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Réduction du temps de travail

6.2 Évaluations de politiques publiques avec le nouveau modèle

6.2.3 Réduction du temps de travail

En France, la durée légale pour un emploi à temps plein en 2011 est de 35h. Toutefois, les salariés à temps complet ont déclaré une durée supérieure à cette durée légale avec une durée hebdomadaire moyenne de 39.6 heures (DARES, 2013a). Dans le modèle WorkSim, le temps de travail d’un emploi à temps plein est fixé à cette valeur de 39.6 heures pour tous les individus. Nous voulons mesurer les effets sur le marché du travail d’une réduction effective de la durée du temps de travail de 39.6h à 32h pour tous les emplois. Cette mesure n’est pas à comparer directement avec un abaissement de la durée légale maximale de travail, qui serait plus complexe à modéliser. En effet, dans la réalité, les employeurs peuvent toujours demander à leurs salariés d’effectuer des heures supplémentaires au-delà de cette durée légale.

Il s’agit ici d’analyser les conséquences d’une réduction effective du temps de travail sur le chômage, les salaires, ainsi que les avantages et les inconvénients pour les agents du modèle. Il est aussi intéressant de mesurer l’impact sur les comportements des individus avec notre modèle, car une réduction du temps de travail entre en compte dans le calcul de l’utilité des travailleurs. En effet, moins d’heures de travail donne aussi plus de temps libre (cf. section 2.5.1).

Dans cette variante, nous faisons passer le nombre d’heures travaillées par semaine H pWp

de 39.6h à 32h pour un temps plein salarié du secteur privé, ce qui correspond à une réduction du temps de travail de 19.2%. Pour les emplois à temps partiel, nous appliquons le même pourcentage de réduction du temps de travail, ce qui fait passr le nombre d’heure de 23.2h à 18.7h. La production et le salaire hebdomadaire des emplois baissent mécaniquement car ces deux variables dépendent directement du nombre d’heures travaillées sur le poste (cf. section 2.3.3.1 sur les postes de l’entreprise). Nous avons cependant maintenu la barrière du SMIC pour les salaires.

Les résultats sont présentés sur le tableau 6.4.

Avec la réduction du temps de travail, nous observons une nette diminution du taux de chômage. qui passe de 9,78% à 6,64%. Il y a 877 000 chômeurs en moins. Il y a en revanche 1 228 000 emplois en plus. Cette différence entre le nombre d’emplois en plus et le nombre de chômeurs en moins s’explique par une augmentation du taux d’activité de 0.97 points. En effet, comme la situation de l’emploi s’améliore, il y a moins de découragement de chômeurs et plus d’entrées d’inactifs sur le marché du travil. Nous remarquons que la réduction du chômage avec cette variante profite à tous les âges et à toutes les catégories socio-professionnelles.

Toutefois, le salaire moyen en équivalent temps plein baisse en passant de 2036 à 1855 euros net par mois. Malgré la baisse du chômage et l’augmentation du temps libre, il apparaît que les individus sont en moyenne légèrement moins satisfaits avec une baisse légère de leur utilité (-2.7 %), car ils voient leur revenu moyen diminuer (-9%). En revanche le premier décile de la distribution de l’utilité des individus dans la simulation (qui correspond aux individus avec le moins d’utilité) passe de 108,8 à 114,1 (+4.9%). En terme de bien-être la mesure est donc plus "égalitaire". Les individus en emploi perdent du salaire, mais les individus sans emploi ont plus de chance d’en obtenir un.

Du côté des entreprises, on observe une baisse du revenu moyen, qui est due à une baisse de la production moyenne des travailleurs qui passe de 6793 à 5471 par mois dans la simulation

Indicateurs Référence Variante Impact

Taux de chômage (%) 9.78 6.64 -3.14**

Taux de chômage 15-24 ans (%) 20.88 16.89 -3.99** Taux de chômage 25-49 ans (%) 8.4 5.33 -3.07** Taux de chômage 50-64 ans (%) 6.84 4.09 -2.75** Taux de chômage Employés/Ouvriers (%) 10.84 6.47 -4.37** Taux de chômage Professions Intermédiaires (%) 6.71 4.26 -2.45** Taux de chômage Cadres (%) 4.64 3.83 -0.81**

