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Le comportement du chasseur de performance

Dans le document gestion de portefeuilles (Page 129-135)

Bien loin de démontrer le courage exigé pour prendre des positions contrariennes, la plupart des investisseurs suivent la foule sur le chemin de la médiocrité confor-table. Les flux d’argent entrant et sortant des fonds de placement activement gérés en donne un excellent exemple. Idéalement, des investisseurs sérieux apporteraient des fonds aux gestionnaires après une période de sous-performance normale et avant une période de surperformance attendue. Dans les faits, les investisseurs font exactement le contraire.

La preuve accablante apportée par Russel Kinnel, directeur de la recherche sur les fonds chez Morningstar, montre la prise de décision systématiquement erronée

des investisseurs en fonds communs de placement. L’étude de Morningstar, résumée dans le tableau 4.10, compare les performances de l’industrie des fonds telles qu’elles apparaissent sur les offres et dans les publicités (performances pondérées en valeur-temps, c’est-à-dire telles qu’elles ont été obtenues durant une période précise) avec celles des investisseurs qui placent leur argent dans ces fonds (performances pon-dérées en dollars, c’est-à-dire en tenant compte des souscriptions et des retraits).

L’analyse envisageait dix années de résultats, couvrait tous les fonds actions améri-cains et les divisait en dix-sept catégories. Dans chaque cas, les performances réelles n’atteignaient pas celles qui étaient affichées. En d’autres termes, les investisseurs mettaient leur argent dans les fonds après qu’ils aient surperformé (donc avant qu’ils ne sous-performent), et reprenaient leur argent après les mauvaises performances (donc avant les bonnes). Note : L’écart entre les chiffres arrondis peut ne pas correspondre à leur différence.

Source : