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CHAPITRE I : Les Dystrophies Myotoniques

2. Les dystrophies myotoniques : des chiffres et des lettres

2.1. Description des dystrophies myotoniques

2.1.3. Les symptômes cardiaques des dystrophies myotoniques

Le cœur est un organe musculaire creux comportant 4 cavités : les oreillettes gauche et droite et les ventricules gauche et droit qui sont reliés par des valves. Le cœur est divisé en deux par un mur musculaire épais, le septum auriculo-ventriculaire, empêchant le sang de passer du cœur droit dit veineux au cœur gauche dit artériel. De façon ordonnée et séquentielle, l’ouverture et la fermeture de ces valves permettent un passage unidirectionnel du sang depuis les oreillettes vers les ventricules. L’expulsion du sang vers les organes ou les poumons se fait respectivement grâce aux valves aortique et pulmonaire. La systole, qui correspond à l’intervalle de temps entre la fermeture des valves auriculo-ventriculaires et la fermeture des valves aortique (cœur gauche) ou pulmonaire (cœur droit), est à l’origine du

A C

B

Figure 5 : Les atteintes cardiaques des patients atteints de DM.

A. Anomalies cardiaques observées par électrocardiogramme chez les patients DM.

B. Tableau des différents symptômes cardiaques observés chez les patients atteints de DM

(d’après Petri et al., 2012). RBBB/LBBB (Right/ Left Bundle Branch Block : Bloc de

branche droit/gauche).

C. Infiltration adipeuse dans le tissu cardiaque d’un patient DM1 : biopsie de ventricule droit d’un patient DM1 décédé d’une mort subite à l’âge de 11 ans (d’après Christensen et al.,

2008).

Conduction cardiaque blocage auriculo-ventriculaire 28,2

élongation du QT>440 ms 22

élargissement QRS >120 ms 19,9

RBBB 4,4

LBBB 5,7

Arythmie tachycardie auriculaire ND

fibrillation auriculaire 5

contraction prématurée des ventricules 14,6

tachycardie ventriculaire 4,1

fibrillation ventriculaire ND

syndrome de Brugada: élévation de ST 1,4

mort subite 0,56 / an

Insuffisance cardiaque prolapsus de la valve mitrale ND

ischémie cardiaque ND

pouls que l’on peut percevoir. La diastole, quant à elle, correspond à l’intervalle de temps entre la fermeture des valves aortique ou pulmonaire et la fermeture des valves auriculo-ventriculaires.

L’activité électrique du cœur peut être enregistrée grâce à une électrocardiographie et analysée sur l’électrocardiogramme (ECG) et elle se décompose ainsi (figure 5A) :

-L’onde P correspond à la contraction des oreillettes droite et gauche, c’est à dire à la dépolarisation de la membrane des cardiomyocytes composant les oreillettes.

-L’intervalle PR correspond au temps de la contraction et décontraction des oreillettes, c’est à dire à la transmission de l’influx électrique provenant du nœud sinusal des oreillettes vers les ventricules. Sur un électrocardiogramme, l’intervalle PR commence au début de l’onde P et s’arrête au démarrage de l’onde QRS. En d’autres termes, cet intervalle correspond à la conduction auriculo-ventriculaire.

-L’onde QRS correspond à la contraction des ventricules droit et gauche, c’est-à-dire, à la dépolarisation de la membrane des cardiomyocytes composant les ventricules. En effet, certaines cellules des ventricules sont spécialisées dans la conduction électrique des oreillettes aux ventricules : ce sont les cellules du faisceau de His débutant au nœud auriculo-ventriculaire se divisant en deux branches principales dans les parois des ventricules puis se ramifiant de la pointe du cœur dans l’ensemble des parois en réseau de Purkinje (fibres de Purkinje).

-L’onde T correspond à la relaxation des ventricules, c’est-à-dire, à la repolarisation des membranes des cardiomyocytes composant les ventricules.

-L’intervalle QT correspond à la contraction et relaxation ventriculaires (dépolarisation et repolarisation ventriculaire). Cet intervalle correspond au temps de systole et sa durée varie en fonction de la fréquence cardiaque. Quand la fréquence cardiaque augmente ou diminue, cet intervalle diminue ou augmente, respectivement.

