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Modélisation d’un agent "individu"

2.3 Modélisation des agents "individu" et "entreprise privée" dans WorkSim

2.3.1 Modélisation d’un agent "individu"

Un agent individu dans WorkSim représente un individu de la population française de plus de 15 ans. Les agents individus sont hétérogènes et sont chacun caractérisés par :

— des attributs spécifiques qui sont déterminés au moment de l’entrée dans la simulation. Ces attributs comme le genre ou la préférence de base pour le temps libre définissent son identité propre et influencent son comportement tout au long de sa carrière. Nous supposons que ces attributs ne sont pas modifiés au cours de la vie de l’agent.

— des variables internes qui évoluent à chaque période de la simulation.

Par exemple l’âge de l’individu est augmenté automatiquement à chaque période de la simulation. D’autres variables sont modifiées de façon dynamique en fonction des choix réalisés par l’agent et des situations qu’il rencontre (par exemple son niveau d’expérience).

— une histoire.

Le déroulement de la simulation est séquentiel et les agents individus conservent une trace de leurs situations passées. Cette dimension historique constitue un apport im-portant d’un modèle multi-agent par rapport aux modèles analytiques. Elle permet d’introduire la notion de trajectoire individuelle ou de carrière de l’individu. Les événe-ments passés ont une influence sur sa situation future.

— un ménage.

Un individu est intégré dans un ménage composé d’autres agents du modèle. La situa-tion et le revenu des autres membres du ménage auront un impact sur ses décisions. — un état.

Un individu est caractérisé par un état ou situation sur le marché du travail qui influence ses comportements. Pour chacun de ces états sont définies des variables d’état qui interviennent dans les mécanismes décisionnels.

2.3.1.1 Les attributs spécifiques de l’agent individu

Un agent individu (noté i par la suite) est caractérisé par des attributs spécifiques détermi-nés une fois pour toute au moment de sa création. Ces attributs ne sont pas modifiés au cours de la simulation.

Le genre Dans le modèle WorkSim, les individus ont un genre, masculin ou féminin. Ce genre

a une influence sur les décisions de passage à l’inactivité de l’agent.

La préférence de base pour le temps libreαbase Comme dans le modèle ARTEMIS (Ballot,

2002), nous supposons que chaque individu a deux arguments qui lui donnent de la statis-faction (de l’utilité) : le temps libre et le revenu, dont on précisera plus loin les composantes (cf. section 2.5.1). Il y a un arbitrage fondamental entre le temps libre et le revenu puisque travailler augmente le revenu mais diminue le temps libre. C’est un arbitrage de base en mi-croéconomie du travail (Henderson et al., 1971). Chaque individu i a une préférence effective pour le temps libre modélisée par un paramètreαi ,t qui évolue au cours du temps qui lui permet de réaliser cette arbitrage. Quand l’individu entre sur le marché du travail, il a une préférence de base pour le temps libre qui sera modulée par d’autres caractéristiques comme l’âge ou le genre pour former cette préférence effective de l’individu pour le temps libreαi ,t

(cf. équation 2.2 plus bas).

Cette préférence de base pour le temps libre est tirée suivant une loi normale αbase

M ax(0,N (1,σal pha) bornée à 0, avecσal phaun paramètre exogène fixé4.

4. Nous verrons dans le chapitre suivant de calibration du modèle que certains paramètres seront fixés à partir d’études économétriques ou bien suivant des ordres de grandeurs "raisonnables". D’autres paramètres seront calibrés de façon à reproduire des cibles du marché du travail en 2011. Les valeurs de tous les paramètres (fixés et calibrés) seront précisées dans le chapitre suivant.

