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La réforme de 2003

2.4 Le cas des États-Unis

2.4.1 La réforme de 2003

Au début des années 2000, l’économie américaine connaît une récession en rai- son notamment de l’éclatement de la bulle Internet et du climat d’incertitude qui suivit les attentats du 11 septembre. Afin de relancer l’économie, l’administration Bush lance en 2001 un premier programme de réductions d’impôts, le Economic Growth and Tax Relief Reconciliation Act (EGTRRA). Ce programme est censé per- mettre de relancer la demande en diminuant les prélèvements obligatoires des ménages. Face aux résultats mitigés du programme, le JGTRRA prend sa suite en 2003 afin d’accélérer la mise en place des mesures précédentes mais aussi de créer de nouvelles réductions d’impôts, cette fois-ci ciblées sur les entreprises. Parmi cet ensemble de mesures, la réduction importante du taux de taxation des dividendes est la mesure la plus remarquée et a suscité un nombre important d’évaluations dont plusieurs ont deja été évoquées dans le chapitre 1. Avant la réforme de 2003, les dividendes étaient inclus dans l’assiette de l’impôt progressif sur le revenu. Suite à la réforme, ils sont taxés de la même manière que les plus-values et sortent de l’assiette de l’impôt sur le revenu.

Le Rapport Économique du Président transmis au Congrès en février 2003 (Executive Office of the President, 2003) retranscrit les principaux arguments mo-

Chap. 2 – Expérience internationale

bilisés en faveur de la baisse de la fiscalité des dividendes et de son alignement avec la fiscalité des plus-values. En premier lieu, la réforme doit permettre de réduire le problème de la « double taxation » des dividendes, c’est-à-dire le fait qu’ils soient imposés à la fois au niveau de l’entreprise via l’impôt sur les sociétés mais aussi au niveau de l’actionnaire individuel via l’impôt sur le revenu. Cette configuration est à l’origine d’un traitement fiscal défavorable des dividendes par rapport à d’autres types de revenus, notamment aux plus-values mais aussi aux

revenus des intérêts5. Dès lors, les entreprises favoriseraient le financement via la

dette plutôt que via les levées de fonds sur les marchés financiers. Par ailleurs, le traitement désavantageux des dividendes favoriserait les entreprises qui ont déjà des liquidités et qui les retiennent au sein de l’entreprise au lieu d’investir. L’ar- gument est aussi avancé que cette « double taxation des dividendes » favoriserait la distribution des profits via les rachats d’actions plutôt que le versement de di- videndes. Enfin, la forte taxation des revenus générés par les sociétés de capitaux (sociétés constituées soumises à l’impôt sur les sociétés) plutôt que d’autres formes d’organisations (entreprises à but non lucratif, S-corporations etc.) tend à distordre l’allocation du capital entre ces structures et à le placer de manière disproportion-

née vers ces structures moins productives, ce qui pourrait nuire à la croissance6.

Cette réforme s’inscrit dans un contexte de baisse séculaire du montant des di- videndes versés aux États-Unis et du nombre d’entreprises en versant. Entre 1978 et 1999, le nombre d’entreprises versant des dividendes est passé de 66 % à 21 % (Fama and French, 2001). Parallèlement, les entreprises semblent mobiliser davan- tage le rachat d’action. Ainsi entre 1980 et 2000, le rachat d’actions a connu une croissance annuelle de 26,1 % tandis que le taux de croissance des dividendes n’a été que de 6,8 % (Grullon and Michaely, 2002). Cependant, Julio and Ikenberry

5. Le taux effectif de taxation maximum sur les dividendes peut aller jusqu’à 60,1 % tandis qu’il n’est que de 40,9 % sur les plus-values (Executive Office of the President, 2003).

6. Initialement, le Président George W. Bush avait annoncé vouloir exonérer totalement les di- videndes de taxation personnelle afin de supprimer le problème de la « double imposition » des dividendes (State of the Union Address, janvier 2003).

Évaluation d’impact de la fiscalité des dividendes

(2004) montrent qu’après avoir atteint un plancher de 15 %, le nombre d’entre- prises versant des dividendes repartit à la hausse dès 2001. Une des raisons avan- cées pour expliquer cette relance précoce pourrait être que les entreprises aient tenté de rassurer les investisseurs, suite à la récession, aux incertitudes post-11 septembre et aux scandales de manipulations comptables au tout début des années 2000. Les dividendes seraient alors un outil de « signal » qui viserait à rassurer les

investisseurs7.

Les mesures. Présentée initialement par le Président Bush le 7 janvier 2003, le

réforme connaît un calendrier particulièrement rapide. Le texte final du JGTRRA est voté au Congrès le 23 mai 2003 et la loi signée le 28 mai. La réforme est donc gé- néralement considérée comme largement non anticipée par les entreprises. La loi

est rétroactive et concerne tous les dividendes versés depuis le 1erjanvier 2003. Un

autre aspect important de la réforme concerne sa durée. La réforme est annoncée comme temporaire et le taux de taxation privilégié des dividendes devait expirer le 31 décembre 2008. Dans les faits, les mesures ont été plusieurs fois prolongées

et le système fiscal actuel est très similaire à celui de 20038.

Le JGTRRA contient plusieurs mesures fiscales différentes, dont deux concernent la taxation des revenus du capital plus particulièrement. La première mesure est une baisse du taux de taxation des dividendes et la seconde une baisse du taux de taxation des plus-values de long terme. Cependant, il convient de noter que la baisse de taxation des dividendes est plus importante que celle sur les plus-values de long terme et augmente donc l’incitation fiscale à percevoir des dividendes plu- tôt que des plus-values.

Concernant les dividendes, la réduction ne concerne pas l’ensemble des divi-

7. Voir la littérature dédiée à la théorie du dividende comme signal de profits à venir, présentée au chapitre 1.

8. Les contribuables des deux premières tranches de l’impôt ne paient désormais plus de taxes sur leurs dividendes et ce depuis 2008. La plupart des contribuables paient une taxe de 15 % sur leurs dividendes perçus. Depuis 2013, les contribuables les plus aisés (dont le revenu brut excède 400 000 $ pour un célibataire) sont taxés à 20 % sur leurs dividendes.

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dendes. La loi adoptée définit d’un côté les dividendes « qualifiés », c’est-à-dire ceux concernés par la baisse du taux de taxation et de l’autre, les dividendes « non qualifiés ». Les dividendes provenant de capitaux détenus dans certains pays

étrangers9 sont ainsi exclus du périmètre de la réforme (Dharmapala and Desai,

2003). De même, les dividendes issus des fonds de placement immobilier ne sont pas concernés par la mesure (Edgerton, 2013). Pour les dividendes « qualifiés », la baisse d’imposition peut être particulièrement importante. Auparavant inclus dans l’assiette de l’impôt progressif sur le revenu, ils étaient alors taxés à un taux variant entre 10 et 35 % selon la tranche dans laquelle se situait le contribuable. Suite à la réforme, ces dividendes sont désormais taxés à 5 % pour les contri- buables des deux premières tranches de l’impôt et à 15 % pour les autres contri- buables (ceux taxés entre 25 et 35 % à l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire ayant un revenu supérieur à 28 400 $ pour un célibataire). La réforme engendre donc une baisse du taux statutaire pouvant aller jusqu’à 20 %. Concernant la taxation des plus-values, le taux de taxation passe de 10 % à 5 % pour les contribuables des deux premières tranches de l’impôt, et de 20 % à 15 % pour les autres. Suite à ces deux mesures, dividendes et plus-values sont alors taxés au même taux.