2.1.3.2. Les symptômes cardiaques des patients DM

Plus de 80% des patients atteints de DM présentent des symptômes cardiaques, ces atteintes constituent la seconde cause de mortalité (30%) après l’atteinte respiratoire (40%) (Matthieu et al., 1999). Les biopsies de patients DM1 montrent des changements non spécifiques du cœur tels qu’une fibrose interstitielle, une infiltration adipeuse et une légère hypertrophie des cardiomyocytes (Phillips and Harper, 1997). Ces atteintes cardiaques peuvent conduire à un dysfonctionnement progressif du ventricule gauche, une ischémie ou à

Introduction : Chapitre I

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une arythmie cardiaque entraînant une mort soudaine. Chez les patients atteints de DM2, les défauts cardiaques sont similaires mais généralement moins marqués (Day et al., 2003).

En conclusion, les manifestations cardiaques présentent chez les patients DM peuvent être classées en 3 groupes : les défauts de conduction cardiaque, les arythmies et les manifestations cardiaques autres.

x Les anomalies de la conduction cardiaque

Les défauts de conduction cardiaque touchent 40% des patients atteints de DM1 et conduisent fréquemment à l’implantation d’un pacemaker. Ces défauts de conduction entraînent des blocs auriculo-ventriculaires (BAV), et sont causés par un retard de la propagation de l’influx électrique le long du système de conduction. Ce retard reflète un défaut de la conduction auriculo-ventriculaire se traduisant sur l’ECG par une élongation de l’intervalle PR (PR>220 ms) et/ou un défaut de la dépolarisation des ventricules se traduisant par un élargissement du complexe QRS (QRS>120 ms) touchant respectivement 28,2% et 19,9% d’un groupe de 1828 patients DM1 (Petri et al., 2012) (figure 5B).

Des études post-mortem ont montré que ces anomalies de conduction pourraient être la conséquence d’altérations non spécifiques telles que la fibrose interstitielle et l’infiltration de cellules adipeuses (figure 5C) (Pelargonio et al., 2002 ; Miragoli et al., 2007). Cependant, il n’est pas exclu que ces défauts de la conduction cardiaque puissent aussi être dus à des altérations spécifiques du faisceau de His ou des fibres de Purkinje dont la nature et les causes moléculaires et cellulaires restent à déterminer (Phillips and Harper, 1997 ; Babuty et al., 1999 ; Groh et al., 2008).

Enfin, pour les patients DM1, les anomalies de conduction cardiaque semblent progresser avec l’âge du patient et selon le nombre de répétitions CTG (Clarke et al., 2001 ; Ha et al., 2012). De même, pour les patients DM2, ces anomalies sont corrélées à l’âge du patient et à la sévérité des symptômes musculaires (Ha et al., 2012).

x Les anomalies du rythme cardiaque

Des épisodes de tachycardie et de fibrillations auriculaires et/ou ventriculaires sont retrouvés chez au moins 25% des patients DM (Olofsson et al., 1988). Ces arythmies peuvent conduire à une mort soudaine, qui peut être prévenue par l’implantation d’un défibrillateur (Pelargonio et al., 2002 ; Groh et al., 2008). Ces arythmies se traduisent par des prolongations de l’onde QT sur un ECG touchant 22% des DM1 (Petri et al., 2012) reflétant un défaut de

dépolarisation et de repolarisation ventriculaires (Umeda et al., 1999). Les mécanismes moléculaires responsables de ces arythmies sont encore peu connus.

