• Aucun résultat trouvé

Le rééquilibrage et le krach de 1987

Dans le document gestion de portefeuilles (Page 99-102)

Bien que relativement peu d’investisseurs admettent appliquer volontairement des stratégies de market timing, la plupart des portefeuilles souffrent de dérives lorsque les forces qui dirigent les marchés font dévier les allocations par rapport aux niveaux ciblés. Les circonstances entourant le krach de 1987 illustrent les coûts significatifs subis par ceux qui n’ont pas rééquilibré leur portefeuille avec discipline lors de mouvements de marché spectaculaires.

Pendant la période entourant l’effondrement du marché actions en 1987, les portefeuilles de fonds de réserve ont tout d’abord démontré des comportements disciplinés de rééquilibrage durant la hausse qui précéda le krach, puis montrèrent des signes de market timing pervers lors du carnage qu’a constitué le krach. En juin 1987, le fonds de réserve moyen était investi à hauteur d’un peu plus de 55 % de son capital dans les actions américaines et engagé à hauteur de presque 37 % sur les obligations et les liquidités1. Les allocations, au milieu de l’année 1987, ont marqué la fin d’une période de stabilité extraordinaire des portefeuilles, car entre 1985 et 1987 les allocations sur les actions variaient de 55 à 55,4 %, et les allocations sur les actifs à rendement fixe variaient de 36,7 à 36,9 %. Il apparaît que, durant les deux années qui précédèrent juin 1987, les gestionnaires de fonds de réserve prati-quaient le rééquilibrage de leurs portefeuilles, neutralisant les déséquilibres dus aux mouvements de prix des marchés. Comme les actions ont surperformé les obliga-tions de 70 % durant les deux années concernées, ce n’est qu’en réajustant leurs portefeuilles que les investisseurs ont pu afficher pendant trois années fiscales consé-cutives des rapports indiquant des allocations presque constantes pour les actions et les obligations du marché domestique.

Après le krach d’octobre 1987, la stabilité des portefeuilles s’évanouit à mesure que les forces intervenant sur les marchés réduisaient mécaniquement les allocations des actions et augmentaient de la même manière les allocations des obligations. En réagissant à l’effondrement du prix des actions par la peur, le gestionnaire de fonds de réserve moyen a exacerbé le déséquilibre provoqué par le marché en vendant les actions. En participant à la hausse des obligations de qualité avec avidité, le gestion-naire de fonds de réserve moyen a stimulé leur hausse naturelle en en achetant de plus en plus. De juin 1987 à juin 1988, l’allocation des actions a décliné de 55,3 à 49,1 %, plus que ne l’explique la baisse des actions durant l’année. En face de ce déclin des actions, la proportion des actifs à rendement fixe augmenta de 36,7 à 41,9 %, plus que ne l’explique leur hausse. Rétrospectivement, les institutions d’ensei-gnement ont acheté au plus haut et vendu au plus bas, suivant une recette impropre à assurer la réussite de tout investissement.

En réallouant plus de 5 % des capitaux des actions domestiques vers les obliga-tions et les liquidités à la suite du krach de 1987, les gestionnaires de fonds de réserve ont subi un manque à gagner significatif car le marché a rebondi assez rapi-dement. Même lorsque les prix sont redevenus normaux, la peur envers le marché actions américain a persisté, car les allocations de fonds de réserve sur les obligations 1. Les chiffres concernant l’allocation des actifs dans les fonds de réserve viennent de Cambridge Associates, une société de conseil spécialisée dans les organisations non com-merciales.

La philosophie d’investissement 99

et les liquidités demeurèrent supérieures au niveau précédent le krach jusqu’en 1993.

Les portefeuilles des colleges et des universités ont subi un sévère manque à gagner en conservant un profil peu risqué pendant des années après le krach du marché actions.

Une interprétation indulgente de la vente d’actions qui a suivi le krach implique la possibilité que les institutions ont laissé par complaisance les allocations actions dériver bien au-dessus des niveaux souhaités durant le marché haussier des années 80.

Peut-être que le krach de 1987 a souligné le degré auquel les actions avaient dominé les portefeuilles institutionnels, obligeant les gestionnaires à s’alléger en actions pour rejoindre le profil de risque souhaité. S’il en est ainsi, les réductions d’allocations actions qui suivirent le krach représentent une réaction tardive, coûteuse et mala-droite à un risque excessif pour les portefeuilles.

Une autre justification fondamentale pour réduire la proportion d’actions vient de la probabilité que le krach de 1987 a poussé les investisseurs à conclure que les caractéristiques de risque des actions différaient des a priori autrefois en vigueur.

Il est possible que les évaluations passées de la variabilité du marché actions aient sous-estimé le risque réel, et que les rendements des actions démontrent des mouve-ments extrêmes plus fréquents que les participants aux marchés ne le croyaient précédemment. Il est certain que l’effondrement sans précédent du marché a obligé les investisseurs à réévaluer les caractéristiques générales du rendement des actions, ce qui a peut-être contribué à des modifications de portefeuilles allant des actions vers des instruments financiers moins risqués.

Malheureusement pour ceux qui cherchent une explication rationnelle au com-portement des institutionnels, l’augmentation des allocations actions pendant les années 90 plaide contre l’interprétation des ventes de novembre et décembre 1987 comme étant des ajustements rationnels de portefeuille. Les investisseurs motivés par l’avidité détenaient de fortes allocations d’actions sur le chemin du krach, simple-ment pour les réduire significativesimple-ment ensuite. À mesure que la confiance revenait, les allocations d’actions recommencèrent à monter, inversant les décisions d’allo-cations prises quelque temps auparavant. Les institutions d’enseignement, tour à tour avides et craintives, ont nui à leurs portefeuilles par leur réaction perverse au krach d’octobre 1987.

Avec l’avantage du recul, les achats d’actions après le krach s’avérèrent très judicieux, enrichissant ceux qui ont eu le courage d’aller dans le sens inverse de la foule. En fait, l’argent apparemment facile engrangé en achetant les actions ordinaires à la fin de 1987 a encouragé les investisseurs à suivre avec un enthousiasme accru la règle qui consiste à acheter dans les creux de marché.

Tout au long du marché haussier des années 90, le public a perçu chaque petite baisse du cours des actions comme une opportunité d’en acheter « au rabais ». Les investisseurs ont-ils appris une importante leçon de rééquilibrage du krach du marché actions de 1987, ou bien est-ce que le rebond relativement rapide des cours leur a indiqué une mauvaise direction ?

Tirer des conclusions du krach de 1987 sur les profits faciles venus de l’achat dans les creux de marché paraît peu fondé tant les circonstances entourant le krach d’octobre constituent un cas unique. La baisse de 23 % du S&P 500 en une seule journée correspond à un événement de déviation standard de facteur 25, un fait si rare pour une variable normalement distribuée qu’il dépasse l’imagination1. Fonder leur comportement futur sur le krach de 1987 et le rebond qui l’a suivi expose les investisseurs au danger que des baisses moins spectaculaires contiennent beaucoup moins d’informations concernant le comportement des cours à venir. Bien que la profitabilité à court terme de l’achat d’actions après un krach soit un aspect positif de l’activité de rééquilibrage, les investisseurs sont confrontés à la possibilité de confondre la fonction de rééquilibrage si importante pour le contrôle du risque avec l’activité incertaine et cupide qui consiste à « acheter dans les creux ».

Dans le document gestion de portefeuilles (Page 99-102)