al., 2011). En ce qui concerne la protéine ZNF9, son expression est ubiquitaire et elle a été localisée au niveau des bandes I des sarcomères du muscle squelettique et au niveau des axones dans les neurones chez l’homme (Massa et al., 2010). Ses fonctions sont encore inconnues.

2.2.3. Le gain de fonction de la protéine CUGBP1

La découverte de la présence de répétitions CTG ou CCTG qui sont transcrites en ARN CUG ou CCUG, mais qui ne sont pas traduites et s’accumulent dans le noyau sous forme d’agrégats d’ARN a conduit à l’hypothèse d’un mécanisme en trans reposant sur la séquestration de protéines spécifiques liant ces ARN mutés (Timchenko et al., 1996b ; Roberts et al., 1997 ; Philips et al., 1998). Ainsi, en 1996, des expériences de liaison à de courts motifs CUG ont permis l’identification de la protéine CUGBP1 par l’équipe de Lubov Timchenko (Timchenko et al., 1996 ; Timchenko et al., 2001).

Cette protéine, appartenant à une famille de six paralogues (la famille CELF « CUGBP & ETR3-Like Family »), possède trois domaines de liaison à l’ARN de type RRM (« RNA Recognition Motif ») (Ladd et al., 2001 ; Barreau et al., 2006). Les fonctions de CUGBP1 sont multiples et dépendent de sa localisation subcellulaire. En effet, elle régule

l’épissage alternatif dans le noyau (Philips et al., 1998), tandis qu’elle régule dans le cytoplasme l’initiation de la traduction (Timchenko et al., 1999 ; Timchenko and Caskey, 1999 ; Timchenko et al., 2002 ; Timchenko et al., 2004 ; Timchenko et al., 2005) et la stabilité d’ARNm spécifiques (Paillard et al., 2003 ; Vlasova et al., 2008).

Cependant, l’hypothèse selon laquelle CUGBP1 serait séquestrée par les longues répétitions CUG ou CCUG a été rejetée car aucune colocalisation de cette protéine avec les agrégats de répétitions CUG ou CCUG n’a été observée chez les patients DM1 ou DM2. De plus, il a été montré que la protéine CUGBP1 lie de façon préférentielle des séquences ARN de type UGU, la liaison de la CUGBP1 à des motifs ARN CUG étant faible et peu reproductible (Michalowski et al., 1999 ; Takahashi et al., 2000 ; Fardaei et al., 2001 ; Ladd

et al., 2001 ; Mankodi et al., 2001 ; Marquis et al., 2006 ; Mori et al., 2008 ; Tsuda et al.,

2009 ; Teplova et al., 2010).

Bien que la protéine CUGBP1 ne semblait pas impliquée via des interactions avec des motifs ARN de type CUG ou CCUG, son rôle dans la DM a été reconsidéré quand une élévation de sa phosphorylation et de sa demi-vie a été observée dans des échantillons cardiaques de patients DM1 ainsi que dans certains modèles murins et cellulaires exprimant de longues répétitions CUG (Roberts et al., 1997 ; Savkur et al., 2001 ; Timchenko et al., 2001 ; Wang et al., 2007). En effet, selon un mécanisme encore mal connu, les répétitions CUG activeraient la protéine kinase C (PKC) qui phosphorylerait la CUGBP1, conduisant ainsi à une augmentation de sa stabilité et donc de sa quantité (Kuyumcu-Martinez et al., 2007). Toutefois, les données au sujet de l’accumulation de CUGBP1 sont contradictoires. En effet, l’augmentation de la quantité de CUGBP1 est observée dans des échantillons de cœur d’un modèle murin exprimant 960 répétitions CUG interrompues (Wang et al., 2007), mais pas dans un modèle exprimant 250 répétitions non interrompues (Lin et al., 2006). Bien que ces données soient contradictoires, un consensus semble apparaître dans la littérature, et une augmentation modérée de la concentration de CUGBP1 chez les patients DM1 semble aujourd’hui admise. Cette augmentation est moins claire chez les patients DM2. En effet, une étude analysant des extraits protéiques totaux issus de cellules DM2 ne montre pas d’augmentation de la protéine CUGBP1 (Pelletier et al., 2009), alors qu’une analyse utilisant des extraits cytoplasmiques issus de myoblastes de patients DM2 révèle une augmentation (Salisbury et al., 2009). De même, une augmentation de la concentration de CUGBP1 serait observée dans un modèle murin DM2 exprimant une centaine de répétitions CCUG (Salisbury

et al., 2009), mais pas dans un autre modèle murin exprimant 300 répétitions CCUG (Laura

Figure 8 : Agrégats nucléaires des expansions CUG et CCUG avec les protéines MBNL.

A. Fibres musculaires de patients DM1 et DM2 présentant des foci contenant les expansions CUG ou CCUG (vert), détectées par hybridation in situ, et MBNL1 (rouge) détecté par immunofluorescence (Mankodi et al., 2001).

B. Biopsies cardiaques de patients DM1 présentant des foci contenant les expansions CUG ou CCUG (rouge), détectées par hybridation in situ, et MBNL1 et MBNL2 (vert) détectés par immunofluorescence (Mankodi et al., 2005).

Figure 9 : L’invalidation de Mbnl1 chez la souris reproduit certains symptômes des DM.

(Kanadia et al., 2003).

A. Marquage à l’hématoxyline-éosine des coupes de muscle des souris Mbnl1+/+ et Mbnl1-/-.

Présence de noyaux centraux dans les myofibres des souris Mbnl1-/-. La flèche blanche

indique un noyau central et la flèche noire indique une myofibre fractionnée.

B. Cataracte dite en « arbre de Noël » chez les souris Mbnl1-/-. La flèche blanche indique une

opacité du cristallin.

C. Electromyographie du muscle quadriceps des souris Mbnl1+/+ et Mbnl1-/-, montrant une myotonie chez les Mbnl1-/-.

Enfin, des modèles murins de surexpression de CUGBP1 reproduisent une partie des symptômes musculaires et cardiaques des patients DM1 (tableau 2) (Timchenko et al., 2004 ; Ho et al., 2005a ; Koshelev et al., 2010 ; Ward et al., 2010). De même, la surexpression de CUGBP1 in cellulo reproduit certaines altérations de l’épissage alternatif observées chez les patients DM1, telles que les inclusions de l’exon 5 de la troponine T cardiaque (cTNT/TNNT2), de l’exon 11 du récepteur à l’insuline INSR, de l’exon 6B de la beta-tropomyosine et la rétention de l’intron 2 du canal chlore CLCN1 (Philips et al., 1998 ; Savkur et al., 2001 ; Charlet et al., 2002 ; Ho et al., 2005a ; Kalsotra et al., 2008). Cependant, les épissages de l’exon F de TNNT3, de l’exon 11 de BIN1, de l’exon 20 de ATP2A1 (SERCA) ou encore de l’exon 7a de CLCN1, qui sont altérés chez les patients DM, ne sont pas régulés par CUGBP1. Ceci suggère qu’un ou plusieurs autres facteurs sont impliqués dans les DM.