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L’impact de la fiscalité des dividendes sur la politique de dis-

1.1 Déterminants des flux de dividendes au niveau des entreprises

1.1.4 L’impact de la fiscalité des dividendes sur la politique de dis-

de distribution et l’investissement

Les différentes analyses théoriques et empiriques sur les politiques de distribu- tion ont des conséquences sur les effets possibles d’une réforme de la fiscalité des dividendes à la fois sur la politique de dividendes en soi mais également sur les effets réels de telles réformes. Les deux théories standards les plus connues sur la manière dont l’imposition des dividendes influe sur la distribution des dividendes et le comportement d’investissement sont ce qu’on appelle la vision traditionnelle (old view) et la nouvelle approche (new view). Ces visions diffèrent sur la source marginale des fonds utilisés afin de financer l’investissement.

Les travaux empiriques récents suggèrent qu’aucune de ces deux approches n’est totalement convaincante pour expliquer les réactions observées aux réformes récentes de la fiscalité des dividendes. De ce fait, des chercheurs ont proposé des explications alternatives que nous présentons par la suite.

Le financement de l’investissement marginal par l’émission d’action (old view).

Selon l’approche traditionnelle, ou old view3, les entreprises choisissent de financer

de nouveaux investissements en émettant de nouvelles actions. Les investisseurs ont donc le choix entre investir dans des obligations (avec des intérêts comme ren- dement) ou investir en action (avec des dividendes comme rendement). Si le ren- dement des actions est le profit net de l’impôt sur les bénéfices et de l’imposition personnelle des dividendes, le rendement des obligations est seulement imposé à l’impôt sur le revenu personnel. Cette « double taxation des dividendes » était alors considérée comme néfaste à l’investissement, puisque le coût du capital se trouve augmenté à la marge par l’imposition des dividendes, et l’investissement

3. Les travaux représentant cette approche datent essentiellement des années 1960, notamment Harberger (1962, 1966) et McLure (1979). Pour une présentation plus récente, voir Sinn (1991) et Auerbach (2002).

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diminué.

L’article de référence cité en faveur de cette approche traditionnelle est Po- terba and Summers (1985). Les auteurs utilisent des données du Royaume-Uni de l’après-guerre (1950-1983) pour estimer la sensibilité de l’investissement à des variations de taxation des dividendes. Pendant cette période, le traitement fiscal des dividendes au Royaume-Uni a changé plusieurs fois permettant aux auteurs de tenter d’identifier l’impact des changements fiscaux sur les politiques de distri- bution des dividendes. Les résultats mettent en évidence un lien très net de réac- tion des versements de dividendes aux variations de la fiscalité, et une corrélation des séries temporelles d’investissement à ces variations. L’article a néanmoins fait l’objet de plusieurs critiques, soulignant le caractère très bruité de l’information utilisée par les auteurs – l’utilisation de séries agrégées sur la base de 16 entre- prises cotées, et des variations de taux moyen d’imposition – reflétant l’aspect très daté de ce type d’analyse.

Le financement de l’investissement marginal par l’auto-financement (new view). La nouvelle approche (ou new view) suppose qu’à la marge, l’investissement est fi-

nancé par une réduction (ou un report) des distributions de dividendes4. Dans ce

contexte, un impôt constant sur les dividendes réduit à la fois le coût de l’investis- sement et le rendement futur dans la même proportion et n’a donc aucun effet sur le coût du capital ou la distribution de dividendes de l’entreprise. Ces deux vues ne sont pas en soit contradictoires dans la mesure où elles peuvent s’appliquer à des entreprises à différents stades de leur cycle de vie : les jeunes entreprises en forte croissance correspondent plutôt à la vision traditionnelle, alors que les en- treprises matures sont plus susceptibles de disposer de liquidités suffisantes pour procéder à l’autofinancement de leurs investissements (Sinn, 1991).

Les efforts empiriques pour départager ces deux vues ne sont pas concluants.

4. Les travaux à l’appui de cette approche sont notamment King (1977), Auerbach (1979) et Bradford 1981.

Évaluation d’impact de la fiscalité des dividendes

Chetty and Saez (2010) soutiennent par exemple qu’aucun de ces points de vue n’est facilement réconcilable avec les résultats empiriques de la réforme fiscale américaine de 2003. En particulier, Chetty and Saez (2005) montrent que la réforme de 2003 a augmenté les distributions de dividendes, ce qui est compatible avec la old view, sans que ne soient estimés d’effets significatifs sur l’investissement (Yagan, 2015).

Théorie agent-principal et fiscalité des dividendes. Chetty and Saez (2005) trouvent

que la réponse des versement de dividendes à la fiscalité de ces derniers est concen- trée parmi les entreprises où la direction possède une large part des actions de l’entreprises. Dans ces entreprises, les incitations financières entre gestionnaires et actionnaires sont alignées. Ce constat est, en partie, à la base de l’analyse de l’im- position des dividendes du point de vue de l’agence, où l’asymétrie d’information entre les propriétaires et les dirigeants de l’entreprise joue un rôle clé (Chetty and Saez, 2010).

Statut fiscal des actionnaires. Un facteur influençant la distribution de dividendes

est la dispersion des taux marginaux d’imposition auxquels font face les action- naires. Une forte dispersion sera à l’origine de désaccords entre actionnaires forte- ment taxés qui préféreront retarder le versement des dividendes (dans l’espoir de réaliser des plus-values ou bien de toucher des dividendes à un moment où leur taux marginal d’imposition est plus faible) et actionnaires faiblement taxés qui fa- voriseront la distribution de dividendes immédiates. Jacob and Michaely (2017) montrent dans le cas de la Suède que ce type de désaccords affaiblit largement la réponse des entreprises à la baisse de la fiscalité des dividendes.

Arbitrage intertemporel. Korinek and Stiglitz (2009) proposent une théorie in-

tertemporelle potentiellement pertinente pour le cas français entre 2010 et 2018. Dans leur modèle, si les gestionnaires considèrent l’augmentation d’impôt comme

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temporaire, ils réduisent le versement de dividendes, accumulent des liquidités et attendent que la hausse de la taxe sur les dividendes sur dividendes soit inversée avant de reverser les liquidités accumulées aux actionnaires sous la forme de divi- dendes. La mise au barème des dividendes a causé une hausse du taux marginal d’imposition moyen des dividendes à partir de 2013 et a été suivie de la mise en place du Prélèvement forfaitaire unique (PFU) en 2018 qui a fortement diminué fortement ce taux marginal d’imposition. Dès lors, si la théorie de Korinek and Stiglitz (2009) s’applique, on s’attend à ce que la hausse des versements de divi- dendes entre 2017 et 2018 soit concentrée parmi les entreprises qui ont accumulé des liquidités entre 2013 et 2017. Tester cette théorie est important dans la mesure où cela permettra de déterminer si la hausse des dividendes agrégés observée en 2018 correspond à un nouvel équilibre stable ou bien à un phénomène transitoire.