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Chapitre I . Synthèse bibliographique : Le recyclage des fibres cellulosiques

V. L’ozone

V.3. Réaction de l’ozone avec la matière lignocellulosique

L’ozone moléculaire réagit sélectivement sur la lignine, avant de réagir avec la cellulose qui est davantage préservée. Cependant les radicaux hydroxydes issus de la dégradation de l’ozone présentent une sélectivité plus faible, de sorte qu’ils réagissent avec la lignine et la cellulose.

V.3.1. Réaction de l’ozone sur la lignine

L’ozone moléculaire présente une certaine une affinité pour la lignine. Il s’attaque aux sites riches en électrons tels que les doubles liaisons carbone-carbone de la chaîne latérale et les noyaux aromatiques.

La lignine joue le rôle de protecteur de la cellulose contre l’action de l’ozone (Chirat and Lachenal 1994) : l’ozone est plus réactif avec la lignine qu’avec les hydrates de carbone dont la cellulose et les hémicelluloses (Pouyet et al. 2014). Le blanchiment des pâtes vierges par l’ozone résulte de la solubilisation de la lignine par la formation de groupements carboxyles et par destruction de certaines liaisons.

V.3.1.1. Action de l’ozone sur la chaîne aliphatique

L’ozone est très réactif avec les doubles liaisons de la chaîne latérale. La réaction se déroule en trois étapes : tout d’abord la réaction de cyclo-addition 1,3-dipolaire avec formation d’un ozonide primaire, ensuite le clivage de l’ozonide et formation d’un zwitérrion et d’un fragment carbonylé et finalement l’obtention de l’ozonide final par recombinaison des deux composés (Lambert 1999). L’ozonide final peut se décomposer et donne un fragment carbonylé (aldéhyde) et du peroxyde d’hydrogène. L’aldéhyde formé peut être attaqué par l’ozone pour former un acide carboxylique.

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V.3.1.2. Action sur le noyau aromatique

L’ozone agit préférentiellement sur les cycles aromatiques (Khudoshin et al. 2012). En effet, la réaction principale est l’ouverture des cycles aromatiques de la lignine par oxydation, ce qui augmente son hydrophillie et conduit à sa dissolution dans l’eau (Gierer 2009).

Figure I-24. Réaction de cyclo-addition 1,3 dipolaire de l'ozone sur les noyaux aromatiques (Chirat 1994)

L’action de l’ozone sur ces cycles suit deux mécanismes : la cyclo-addition 1,3 dipolaire (figure I-24) et la substitution électrophile. La substitution électrophile est l’action de l’ozone sur les sites à forte densité électronique comme les cycles aromatiques avec un substituant électrodonneur et elle se produit sur les atomes de carbone situés en position ortho ou para du substituant électrodonneur (Baig and Mouchet 2010). Au cours de cette réaction (figure I-25): soit l’atome hydrogène (en position ortho ou para du substituant électrodonneur) est substitué par un groupement hydroxyle (hydroxylation), soit un groupement méthyl est substitué par un groupement carbonyle qui est une cétone (déméthoxylation), (Chirat 1994).

Figure I-25. Réactions de substitution électrophile de l'ozone sur les noyaux aromatiques

Les réactions de l’ozone avec la lignine conduisent à la diminution de la teneur en cycles aromatiques et en fonctions méthoxyles dans la lignine et à l’augmentation du nombre de fonctions carbonyles et les carboxyles. Par ailleurs, l’ozonation d’un composé modélisant la lignine, le

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isopropylvératrol’, a montré que l’attaque de l’ozone se fait préférentiellement sur la double liaison située entre les carbones 3 et 4 du noyau aromatique (Kratzl et al. 1976).

V.3.1.3. Formation de radicaux

La réaction de l’ozone sur la lignine peut conduire à la formation de radicaux. Les radicaux peuvent être obtenus par réaction directe sur la lignine ou par décomposition du peroxyde d’hydrogène formés par réaction de l’ozone sur la chaîne aliphatique. Des auteurs décrivent la possibilité de formation de radicaux, via des études sur la réactivité de l’ozone avec des composés modèles de lignine (Lambert 1999). La formation de composés radicalaires par voie indirecte conduit à la réaction de l’ozone de manière non sélective et très rapide quel que soit le type de substrat dissous. A pH basique, la formation des radicaux est prédominante et la voie indirecte est favorisée. En outre, parfois à pH acide, en présence d’initiateurs en grand nombre, la voie indirecte peut être prépondérante (Gottschalk et al. 2010).

