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Chapitre I . Synthèse bibliographique : Le recyclage des fibres cellulosiques

II. Le recyclage des matériaux cellulosiques

II.6. Les opérations unitaires du recyclage des papiers d’impression

D’une manière générale, la composition des papiers récupérés est variable ce qui peut influencer la qualité de la pâte désencrée. Ainsi les lignes de désencrage sont conçues afin de minimiser la variation de la matière première. Une ligne de désencrage moderne comprend principalement une étape de remise en suspension, suivie d’une épuration par classage et hydro-cyclonage de la pâte, ainsi que d’une étape de désencrage par lavage ou flottation et d’un stade de blanchiment en tour ou pendant une dispersion à chaud. Les principales opérations unitaires qui composent une ligne de recyclage sont décrites dans les paragraphes qui suivent.

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II.6.1. La remise en suspension

C’est la désintégration dans l’eau de la matière récupérée afin d’individualiser les fibres et les mettre en suspension. Cette opération est réalisée dans un pulpeur, équipé d’un rotor hélicoïdal pour une désintégration à moyenne et haute concentration (10-15%), ce qui permet de désagréger les papiers récupérés sans fragmentation des contaminants. Cette opération permet aussi le détachement de l’encre des fibres. La température du milieu réactionnel est de 45 à 75 °C. Elle influence le défibrage et le détachement de l’encre. Des produits chimiques, pour le désencrage qui sera réalisé ultérieurement sont ajoutés lors de cette opération de remise en suspension pour favoriser le détachement de l’encre et améliorer les propriétés optiques de la pâte. Ces produits chimiques sont l’hydroxyde de sodium (gonflement des fibres cellulosiques), le peroxyde d’hydrogène (agent de blanchiment), les tensioactifs (favorisent la dispersion des particules d’encre dans le pulpeur et leur collecte lors de la flottation) et le silicate de sodium (tampon alcalin et agent stabilisant le peroxyde d’hydrogène).

II.6.2. L’épuration

Il existe deux opérations d’épuration. Elles permettent d’éliminer les éléments non fibreux (contaminants solides) de la suspension qui pourraient affecter la qualité du papier produit ou perturber la bonne marche de la machine à papier. L’élimination des contaminants s’effectue tout au long de la ligne de désencrage. La présence de contaminants influe sur la qualité des fibres et la chimie du procédé. L’opération de classage, réalisée à une concentration fibreuse de l’ordre de 3 à 6%, utilise des tamis à fentes ou à trous de taille calibrée qui retiennent les contaminants les plus gros et laissent passer les fibres. Les classeurs éliminent donc les contaminants selon leur taille. Ainsi on peut éliminer des morceaux d’adhésifs, des éléments non défibrés, etc.

L’épuration centrifuge, quant à elle, utilise la différence de densité des contaminants par rapport à la densité de la suspension fibreuse : la suspension à épurer est diluée à environ 3 à 6% de concentration fibreuse et est séparée, dans des hydrocyclones, en deux flux, un flux de matière « légère » et un flux de matière « lourde ». En fonction des contaminants à éliminer, on emploie des hydrocyclones HW (heavy weight) or LW (low weight) qui retirent respectivement des contaminants plus lourds ou plus légers que la suspension fibreuse. Ainsi on peut éliminer des morceaux de polystyrène légers de la suspension. La figure I-13 représente un aperçu de la taille des particules présentes dans la suspension fibreuse tout au long du procédé de recyclage. Les opérations de classage (sreening en anglais) et d’hydrocyclonage (cleaning) éliminent des contaminants de taille supérieure à 50 µm (Figure I-13).

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Figure I-13. Taille des différentes substances trouvées dans les suspensions fibreuses (Lassus 2000)

II.6.3. Le désencrage

Le désencrage, comme son nom l’indique, permet de retirer l’encre déposée en surface des papiers. Pour qu’il soit efficace, il est nécessaire dans un premier temps de décrocher les particules d'encre. Ce décrochage est réalisé lors de l’opération de remise en suspension. Les conditions opératoires mises en œuvre vont fortement influencer le décrochage de l’encre. Ainsi, on peut agir sur différents paramètres :

- la quantité et la nature des produits chimiques ajoutés

- le pH

- la température

- le temps de contact

Le désencrage peut être réalisé par flottation ou lavage. Le lavage est un procédé de filtration qui consiste à laver à l’eau la suspension fibreuse sur une toile de maille de très petite taille

permettant d’éliminer par entrainement dans l’eau les particules inférieures à 30 µm, tout en

retenant les fibres et laissant passer les particules d’encre décrochées dans le filtrat de lavage. C’est une opération fortement consommatrice d’eau et qui conduit à la perte de charges minérales initialement présentes dans le papier récupéré et que l’on souhaite garder éventuellement dans la suspension fibreuse.