Le noyau de productivité Le noyau de productivité kP r odi représente les compétences « innées » de l’individu i au travail. Ces compétences «innées»5peuvent être par exemple des aptitudes physiques (sensorielles ou psychomotrices) des aptitudes intellectuelles (intelli-gence abstraite ou concrète, créativité). Ces compétences seront ensuite modulées par des facteurs d’expériences et par les caractéristiques des postes (notamment le facteur technolo-gique) pour former la production effective d’un individu sur un poste (cf. section 2.3.3.3). Ce noyau de productivité est tiré aléatoirement selon une loi normale :

kP r odi ∼ M ax(0, N (1, σcor eP r od) (2.1) avecσcor eP r od∈ [0, 1] un paramètre exogène calibré.

2.3.1.2 Les variables internes des agents individus

A la différence des attributs spécifiques, les variables internes d’un agent "individu" évoluent au cours de sa vie dans la simulation.

L’âge Un individu a un âge noté ag ei compté en semaines et en années. Cet âge évolue au

cours de la simulation jusqu’à son décès et sa sortie de la simulation.

La préférence effective pour le temps Le paramètreαi ,t∈ [0, 1] traduit la préférence pour le

temps libre effective de l’individu i au temps t . L’équation de détermination deαi ,t s’inspire d’ARTEMIS :

αi ,t= Mi n(0.95, α0× αbase× (1 + αol d× (ag e − 15)) × Fw) (2.2) — α0∈ [0, 1] est un paramètre exogène calibré

— Le termeαbase est la préférence de base pour le temps libre de l’individu déterminée au moment de son entrée sur le marché du travail.

αol d∈ [0, 1] est un paramètre de sensibilité de la préférence pour le temps libre à l’âge de l’individu. Ce terme exprime la pénibilité du travail qui est croissante avec l’âge et qui est mise en évidence par le rapport (Nicot and Roux, 2008).

— Le terme Fwconcerne uniquement les femmes et il est croissant avec le nombre d’en-fants :

Fw= 1 + αchi l d× nbC hi l dr en (2.3)

Avecαchi l d∈ [0, 1] un paramètre exogène calibré et nbC hi l dr en, le nombre d’enfants

dans le ménage. Pour une femme de moins de 25 ans ayant des enfants, nous multiplions ce facteur Fw, par un facteur supplémentaire 1 + αy w qui traduit une surcharge pour les jeunes mères ayant des enfants en bas âge, avecαy w∈ [0, 20] un paramètre exogène calibré.

5. On n’entre pas ici dans un débat entre l’inné et l’acquis. L’idée est que l’on suppose que les individus ont des qualités de base différentes qui les distinguent au moment de leur entrée sur le marché du travail et qui n’évoluent pas ensuite au cours de leur vie professionnelle

Comme dans ARTEMIS, le paramètreαi ,tévolue de manière différente pour les hommes et les femmes, notamment dans les ménages avec des enfants. En effet, on constate en France en 2011, des répartitions encore inégales des rôles dans le ménage pour l’éducation des enfants ou les travaux ménagers. D’après l’INSEE, en France en 2011 le taux d’emploi à temps complet des femmes vivant en couple et ayant trois enfants ou plus est de 39,8% contrairement à 87,0% chez les hommes se trouvant dans la même situation (INSEE, 2011k).

Le niveau de qualification courant Le niveau de qualification courant de l’individu (noté

q dans la suite) est déterminé aléatoirement au moment de son entrée sur le marché du

travail parmi trois niveaux de qualification distincts en reprenant les principales catégo-ries socioprofessionnelles utilisées par l’INSEE (INSEE, 2011). Nous avons cependant fu-sionné les catégories d’"Employés" et d’"Ouvriers" pour former une catégorie commune d’"Employés/Ouvriers", car nous ne modélisons pas les différents secteurs d’activité, il est donc difficile de distinguer dans le modèle ces deux catégories socioprofessionnelles qui sont par ailleurs caractérisées par des niveaux de chômage et de salaire très voisins.

Donc notre modèle retient trois niveaux de qualification distincts : — Employés/Ouvriers

— Professions intermédiaires — Cadres

Le niveau de qualification d’un individu peut ensuite changer au cours de la carrière de l’individu si celui bénéficie d’une promotion, ou si l’individu se déclasse pour chercher un emploi d’un niveau de qualification inférieur s’il reste trop longtemps au chômage.