V.3.2. Réaction de l’ozone sur les hydrates de carbone

Les hydrates de carbone peuvent être dégradés par l’action de l’ozone. Cette dégradation est caractérisée par la chute du degré de polymérisation viscosimétrique du substrat cellulosique. L’ozonation de la cellulose et des hémicelluloses donne lieu à des acides comme produits et sous-produits de réaction, comme l’acide gluconique, l’acide glyoxylique et l’acide glycolique (Nompex et al. 1991).

L’ozone peut attaquer la cellulose par un mécanisme double selon Katai et Schuerch : (i) le premier mécanisme est une réaction par attaque électrophile directe de l’ozone sur le carbone C1, favorisant la dépolymérisation de la cellulose (Figure I-26) et (ii) le deuxième mécanisme proposé est un mécanisme radicalaire en chaîne d’auto-oxydation (Katai and Schuerch 1966).

Figure I-26. Dégradation de la chaîne de cellulose par attaque directe de l'ozone: rupture de la liaison glycosidique (Lemeune et al. 2004)

Olkken et al., ont montré que les méthyl glucosides, composés modèles de la cellulose, sont dégradés pendant l'ozonation sous la forme de monosaccharides, de lactones, et de composés acides, en plus des produits volatils (comme le dioxyde de carbone et le formaldéhyde). Ils ont supposé que la dégradation initiale est due : (i) à une réaction de l’ozone ionique sur le carbone,

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soit au niveau de la liaison anomérique C-H, soit au niveau de l'oxygène anomérique, entraînant le clivage des liaisons glycosidiques et (ii) à une attaque directe de l'ozone sur d'autres positions de l'unité hexose (monosaccharide) conduisant à la formation de groupements carbonyle ou carboxyle (Olkkonen et al. 2000). Selon Chirat, la création de groupements carbonyles peut être issue de l’attaque de l’ozone sur les fonctions alcools en C2 et C3. Ce type de réaction fragilise la cellulose surtout en milieu alcalin (Chirat 1994).

En présence de lignine, la réaction de l’ozone sur cette dernière forme des produits intermédiaires tels que des radicaux et du peroxyde d’hydrogène. Ces sous-produits peuvent accélérer la décomposition de l’ozone, comme ils peuvent attaquer la cellulose. Des réactions radicalaires non sélectives, causées par des espèces réactives formées par la décomposition de l'ozone et des intermédiaires, ne sont pas exclues des mécanismes possibles de l’action de l’ozone sur la cellulose ou ses dérivés (Olkkonen et al. 2000). En revanche, comme la réaction de l’ozone sur la lignine est plus rapide que la réaction de l’ozone sur la cellulose, la lignine peut capter les radicaux et protéger la cellulose. En effet, les hydrates de carbone sont dépolymérisés durant un traitement avec l’ozone mais contrairement à la lignine seulement quelques nouveaux groupements

carboxyles sont créés (Chirat and Lachenal 1994). D’ailleurs, Pouyet et al, ont démontré que

l’ozone appliqué pour le blanchiment des pâtes à papier ne forme pratiquement pas de groupes carbonyle sur la cellulose (sans lignine et sans acide hexuronique, HexA). Cependant, lorsque d’autres composés sont présents dans la pâte, tels que des HexA seuls ou des HexA et la lignine, des groupements carbonyles se forment à la fois sur les hémicelluloses et sur la cellulose. Il a été conclu que les nouveaux groupes carbonyles sur la cellulose sont formés par certains radicaux produits lors de la réaction des HexA et de la lignine avec l'ozone (Pouyet et al. 2014).

V.3.3. Formation de chromophores lors du blanchiment

Les agents de blanchiment comme l’ozone peuvent modifier les structures chimiques résiduelles pour engendrer de nouvelles colorations. Des chromophores fortement conjugués sont produits sous l’action de l’ozone sur les pâtes Kraft (Afsahi et al. 2019). La formation de nouveaux chromophores peut avoir plusieurs origines. La première source est l’oxydation de la matière organique. L’oxydation de la lignine ou de la cellulose conduit à la formation de groupes carboxylés, carbonylés et quinoniques. Ces groupes développent des colorations. La deuxième source de coloration est la présence des cations métalliques qui sont susceptibles d’être oxydés par l’ozone. Finalement, la troisième source possible est la formation de complexe entre des groupes oxydés ou non des composés organiques et des cations métalliques. Les chromophores issus de la formation de conjugaisons apparaitront en jaune car ils absorbent dans le bleu. Ainsi la lignine présente dans les pâtes mécaniques est très sensible à l’action de l’ozone et jaunit sous cette action.

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