Le syndrome de Brugada est une canalopathie caractérisée par un dysfonctionnement d’un canal ionique cardiaque (sodique, calcique ou potassique) et également par des altérations typiques sur l’électrocardiogramme, décrites pour la première fois par Osher et Wolff en 1953 et élucidées en 1991 par les frères Pedro et Josep Brugada. Plus précisément, cette maladie génétique rare est caractérisée par une élévation (déviation au dessus de la ligne de base) du segment ST associée à des anomalies de l’onde T au niveau des dérivations précordiales droites V1, V2 et V3 et à un aspect de bloc de branche droit à l'électrocardiogramme associés à un risque élevé d'arythmie ventriculaire pouvant entraîner syncope et mort subite, sur un cœur structurellement sain. La transmission se fait sur un mode autosomique dominant et la pénétrance est variable. La prévalence estimée est d'environ 1/1000 dans les pays asiatiques, probablement plus faible ailleurs. Bien que la probabilité d’avoir une mutation ne dépende pas du genre, le rapport homme : femme atteint est de 8-10 :1, ce qui suggère une influence hormonale (testostérone) non expliquée (Shimizu et al., 2007). Il est intéressant de noter qu’une étude menée sur 500 électrocardiogrammes de patients DM1 a révélé que la prévalence du syndrome de Brugada est quatre-vingt fois plus élévée chez les patients DM1 que dans la population normale (Wahbi, Duboc poster G013

Archives of Cardiovascular Diseases, Volume 102, March, 2009, p. S66). Enfin, il a été

reporté des patients DM2 présentant un ECG similaire à celui de patients atteints du syndrome de Brugada (Rudnik-Schöneborn et al., 2010).

x Autres manifestations cardiaques

D’autres anomalies cardiaques ont été reportées chez les patients DM. Notamment, 25 à 40% des patients ont un prolapsus de la valve mitrale en raison d'un dysfonctionnement papillaire. Plus rarement, les patients DM1 présentent aussi des atteintes cardiaques ischémiques sous forme d’angine stable, instable ou d’infarctus du myocarde, et 1,8% des patients DM1 présentent des insuffisances cardiaques congestives (Bhakta et al., 2004) (figure 5B).

2.1.3.3. Différences cardiaques entre DM1 et DM2

Les patients DM1 et DM2 ont une plus grande probabilité de présenter des anomalies cardiaques que la population générale, mais la prévalence est plus importante pour les patients

Figure 6 : Schéma du gène DMPK et de ses gènes adjacents.

Les flèches noires correspondent aux promoteurs des gènes.

DMWD : Dystrophia Myotonica WD repeat-containing protein; DMPK : Dystrophia

Myotonica Protein Kinase ; SIX5 : SIne oculis homeoboX 5.

A

B

Figure 7 : Présence de foci nucléaires chez les patients DM1 et DM2.

A. Les foci contenant les expansions CUG dans les myoblastes DM1 (à droite) sont détectés par hybridation in situ avec un sonde CAG et sont absents dans les myoblastes contrôles (à gauche) (Davis et al., 1997).

B. Les foci contenant les expansions CUG ou CCUG sont détectés par hybridation in situ avec des sondes CAG et CAGG dans des coupes de muscles squelettiques DM1 et DM2 (à droite) et sont absents dans du muscle squelettique contrôle (à gauche) (Liquori et al., 2001).

DM1 que pour les patients DM2. En effet, une étude effectuée sur 38 patients DM2, 76 patients DM1 et 76 individus non atteints de DM, a mis en évidence que 62% des patients DM1, 40% des patients DM2 et 12% des individus non DM présentaient des défauts cardiaques (Wahbi et al., 2009). Les patients DM2 ayant des anomalies cardiaques présentaient des défauts classiques de la DM avec des troubles de la conduction cardiaque (35,9%), un dysfonctionnement systolique du ventricule gauche (15,7%), et des arythmies ventriculaires (15,8%). Toutefois, la comparaison entre les anomalies cardiaques des patients DM1 par rapport à celles des patients DM2 a montré que l’élongation du segment PR sur l’ECG et les blocs auriculo-ventriculaires étaient plus importants chez les patients DM1 que chez les patients DM2 (Wahbi et al., 2009). Cette fréquence et cette sévérité des troubles cardiaques plus faibles chez les patients DM2 par rapport aux patients DM1 ont été confirmées récemment. Ainsi l’étude de 104 patients DM2 et de 117 patients DM1 a mis en évidence que 10% des patients DM2 contre 31% des patients DM1 présentent un segment PR dépassant 200 ms ; de même, 6 patients DM2 contre 28 patients DM1 possédent un pacemaker ou un défibrillateur cardiaque implantable (Sansone et al., 2012).