Les différents niveaux de capitaux humains Nous reprenons dans WorkSim la notion de

capi-tal humain développée par (Becker, 1975). D’après (Généreux, 2001), "le capicapi-tal humain est l’ensemble des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulés par un individu et qui déterminent en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même ou pour les autres". Ce capital humain peut s’acquérir grâce à des formations ou bien grâce à l’expérience au cours de la vie professionnelle. Il peut aussi se perdre par effet de l’oubli des connaissances.

Dans WorkSim, nous modélisons trois types d’aptitudes professionnelles :

— les aptitudes générales de l’individu qui sont utiles pour tous les emplois. Ces aptitudes générales sont par exemple des qualités de communication verbale et écrite, la maîtrise d’une langue vivante étrangère, la capacité d’analyse et de résolution de problèmes. — les aptitudes relatives à chacun des trois niveaux de qualification. Nous pouvons citer

par exemple pour un niveau de qualification de cadre, des compétences en informatique ou bien la capacité à diriger une équipe.

— les aptitudes spécifiques à un poste en particulier dans une entreprise. Nous supposons que ces aptitudes sont liées à la tâche à réaliser par l’individu sur un poste et ne peuvent pas être utilisées dans le cadre d’un autre poste. Cette aptitude peut par exemple être

la maîtrise d’un logiciel utilisé uniquement pour un type de poste donné dans une entreprise

Ces niveaux d’aptitudes sont respectivement modélisés dans WorkSim par trois niveaux de capitaux humains pour un individu i au temps t :

— le capital humain général noté HCi ,tg en. Nous supposons que ce capital humain général augmente de 1 point chaque semaine passée en emploi. Cette augmentation de 1 point est arbitraire mais son efficacité dépendra d’un facteurβ (cf. équation 2.30) qui est

calibré pour reproduire l’évolution des salaires sur la carrière des individus par niveau de qualification. Cette augmentation du capital humain correspond au phénomène de learning by doing, ou apprentissage au niveau du capital humain général, mis en évidence par (Arrow, 1962), et représente des hausses de compétence sans coût de formation pour les entreprises et les salariés. Ce capital humain peut aussi augmenter si le salarié reçoit une formation à l’embauche par l’entreprise (cf. section 2.6.6). Nous supposons par ailleurs que ce capital diminue d’un pourcentage Lxp pour chaque période passée hors emploi après T xp périodes (effet d’oubli des compétences à cause d’une trop longue période de chômage ou d’inactivité).

— le capital humain pour chaque niveau de qualification q, noté HCi ,q,tocc . De la même façon ce stock de capital humain augmente de 1 point chaque semaine passée sur un poste du niveau de qualification q, mais diminue d’un pourcentage Lxp pour chaque tick passé après T xp périodes sans occuper de poste à ce niveau de qualification. Comme pour le capital humain général, ce capital humain au niveau de qualification q peut aussi augmenter si le salarié reçoit une formation à l’embauche par l’entreprise. Lxp ∈ [0,0.1] et T xp ∈ [0,100] sont deux paramètre exogènes calibrés.

— le capital humain spécifique HCi ,p,tspecqui modélise les compétences apprises par l’indi-vidu dans le poste dans son entreprise. Il s’agit d’une forme d’apprentissage qui porte sur les aspects technologiques et sociaux propres aux caractéristiques du poste. Ce capital humain spécifique correspond à l’ancienneté de l’individu sur le poste p. On notera que si l’individu reçoit une promotion et change de qualification dans l’entreprise, cette ancienneté est réinitialisée à 0. Ce capital humain spécifique peut aussi augmenter si le salarié reçoit une formation à l’embauche par l’entreprise.

