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CHAPITRE III : Les miARNs, SCN5A et le cœur

2. Intervention musclée de 3 familles de miARNs cardiaques

2.1. La famille miR-1/miR206

1.1.4. La conduction cardiaque

Les cardiomyocytes ont la capacité de propager l’influx électrique qu’ils reçoivent à leurs voisins : ce phénomène se nomme la conduction cardiaque. Elle est possible grâce à la présence de jonctions communicantes, qui sont des groupes de canaux transmembranaires reliant directement les cytoplasmes de deux cellules voisines et assurant ainsi la communication intercellulaire. Au niveau cardiaque, les jonctions communicantes forment une voie laissant passer l’onde électrique excitatrice responsable des contractions synchronisées d’une cellule à une autre, permettant ainsi le couplage électrique entre les cardiomyocytes (Severs et al., 2004a ; Severs et al., 2004b). Dans le cœur, chaque jonction communicante est constituée de deux connexons (un par cellule), eux-mêmes composés de six molécules de connexines (Cx). Chez l’homme, les connexines forment une famille de 21 membres. Les cardiomyocytes humains expriment principalement la Cx43 (GJA1) au niveau des ventricules et la Cx40 (GJA5) et Cx43 au niveau des oreillettes (Severs et al., 2001). Enfin, la Cx45 (GJA7) est détectée au nœud auriculo-ventriculaire.

2. Intervention musclée de 3 familles de miARNs cardiaques

Dans cette partie, je vais présenter l’importance de certains miARNs dans le développement et le fonctionnement du cœur. En effet, de nombreuses études ont révélé le rôle crucial de trois familles de miARNs « 1/206 », « 133 » et « miR-208/499 », exprimées spécifiquement dans le cœur et le muscle squelettique (Kwon et al., 2005 ; Zhao et al., 2005 ; Chen et al., 2006 ; van Rooij and Olson, 2007 ; Zhao et al., 2007 ; Wilson et al., 2010). Ces « myomiRs » régulent la prolifération et la différenciation des cardiomyocytes, ainsi que l’expression des canaux ioniques et des jonctions communicantes, orchestrant ainsi la contraction et la conduction cardiaque (Wang et al., 2008 ; Yang et al., 2008).

2.1. La famille miR-1/miR206

La famille 1/miR206 est composée de trois membres 1-1, 1-2 et miR-206 issus de trois loci différents (figure 27). Les membres de cette famille font partie des miARNs les plus conservés et sont trouvés du nématode aux vertébrés. Ainsi, les gènes codant miR-1-1 et miR-1-2 sont situés sur deux loci mais génèrent des miARNs matures

Figure 28 : Boucles de régulation des miARNs.

(adaptée Liu and Olson et al., 2010)

A. MiR-1 réprime un répresseur de son activateur MEF2 conduisant à une amplification de l’expression de miR-1. La boucle formée entre miR-1, HDAC4 et MEF2 amplifie les régulations effectuées par miR-1 et correspond à une boucle de régulation positive.

B. MiR-133 réprime le facteur de transcription SRF (Serum Response Factor) nécessaire à son expression, ce qui conduit à une diminution de l’expression de miR-133. La boucle formée entre miR-133 et SRF correspond à une boucle de régulation négative.

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identiques. Ils sont exprimés dans le cœur et le muscle squelettique tandis que miR-206 est spécifiquement détecté dans le muscle squelettique. Comme la plupart des gènes musculaires, les facteurs de transcription SRF (« Serum Response Factor ») et MEF2 (« Myocyte Enhancer Factor 2 ») régulent la transcription de ces miARNs, et il est intéressant de noter qu’il existe une boucle d’autorégulation de ces miARNs. En effet, MEF2 et SRF régulent la transcription des miR-1 et miR-133, qui régulent respectivement SRF et HDAC (inhibant l’expression de MEF2) (figure 28) (Chen et al., 2006).

Ces miARNs sont exprimés sous forme d’unité bi-cistronique : miR-1-1/miR-133a-2 et miR-1-2/miR-133a-1 (Liu et al., 2007) (figure 27). Le transcrit primaire de miR-1-1/miR-133a-2 dérive d’un ARN non codant, tandis que celui de miR-1-2/miR-133a-1 provient du brin opposé du gène MIB1, codant une ubiquitine ligase E3. Toutefois, le cluster miR-1-2/miR-133a-1 possède son propre promoteur et est exprimé de façon indépendante de MIB1. Plus récemment, une étude a décrit la présence d’un promoteur régulé par MEF2 situé entre miR-1-2 et miR-133a-1, contredisant ainsi une co-transcription de ces deux miARNs (Callis

et al., 2009). Enfin, malgré une co-expression transcriptionnelle, l’expression de ces miARNs

matures serait subtilement régulée au cours du développement. Ainsi, les miARNs de la famille miR-133 réguleraient la prolifération et ceux de la famille miR-1 réguleraient la différenciation cardiaque (Zhao et al., 2005 ; Chen et al., 2006).

2.1.1. Le rôle de miR-1 dans le développement cardiaque

En 2005, Zhao et ses collaborateurs ont montré que la surexpression de miR-1 dans le cœur embryonnaire de souris inhibe la prolifération des cardiomyocytes en inhibant la traduction de HAND2 qui est un facteur de transcription indispensable au développement ventriculaire (Srivastava et al., 1995 ; Zhao et al., 2005). En 2007, l’invalidation de miR-1-2 chez la souris a mis en évidence une augmentation de 4 fois de l’expression de HAND2 et une augmentation de 3 fois de la prolifération des cellules cardiaques (Zhao et al., 2007). Enfin, Chen et ses collaborateurs ont renforcé l’idée du rôle régulateur de miR-1 dans la différenciation cardiaque par une injection de miR-1 au stade unicellulaire chez le xénope qui conduit à l’absence complète de cellules cardiaques (Chen et al., 2006).