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La flottation est une opération physico-chimique, réalisée à environ 1% de concentration fibreuse, qui élimine de la suspension fibreuse des particules hydrophobes, notamment les particules d’encre qui sont pour la plupart hydrophobes. Le principe est simple : les particules hydrophobes sont collectées par des bulles d’air injectées à la base de la cellule de flottation et remontent à la surface ; la mousse grisâtre alors formée contient l’encre entrainée ainsi que d’autres éléments ; elle est retirée mécaniquement de la suspension fibreuse ainsi désencrée ; cette mousse constitue le rejet de la flottation. Cette opération utilise des produits chimiques, qui pour certains, sont déjà présents dès l’étape de remise en suspension. Cependant lors de l’étape de flottation, on peut rajouter d’autres produits chimiques comme un tensio-actif ou un collecteur qui permet de stabiliser les particules d'encre décrochées en solution ainsi que les bulles d’air, et empêche que l’encre ne se redépose à la surface des fibres. Les mécanismes de la flottation seront détaillés dans le paragraphe IV.

II.6.4. La dispersion à chaud

La dispersion à chaud est une opération réalisée à haute concentration, en général supérieure à 20% de matière sèche. Elle a plusieurs objectifs. Le premier est de fragmenter les contaminants, les points noirs et les stickies principalement, qui n’auraient pas été éliminés dans les opérations d’épuration amont. Cette fragmentation permet de retirer plus facilement les contaminants dans les opérations d’épuration ou de flottation placées en aval. La dispersion à chaud contribue aussi au détachement des particules d’encres encore accrochés aux fibres, même après la remise en suspension des papiers au niveau du pulpeur. Dans ce cas, une deuxième opération de flottation, placée après la dispersion à chaud, permettra d’éliminer ces contaminants. A noter que la dispersion à chaud ne sépare pas des flux de matière mais traite la suspension fibreuse, sans perte, afin de modifier les contaminants qui restent dans la pâte. Des opérations d’épuration ultérieures viennent donc compléter l’action de la dispersion. Cette opération n’est pas systématiquement présente dans les lignes de désencrage, elle n’est mise en œuvre que si la qualité de la matière première utilisée et le produit final visé le nécessitent.

II.6.5. Le blanchiment

Dans le cas du recyclage de papiers récupérés en papiers blancs (impression écriture, papier

sanitaire et domestique, …), un blanchiment est souvent réalisé en complément du désencrage. Le blanchiment agit sur la lignine colorée présente dans les fibres récupérées et sur les colorants

introduits dans la masse (à ne pas confondre avec l’encre déposée en surface) qui donnent leur couleur à certains papiers comme par exemple les pages roses de certains journaux. Les colorants contiennent un pigment soluble dans l’eau ; leur caractère hydrophile empêche donc leur

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élimination par flottation, le lavage en revanche peut être une solution pour retirer les colorants. La dégradation de la couleur des papiers récupérés s’effectue toutefois plutôt par blanchiment, en un ou deux stades selon la blancheur finale visée. Le blanchiment permet de gagner les derniers points de blancheur. Le choix des agents de blanchiment dépend de la nature de la pâte désencrée

à blanchir. On peut distinguer deux types de pâtes désencrées : les pâtes sans bois (wood free), contenant

moins de 15% de pâte mécanique, et les pâtes avec bois (wood containing) qui en contiennent au moins 20 à 30%. La fraction en pâte mécanique est très importante car elle influence fortement la blancheur du mélange final (Lachenal 2007).

Le tableau I-9 présente les principaux stades et réactifs de blanchiment utilisés pour blanchir les pâtes désencrées.

Tableau I-9. Les réactifs chimiques du blanchiment avec le stade correspondant et la formule chimique

Stade Formule Réactifs chimiques

Z O3 Ozone

O O2 Oxygène

P H2O2 Peroxyde d’hydrogène

D ClO2 Dioxyde de chlore

H NaOCl Hypochlorite de sodium

Y Na2S2O4 Hydrosulfite de sodium (dithionite)

FAS 𝑁𝐻2𝐶(= 𝑁𝐻)𝑆𝑂2𝐻 Acide sulfinique formamidine

Parmi les réactifs listés dans le tableau I-9, les réactifs les plus utilisés sont le peroxyde d’hydrogène (stade P) agent oxydant efficace pour éclaircir la lignine et l’hydrosulphite de sodium (stade Y) et l’acide sulfinique formamidine (stade FAS), deux réducteurs qui ont à la fois une action sur les colorants et la lignine. Ces agents sont efficaces pour blanchir les pâtes désencrées avec bois. Très souvent les lignes de désencrage comprennent deux stades de blanchiment complémentaires, P et FAS ou P et Y.

Les autres réactifs cités sont des oxydants utilisés pour blanchir les pâtes chimiques ou les pâtes désencrées sans bois. Ils sont peu utilisés dans les lignes de désencrage car les collectes de papiers d’impression comprennent souvent de la pâte mécanique (pâtes avec bois). Parmi ces agents de

blanchiment l’ozone est le plus oxydant. Il est généralement employé en conditions acides (pH

environ 2,5) et à température ambiante. Son efficacité est due à une forte affinité avec les composés insaturés, comme la lignine et les colorants mais son action se porte aussi sur la cellulose qui est partiellement dépolymérisée pendant le blanchiment. L’utilisation de l’ozone et ses mécanismes d’action sur la matière lignocellulosique seront développées dans le paragraphe V.

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