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Chapitre III . Etude de la flottation réactive d’une matière première industrielle avec

III. Flottation réactive à l’ozone d’un mélange industriel à forte dose d’ozone

III.3. Résultats et discussion

III.3.2. Flottation réactive à l’ozone

III.3.2.5. Propriétés papetières des pâtes désencrées

Pour satisfaire les exigences papetières, les fibres doivent posséder des propriétés mécaniques en relation avec l’usage du papier. Pour analyser ces propriétés, des formettes (feuilles de papier de

60± 2 g/m2, anisotropes et formées au laboratoire) sont réalisées puis soumises à différents essais

mécaniques papetiers normalisés.

L’aptitude des fibres à former un enchevêtrement fibreux résistant est appelé potentiel de liaison des fibres, elle dépend de deux composantes : (i) la composante mécanique qui traduit l’aptitude des fibres à se déformer pour s’adapter les unes aux autres ce qui augmente les aires de contact fibre/fibre permettant l’établissement des liaisons inter fibres; elle dépend de l’état de délignification de la pâte et de son degré de raffinage ; et (ii) la composante chimique qui traduit l’aptitude de la pâte à établir des liaisons chimiques, ici de type liaison hydrogène, entre les fibres au point de contact fibre/fibre. Cette dernière composante est liée au nombre de groupements fonctionnels à la surface de la fibre capables d’établir des liaisons type hydrogène (Szadeczki 1997). La cellulose et les hémicelluloses, polymères constituants la fibre cellulosique, permettent l’établissement de ces liaisons car elles comportent un grand nombre de groupements hydroxyles (OH). Ces polymères s’associent entre eux par des liaisons hydrogène intra et intermoléculaires et forment des faisceaux de micro-fibrilles, elles-mêmes liées entre elles par des liaisons hydrogène sous forme de fibres (Jebrane, 2009).

L’ozone peut modifier l’aptitude papetière des fibres cellulosiques via des réactions d’oxydation sur la matière cellulosique, par exemple par formation de groupements carboxyles et par la

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dépolymérisation de la cellulose. Ces réactions peuvent impacter la résistance intrinsèque de la

fibre et le potentiel de liaisons hydrogène entre les fibres. Afin d’examiner l’effet de l’addition d’ozone dans la flottation sur l’aptitude papetière des fibres

désencrées, des propriétés de résistance de la pâte et des fibres ont été mesurées. Deux propriétés mécaniques ont été testées : des essais de traction (résistance à la traction, notée T) et des essais de traction à mors jointifs à l’état humide (résistance à la traction à mors jointifs notée Z). La résistance à la traction renseigne sur la résistance du réseau fibreux dans son ensemble alors que la traction à mors jointifs sur papier humide permet d’évaluer la résistance intrinsèque de la fibre seule puisque l’humidification de l’éprouvette détruit les liaisons hydrogène responsables de la résistance du réseau de fibres. Les résultats sont présentés dans le tableau III-12.

Tableau III-12. Propriétés physiques de la pâte désencrée après flottation conventionnelle à l’air et flottation réactive à l’ozone (160 g/ m3 TPN) - mélange ONP50/OMG50

T (Nm/g) Z, humide (Nm/g) Air O3/O2 39 ± 3 42 ± 3 49 ± 4 48 ± 4

Propriétés de la pâte, entrée flottation (Nm/g) : T = 31± 6 ; Z humide = 42 ± 3

D'après les résultats obtenus (tableau III-12) et en prenant en compte les écarts-type, quel que soit le gaz utilisé l’opération de flottation améliore l'indice de résistance à la traction (31 Nm/g avant flottation et 39 ou 42 après flottation classique ou flottation réactive, respectivement). Cet effet est principalement dû à l’extraction d’une partie des charges minérales de la suspension fibreuse lors de la flottation ; ainsi le réseau fibreux est plus résistant. En ce qui concerne la résistance de la fibre elle-même, Z humide, une très légère augmentation est aussi observée (42 Nm/g avant flottation et 49 ou 48 après flottation classique ou flottation réactive, respectivement).

