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La preuve historique

Dans le document gestion de portefeuilles (Page 87-92)

Les données montrent qu’un dollar investi en bons du Trésor à la fin de 1925, revenus réinvestis, aurait été multiplié par dix-huit au 31 décembre 2005. À première vue, le fait d’avoir multiplié par 18 l’investissement original paraît satisfaisant.

Toutefois, étant donné que 60 % de cette croissance auraient été perdus à cause de l’inflation, le résultat perd de son lustre. Le faible rendement des bons du Trésor n’est pas une surprise. Sur au moins deux points, les bons du Trésor se sont révélés presque dénuées de risque. Les investisseurs ne prennent pratiquement aucun risque d’insolvabilité, le gouvernement américain représentant peut-être l’entité la plus solvable du monde. De plus, les bons du Trésor ont fourni une couverture contre l’inflation, grâce à des rendements qui suivent de près l’augmentation des prix. Le prix à payer pour ces caractéristiques attractives a été un rendement extrêmement faible. Ainsi, avec le recul, on s’aperçoit que les bons du Trésor n’auraient pas été

Catégorie d’actifs Multiple

Inflation Notes du Trésor Obligations du trésor Obligations privées

Actions de grandes capitalisations Actions de petites capitalisations

11 fois 18 fois 71 fois 100 fois 2 658 fois 13 706 fois Source : Ibbotson Associates, Stocks, Bonds, Bills and Inflation, 2006 Year Book.

Tableau 4.1 Les actions génèrent des rendements supérieurs sur le long terme.

Multiples d’enrichissement des actifs américains et de l’inflation (décembre 1925 – décembre 2005).

un investissement approprié pour une institution qui recherche des rendements net-tement supérieurs à l’inflation.

En remontant un peu plus haut sur l’échelle du risque, le même dollar investi en obligations à long terme du Trésor à la fin de 1925 aurait été multiplié par 71 à la fin de 2005. Les obligations du Trésor partagent avec les bons du Trésor un très haut niveau de solvabilité. Mais contrairement à des instruments à plus court terme, les obligations démontrent un rendement réel très incertain. Les obligations à vingt ans, qui sont utilisées dans l’analyse d’Ibbotson-Sinquefield, traversent deux décennies de taux d’inflation inconnus et imprévisibles au moment de l’achat. Non seulement les rendements réels varient énormément, mais les rendements nominaux fluctuent également sur des périodes de détention plus courtes que l’échéance à maturité. Ce risque plus élevé des obligations à long terme a été récompensé par des rendements plus conséquents mais qui ne parviendraient cependant pas à fournir un soutien significatif à une institution qui ne dépense que les retours sur investis-sement supérieurs à l’inflation.

Les obligations du secteur privé sont une alternative à l’investissement dans des titres de créance de l’État. Sur la période de quatre-vingt ans considérée, les tions privées ont fourni un multiple de 100, dépassant le multiple de 71 des obliga-tions d’État dépourvues de risque. Ce rendement supérieur correspond à la rémuné-ration pour le risque de crédit et le risque d’appel liés aux obligations privées1. Par nature, les obligations privées qui ont des notes de crédit élevées sont des instruments financiers hybrides, combinant des caractéristiques obligataires avec le risque des actions et une part d’optionalité.

Le multiple de 18 attaché à l’investissement en bons du Trésor, celui de 71 pour des obligations du Trésor et le multiple de 100 pour des obligations privées repré-sentent les rémunérations de prêts à long terme. Ces prêts sont des actifs à risque relativement faible. Dans le cas des obligations du Trésor, la bonne foi et la solvabilité du gouvernement américain sont engagées dans le paiement des intérêts et le rem-boursement final en bonne et due forme. Dans le cas des obligations privées, elles comprennent un droit de préemption sérieux sur les biens de l’entreprise qui les émet.

C’est-à-dire que les remboursements obligataires ont la priorité sur les dividendes versés aux propriétaires de l’entreprise que sont les actionnaires.