Figure 29 : Fonction de miR-1 dans les muscles squelettique et cardiaque.

(adaptée de Liu and Olson, 2010)

Dll1 : Notch ligand Delta-Like-1 ; HDAC4 : Histone Deacetylase 4 ; MEF2 : Myocyte Enhancer Factor 2 ; HAND2 : bHLH transcrition factor nécessaire à la croissance des cardiomyocytes ; Kir3.1 : potassium inwardly-rectifying channel, subfamily J, member 3 (KCNJ3) ; HCN2 ; HCN4 : potassium/sodium Hyperpolarisation-activated Cylic Nucleotide-gated channel.

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2.1.2. Le rôle de miR-1 dans le fonctionnement cardiaque

Afin d’étudier le rôle de miR-1 dans le fonctionnement cardiaque, Zhao et ses collaborateurs ont généré des souris invalidées pour le gène miR-1-2 et ont observé des anomalies de la conduction cardiaque, caractérisées par une faible diminution de l’intervalle PR et des arythmies avec une prolongation du complexe QRS provoquant une mort subite (Zhao et al., 2007). De plus, la surexpression et la diminution de miR-1 dans un modèle de rat ayant des prédispositions à l’infarctus du myocarde, conduisent respectivement à des arythmies et à une réduction de la prédisposition de ces rats aux arythmies (Yang et al., 2007). D’autres études renforcent cette fonction de miR-1, notamment l’observation d’une diminution de l’expression de miR-1 dans des modèles d’hypertrophies cardiaques, mais aussi des expériences de surexpression de miR-1 dans des cœurs adultes murins qui diminue l’hypertrophie cardiaque (Ikeda et al., 2009). MiR-1 jouerait ce rôle en régulant l’expression de MEF2 (Potthoff and Olson, 2007). De plus miR-1 inhibe l’expression de la calmoduline, ce qui diminue l’activation de la voie de signalisation calmoduline-calcineurine-NFAT dans la prolifération cardiaque (Crabtree and Olson, 2002 ; Ikeda et al., 2009). Enfin, l’expression de nombreux canaux ioniques et des protéines des jonctions communicantes responsables du rythme et de la conduction cardiaque, est régulée par miR-1. Ces différentes régulations par miR-1 sont présentées ci-dessous (figure 29).

x La régulation de la conduction cardiaque par miR-1

La conduction cardiaque s’effectue grâce aux jonctions communicantes, principalement constituées de Cx43 dans les ventricules. En 2012, une équipe a montré que la Cx43 est régulée par miR-1 chez la souris (figure 29) (Xu et al., 2012). Ainsi les variations de miR-1 dans le cœur entraîneraient des variations d’expression de cette protéine cruciale pour la conduction cardiaque.

x La régulation de la repolarisation cardiaque par miR-1

Le repolarisation de la membrane des cardiomyocytes est possible grâce au fonctionnement des canaux potassiques codés par les gènes KCND2, KCNE1, KCNQ1,

Figure 30 : Fonction de miR-133 dans les muscles squelettique et cardiaque.

(adapté de Liu and Olson, 2010)

SRF : Serum Response Factor ; RhoA : GTPase Ras Homolog family member A (GTPase) Cdc42 : Cell division control 42 ; WHSC2 : Wolf-Hirschhorn Syndrome Candidate 2; MEF2 : Myocyte Enhancer Factor 2 ; HAND2 : bHLH transcrition factor (nécessaire à la croissance des cardiomyocytes) ; Kir3.1 : potassium inwardly-rectifying channel, subfamily J, member 3 (KCNJ3) ; HCN2, HCN4 : potassium/sodium Hyperpolarisation Cylic Nucleotide-gated channel.

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En 2007, il apparaît que l’expression des canaux potassiques codés par les gènes

KCNE1 et KCNJ2 est régulée par miR-1 (Yang et al., 2007). Toutefois, en 2012, ces résultats

ont été discutés. Dans la même année, une autre équipe a mis en évidence, dans des cellules progénitrices humaines stimulées par hyperglycémie, une augmentation de miR-1 ainsi qu’une diminution de KCNE1 suggérant que miR-1 pourrait réguler l’expression de KCNE1 (Li et al., 2012).

De plus, lors de l’étude de l’invalidation de miR-1-2 chez la souris, Zhao et al ont mis en évidence que miR-1 réprime l’expression du facteur de transcription IRX5, qui, lui, inhibe l’expression de KCND2 (Zhao et al., 2007). Ainsi, la diminution de miR-1 chez ces souris conduit à une augmentation de IRX5, entraînant une diminution de KCND2 et donc des défauts de repolarisation conduisant à des arythmies (Costantini et al., 2005 ; Zhao et al., 2007). D’autres études confirment le rôle anti-arythmique des canaux à K+. Effectivement, les syndromes du QT long de type 1 et 2 sont respectivement dus à des mutations dans les gènes codant les canaux potassiques KCNQ1 et KCNH2 (Zimmer et al., 2008). Enfin, des analyses par puces à ADN montrent une augmentation du niveau d’expression de l’ARNm du canal calcique cardiaque, Cacna1c, dans des souris invalidées pour miR-1-2, suggérant ainsi un rôle de miR-1 dans l’expression de Cacna1c et ainsi dans la signalisation cellulaire dépendante du calcium (Zhao et al., 2007).