Taux d’activité (%) 66.93 67.9 +0.97**

Taux d’emploi (%) 60.38 63.39 +3.01**

Nombre d’individus en emploi total (en milliers) 24 629 25 857 +1 228** Nombre de chômeurs (en milliers) 2 672 1 795 -877** Salaire net mensuel moyen EQTP en euros 2036 1855 -184** Revenu moyen par unité de consommation en euros 1392 1328 -64** Utilité moyenne des individus 196.3 191.1 -5.2** Revenu moyen des firmes sur l’année en milliers d’euros 394 371 -23** Coût moyen des salaires en milliers d’euros 200 189 -11** Bénéfice moyen des firmes sur l’année en milliers d’euros 189 178 -11** Taux de chômage de long terme (%) 34.6 28.7 -5.9** Part d’emploi à temps partiel (%) 21.04 19.92 -1.12**

Taux de rotation (%) 45.26 40.02 -5.24**

Nombre d’épisodes de CDD moyen 1.97 1.92 -0.05** **

Écart significatif au seuil de 1% du test de Student TABLE6.4 – Réduction du temps de travail

(-19.5%). On observe que l’augmentation du nombre d’emplois ne compense pas cette perte de production moyenne des salariés, car le revenu global des entreprises baisse (-23 000 euros). Le coût moyen des salaires pour l’entreprise baisse aussi avec cette diminution du temps de travail (-11 000 euros), mais dans une moindre mesure que les revenus, ce qui se traduit au final par une diminution des bénéfices des entreprises de 11 000 euros (-5.8% en écart relatif ).

Il est intéressant de constater qu’une mesure qui peut faire baisser le niveau de chômage, n’apporte pas forcément plus de satisfaction pour les acteurs économiques. En moyenne, les individus ont moins d’utilité (-2,0%) et les entreprises font moins de bénéfices (-5.8%). La mesure est cependant plus égalitaire, car les individus avec le moins d’utilité (1er décile), voient leur utilité augmenter (+4.9%).

6.2.3.1 Variantes avec maintien des salaires

Nous avons testé deux autres variantes de la réduction du temps de travail permettant d’éviter une baisse de l’utilité des individus :

— une variante 2 avec maintien de salaires qui implique un surcoût pour l’entreprise car la salarié produit moins pour le même salaire.

— une variante 3 avec maintien des salaires, mais subventionné par l’État. Pour l’entreprise, il y une diminution des salaires versés, ce qui ne diminue par le coût horaire du travail, mais l’État compense la perte de salaire avec une subvention, de façon à maintenir le salaire des employés constant.

Les résultats sont présentés sur le tableau 6.5.

Indicateurs Reférence Variante 1 -Passage au 32h avec reduction des salaires Variante 2 -Passage au 32h avec maintien des salaires Variante 3 -Passage au 32h avec maintien des salaires subven-tionné Taux de chômage (%) 9.78 6.64 8.95 8.03

Taux de chômage 15-24 ans (%) 20.88 16.89 18.68 17.11 Taux de chômage 25-49 ans (%) 8.4 5.33 7.57 6.69 Taux de chômage 50-64 ans (%) 6.84 4.09 7.03 6.38 Taux de chômage Employés/Ouvriers (%) 10.84 6.47 9.82 8.79 Taux de chômage Professions

Intermédiaires (%) 6.71 4.26 6.18 5.34

Taux de chômage Cadres (%) 4.64 3.83 4.54 3.91

Taux d’activité (%) 66.93 67.9 68.08 68.24

Taux d’emploi (%) 60.38 63.39 61.98 62.76

Nombre d’individus en emploi total (en

milliers) 24 629 25 857 25 282 25 600

Nombre de chômeurs (en milliers) 2 672 1840 2 488 2 235 Part d’emploi à temps partiel (%) 21.04 19.92 19.32 18.48 Salaire net mensuel moyen EQTP en

euros 2036 1855 2097 2097

Utilité moyenne des individus 196.3 191.1 203.5 205.5 Bénéfice moyen sur l’année en milliers

d’euros 189 178 148 174

Coût de la mesure en milliards d’euros - 0 0 102.7 Nombre d’emplois créés (en milliers) - +1244 +657 +987

Coût par emploi créé - 0 0 104 040

Nombre de chômeurs évités (en milliers) 840 184 445

Coût par chômeur évité - 0 0 230 988

TABLE6.5 – Variante de réduction du temps de travail

du nombre d’emplois créés de +657 000 , mais l’impact sur le chômage est beaucoup plus faible, seulement 184 000 chômeurs en moins, car il y a une augmentation du taux d’activité de 1.15 points, ce qui représente 543 000 actifs en plus sur le marché du travail. Cette aug-mentation du taux d’activité s’explique par le fait que les offres d’emplois sont plus attractives pour les individus, car à salaire constant, il y a plus de temps libre. Ainsi l’utilité des emplois connus lors de la phase de prospection pour décider de commencer une recherche d’emploi augmente (cf. section 2.6.5.1). Nous observons que le salaire en équivalent temps plein ne baisse pas. De plus, l’utilité globale des individus augmente (+3.7%), car le taux d’emploi augmente (+1.6 points), le salaire est maintenu et le temps de travail diminue.