1. Le risque d’appel est la possibilité qu’un émetteur rembourse les obligations par antici-pation à un prix fixe avant leur maturité. Les détenteurs d’obligations sont en général péna-lisés lorsque les émetteurs remboursent les obligations, car ces remboursements ont lieu dans un contexte de baisse des taux d’intérêt.

La philosophie d’investissement 87

De toute évidence, en tant que créanciers non prioritaires, les détenteurs d’actions courent un risque plus grand que les détenteurs d’obligations. Dans les cas extrêmes, lorsque les entreprises échouent à respecter leurs obligations, les actionnaires peuvent tout perdre. À cause de ce risque, les actions américaines ont très largement surper-formé les obligations sur de longues périodes.

Un dollar investi sur le marché actions ordinaire à la fin de 1925 aurait été multi-plié par 2 658 au bout de quatre-vingt ans. Il existe donc une différence énorme entre le rendement espéré d’un investissement conservateur en instruments monétaires (18 fois) ou en obligations d’État (71 fois) et celui d’un investissement plus risqué en actions (2 658 fois).

Les avantages à long terme de la détention d’actions augmentent à mesure que l’on monte sur l’échelle du risque. Lorsque les investisseurs assument le risque représenté par un investissement dans les petites capitalisations, le même dollar de 1925 est multiplié par 13 706 pendant la période, ce qui constitue un montant stupé-fiant par rapport aux autres catégories d’actifs. Bien que certaines controverses entourent la méthodologie des mesures de rendements effectuées par Ibbotson-Sinquefield pour les petites capitalisations, leur travail donne une idée des rende-ments à long terme provenant de l’acceptation d’un risque plus élevé.

Quoique les données sur quatre-vingt ans d’Ibbotson-Sinquefield montrent des résultats convaincants, des périodes plus longues fournissent des conclusions encore plus spectaculaires. Jeremy Siegel, professeur à Wharton, examine dans son livre Stocks for the Long Run les retours sur investissement de 1802 à 2001. En utilisant les données récentes d’Ibbotson-Sinquefield pour compléter les statistiques de Siegel afin d’obtenir l’analyse d’une période de plus de deux siècles, un dollar investi sur le marché actions équivaut à la somme de 10,3 millions de dollars à la fin de la période. Sur la même durée, les rendements monétaires ont généré un multiple de seulement 4 800. Le pouvoir de rentabilité des investissements en actions sur de longues périodes domine les multiples obtenus par les investissements en Notes et en obligations, comme le montre le tableau 4.2.

Accessoirement, les fans de l’or seront déçus d’apprendre que la valeur de leur métal précieux n’a été multipliée que par 27, loin derrière les rendements à faible risque des obligations d’État et ne dépassant l’inflation que de 16 modestes points.

Ces découvertes suggèrent que les investisseurs à long terme tirent le maximum de leur capital en investissant dans des actifs à risque fort et rendement élevé plutôt que dans les instruments de créance des gouvernements et des entreprises. Mais comme toutes les généralisations, cette conclusion apparemment évidente exige un examen plus attentif.

Les études des marchés qui ne se focalisent que sur les rendements des titres américains passent à côté d’informations importantes. Un travail universitaire récent de Will Goetzmann et Philippe Jorion sur l’histoire de l’investissement dans d’autres pays réduit la confiance dans la supériorité à long terme de l’investissement en actions1. En effet, une déformation apparaît lorsque les données excluent des marchés (ou des fonds de placement ou des titres individuels) qui ont disparu. Comme les véhicules d’investissement à risque élevé et haut rendement ont tendance à faillir beaucoup plus souvent que leurs homologues à risque et rendement faibles, l’échan-tillon des survivants surestime les rendements réels et sous-estime le risque réel.