Le facteur de condition de l’individu Nous supposons que l’individu est caractérisé par un

facteur de forme condi ,t ∈ [0, 2] au temps t qui a une influence sur son niveau de productivité. Ce facteur de forme modélise le niveau de motivation de l’individu et son état de santé. Au moment de l’entrée de l’individu dans la simulation, ce facteur est initialisé dans l’intervalle [mi nC , maxC ]. Il évolue tout au long de sa carrière suivant une marche aléatoire :

condi ,t +1= M ax(mi nC , Mi n(maxC , condi ,t+ N (0, σC))) (2.4)

de façon à conserver toujours : ∀t, condi ,t∈ [mi nC , maxC ]. mi nC et maxC sont deux paramètres exogène fixés etσC ∈ [0, 0.3] est un paramètre exogène calibré.

2.3.1.3 Le ménage de l’individu

Dans WorkSim, les agents individus sont regroupés dans des ménages. En effet, nous fai-sons l’hypothèse comme dans le modèle ARTEMIS que l’évaluation de la situation monétaire de l’individu se fait au niveau de son ménage plutôt qu’à un niveau simplement individuel, car le nombre de personnes à charge ainsi que les revenus du conjoint influencent ses décisions. De plus, la détermination de certaines allocations comme le RSA6nécessite la prise en compte de l’ensemble des revenus d’activité des individus qui composent le ménage. Le changement de situation d’un agent sur le marché du travail peut donc avoir un impact sur celui de son conjoint.

Dans WorkSim, nous retenons 3 principaux états dans un ménage définis par l’INSEE (INSEE, 2011g) :

— Enfant dans un ménage

— Personne seule (avec ou sans enfants) — En couple (avec ou sans enfants)

Cet état peut changer au cours de la simulation pour un individu. Le module démogra-phique que gère l’évolution de ces ménages sera décrit dans l’annexe E.

2.3.1.4 L’état de l’individu sur le marché du travail

Du point de vue de la modélisation multi-agent, la situation de l’individu sur le marché du travail est représentée avec une machine à états finis7. A chaque état sera associé un comportement de l’agent individu qui peut déclencher une transition pour passer d’un état à un autre. L’implémentation de machine à états finis est mise en oeuvre dans le domaine de la simulation multi-agent pour définir des comportements complexes d’agent qui interagissent dans un environnement dynamique (voir par exemple (Sakellariou, 2012) ou (Gnilomedov et Nikolenko, 2010) ).

Le modèle WorkSim évolue en population fermée et tous les principaux états sur le marché du travail des individus en âge de travailler d’un pays sont modélisés en suivant la classification de l’INSEE (INSEE, 2011). Un individu peut être dans 8 états différents sur le marché du travail : — Chômeur : sans emploi et à la recherche d’un emploi au sens du Bureau International

du Travail (BIT)8

— Inactif : sans emploi et non à la recherche d’un emploi qui n’est pas étudiant, ni retraité — Etudiant

— Retraité

— Salarié du secteur privé non à la recherche d’un autre emploi (PAE)

6. Revenu de solidarité active 7. finite-state machine (FSM)

8. personne en âge de travailler (conventionnellement 15 ans ou plus) qui : 1/ n’a pas travaillé au cours de la semaine de référence ; 2/ est disponible pour travailler dans les deux semaines et 3/ a entrepris des démarches effectives de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois

— Salarié du secteur privé à la recherche d’un autre emploi, noté PARAE dans la suite pour Personne A la Recherche d’un Autre Emploi.

— Fonctionnaire

— Dirigeant d’une entreprise privée

Les passages entre les états peuvent être occasionnés par des choix de l’individu (démis-sionner, commencer une recherche d’emploi,...), par des événements subis qui résultent de décisions prises par les entreprises (licenciement, recrutement...) ou bien par des mécanismes exogènes du modèle (entrée dans l’état d’étudiant, dans l’état de fonctionnaire,...).

Le diagramme d’états est présenté sur le schéma 2.3.

FIGURE2.2 – Diagramme d’états des individus

Ces mécanismes de passage d’un état à l’autre seront décrits dans la section 2.6.5.

2.3.1.5 Schéma récapitulatif de l’agent "individu" dans WorkSim

FIGURE2.3 – Schéma d’un agent individu dans WorkSim