En revanche du côté des entreprises, cette mesure est bien sûr très pénalisante, car les salaires restent les mêmes, mais les travailleurs produisent moins. Il y a donc une perte de bénéfice importante de 41 000 euros par ans en moyenne (-21.7% en écart relatif ).

Pour éviter cette perte de bénéfice, nous avons testé une 3ème variante avec un maintien des salaires mais subventionné par l’état afin que le coût du travail reste constant.

Dans ce cas, l’impact sur le chômage est bien sûr meilleur que dans la variante 2 sans sub-vention. Cependant, on s’attendrait à ce que le taux de chômage baisse autant que dans le cas avec réduction des salaires (variante 1) car dans les deux variantes le coût du travail est le même pour les entreprises. Mais ce n’est pas le cas. Cette différence s’explique pour deux raisons :

— d’une part le taux d’activité augmente plus dans la variante 3 que dans la variante 1, car, comme on l’a vu, les offres d’emplois sont plus attractives. Il y a 139 000 actifs en plus sur le marché du travil.

— d’autre part, dans la variante 3, la part d’emploi à temps partiel diminue par rapport à la variante 1 (-1.44 points). La part d’emploi à temps plein augmente donc. Ceci s’explique par le fait qu’une partie des individus qui souhaitaient travailler 23.2 heures par semaine avant la variante sont plus susceptibles d’accepter des emplois à temps plein qui sont maintenant caractérisés par un temps de travail de 32h plus proche des 23.2h (et qui offrent un bien meilleur salaire).

Le taux d’emploi est de 63.39 points dans la variante 1 et de 62.76 points dans la variante 3. L’écart relatif est de 1.0%. Cependant si on calcule le taux d’emploi en équivalent temps plein2, on obtient 58.14 pour la variante 1 et 57.95 pour la variante 3, ce qui fait un écart relatif de 0.3%.

Concernant les avantages des agents, on observe que dans cette variante 3, l’utilité des individus augmente le plus (+9.2) et le bénéfice des entreprises est maintenu. Cependant cette mesure a un coût très élevé qui est 102.7 milliards d’euros par an, soit un coût brut par emploi créé de 104 040 euros et par an. Ce coût reste proche du coût des allègements de charges patronales. En revanche, le coût par chômeur évité est par contre beaucoup plus important, mais ceci est dû à l’augmentation du nombre d’actifs.

D’après un rapport de l’(Assemblée-Nationale, 2014), le passage de la durée légale de 39h à 35h à partir de l’année 2000 aurait coûté de l’ordre de 13 milliards d’euros pour 350

2. Le taux d’emploi en équivalent temps plein d’une classe d’individus est calculé en rapportant le nombre d’individus de la classe ayant un emploi converti en équivalent temps plein au nombre total d’individus dans la classe.

000 emplois créés. Il ne s’agissait pas d’une subvention complète comme ce que nous avons testé dans la variante 3, mais d’allègements de charges ou d’autres subventions ciblés pour compenser en partie le maintien des salaires. C’est ce qui explique que ce coût de 13 milliard soit beaucoup plus faible que les 102.7 milliards que nous calculons. De plus nous testons une reduction du temps de travail avec maintien des salaire de 39.6h à 32h, ce qui est plus important qu’un passage de 39h à 35h.

Il est nécessaire d’être prudent avec ces résultats chiffrés sur la réduction du temps de travail. En effet le modèle WorkSim ne prend pas en considération la consommation des ménages, et ne mesure pas l’effet potentiellement négatif d’une baisse de production des entreprises sur le long terme. De plus, il ne tient pas compte des problèmes de réorganisation des équipes dans les entreprises qui pourraient survenir. Dans la réalité, il n’est en effet pas toujours possible pour une entreprise de compenser la réduction du temps de travail par l’embauche de nouveaux salariés.