Avec l’ajout d’ozone au sein de la flottation, on peut s’attendre à deux effets antagonistes : (1) une dépolymérisation de la cellulose, bien connue dans le domaine du blanchiment des fibres lignocellulosiques lorsque l’ozone est utilisé à haute dose (Perrin et al. 2014; Pouyet et al. 2013; Mishra et al. 2011) supérieure à 1% comme c’est le cas dans les essais présents ainsi qu’à (2) l’amélioration des caractéristiques mécaniques de la pâte désencrée car il a été démontré que l’ozonation de pâte mécanique, présente en grande quantité dans la matière utilisée dans cette étude, engendrait une augmentation du nombre de groupements carboxyles à l’origine de meilleures propriétés mécaniques (Szadeczki 1997). Pourtant, l’ajout d’ozone dans la flottation,

même à forte dose (2,97 % d’O3 en masse par rapport aux fibres) n’a pas affecté la résistance du

réseau fibreux ou de la fibre, aucune modification significative n’est observée : l’ozone, employé comme gaz réactif, ne semble pas dépolymériser ou dégrader la cellulose et n’oxyde pas suffisamment la fibre pour augmenter le pouvoir de liaisons inter-fibres.

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Ainsi, il semblerait que l’ozone, introduit dans l’opération de flottation, soit peu réactif sur les fibres de cellulose même lorsque la dose appliquée est importante. Il est probable que ce soient les contaminants solubles qui réagissent d’abord et principalement avec l’ozone, préservant les fibres de toute réaction. Ceci est en accord avec la baisse significative de la DCO des effluents de désencrage observée lorsque de l’ozone est introduit dans la colonne de flottation (64% comparée à la flottation à l’air).

Une dernière propriété papetière a été évaluée, l’égouttabilité de la suspension fibreuse. Cette caractéristique est importante car elle conditionne le bon fonctionnement de la machine à papier qui transforme la pâte en feuille. L’égouttabilité est mesurée via le degré Schopper. Cet indice correspond à la vitesse d’extraction de l’eau d’une suspension de fibres. Il mesure l’égouttabilité de la pâte qui est, dans le cas de fibres vierges, fonction de l’état de surface et du gonflement des fibres (ISO 5267-1 1999). Dans le cas de fibres recyclées, cet indice est également fonction de la présence de contaminants qui peuvent affecter la filtrabilité de la suspension fibreuse.

Cette mesure est complétée par la main, une propriété de contexture qui permet de juger de la compaction du matériau. Les résultats sont présentés dans le tableau III-13.

Tableau III-13. Propriétés de contexture et d'égouttabilité de la pâte après flottation conventionnelle à l’air et flottation réactive à l’ozone (160 g/ m3 TPN) - mélange ONP50/OMG50

°SR Main (cm3/g)

Air 75 1,8 ± 0,2

O3/O2 75 1,6 ± 0,1

°SR initiale de la pâte : 70

Les résultats (Tableau III-13) montrent une légère compaction du réseau fibreux dans le cas de la flottation réactive à l’ozone : la main (ou volume massique) du papier issu de la pâte désencrée diminue. Ceci peut être expliqué en partie par la différence des pH des suspensions fibreuses : sortie flottation à l’air le pH est plus basique (pH 8,4) que sortie flottation à l’ozone (pH 6,8). Les fibres sont davantage gonflées en milieu alcalin. En revanche, aucun effet sur l’égouttabilité de la suspension fibreuse n’a pu être observé : avant flottation, le degré Schopper est logiquement élevé car la matière première contient une large proportion de fibres de pâte mécaniques résistantes à l’égouttage ; après flottation, cet indice est toujours élevé, environ 75 car la flottation, avec ou sans ozone, n’a pas d’action sur la fraction fibreuse.

Ainsi, l’analyse de la phase liquide et de la phase solide du milieu réactionnel montre que l’ozone réagirait préférentiellement avec les espèces dissoutes et que les fibres ne feraient pas l’objet de réaction. La réactivité de l’ozone au cours de la flottation est étudiée plus en détail dans le paragraphe qui suit.

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