Au début du XXe siècle, des marchés actions actifs existaient en Russie, en France, en Allemagne et en Argentine. Tous ont connu des interruptions pour de multiples raisons telles que les troubles politiques, la guerre et l’hyper-inflation. De toute évidence, ces marchés ont apporté une contribution inexistante aux études sur les marchés financiers. Même les marchés qui ont connu une continuité sans faille, comme ceux des États-Unis et de la Grande-Bretagne, ont été fermés durant plusieurs mois pendant la Première Guerre mondiale2. Des études sur les rendements à long terme aux États-Unis ignorent le fait que les investisseurs sur des marchés étrangers ont obtenu des résultats moins favorables, avec parfois des rendements spectaculai-rement inférieurs.

Catégorie d’actifs Multiple

Inflation Notes du trésor Obligations du Trésor

Actions des grosses capitalisations

16 fois 4,8 mille fois 19,5 mille fois 10,3 million fois Source : Ibbotson Associates, Stocks, Bonds, Bills and Inflation, 2006 Year Book ; Jeremy Siegel, Stocks for the Long Run, New York 2002, Bloomberg. ]

Tableau 4.2 Les actions produisent des résultats stupéfiants sur le long terme.

Multiples d’enrichissement des catégories d’actifs américains et de l’inflation (décembre 1802 – décembre 2005).

1. William N. Goetzmann and Philippe Jorion, “Global Stock Markets in the Twentieth Century”, Journal of Finance, 54, no. 3, 1999.

2. Stephen J. Brown, William N. Goetzmann, and Stephen A. Ross, “Survival”, Journal of Finance 50, no. 3 (1995): 855.

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Outre le fait que l’enthousiasme pour les actions peut être fondé sur une pré-férence subjective, la déformation décrite plus haut1 exagère la perception des rendements historiques. Une étude suggère que le retour annuel réel de 5 % sur investissement en actions américaines est exceptionnel, d’autres marchés obtenant habituellement un rendement inférieur de 3 %. Si l’on accepte cette conclusion concernant les rendements espérés des actions sur le long terme, ce type d’investis-sement devient considérablement moins attractif.

Au final, l’argument qui défend le penchant pour les actions dans le cas d’un investissement à long terme ne repose pas tant sur l’expérience statistique. La théorie financière enseigne avec bon sens que l’acceptation d’un risque plus élevé s’accom-pagne d’une espérance de gains plus conséquents. Bien que les rendements du marché américain des actions puissent ne pas être aussi élevés qu’ils l’ont été dans le passé, les investisseurs à long terme tireront profit d’une préférence pour les actions.

La diversification

Si les études sur les rendements des marchés actions indiquent que des niveaux élevés d’exposition profitent aux investisseurs à long terme, les risques associés apparaissent moins clairement. Une concentration significative sur une seule caté-gorie d’actifs met en grand péril les capitaux d’un portefeuille. Heureusement, la diversification fournit aux investisseurs un outil puissant de gestion du risque. En combinant des actifs dont les réactions aux forces qui dirigent les marchés sont différentes, les investisseurs créent des portefeuilles plus efficients. Pour un niveau de risque donné, des portefeuilles correctement diversifiés produisent des rendements plus élevés que des portefeuilles moins bien diversifiés. À l’inverse, par une diver-sification appropriée, un certain niveau de rendement peut être atteint avec un risque moins élevé. Harry Markowitz, pionnier de la théorie moderne de portefeuille, affirme que la diversification du portefeuille apporte un bonus aux investisseurs, car le risque peut être réduit sans sacrifier le rendement espéré.

1. Le biais dû aux survivants apparaît lorsque les données excluent certains marchés (ou certains fonds d’investissement ou certains titres) qui, de ce fait, disparaissent. Comme les marchés (ou les fonds d’investissement ou les titres) au rendement plus faible et au risque plus important ont tendance à échouer plus fréquemment que leurs pairs au rendement plus élevé et au risque plus faible, l’échantillon de survivants reflète un environnement qui surestime le rendement réellement atteint et sous-estime le risque réellement encouru.

Dans le document gestion de portefeuilles (Page 87-92)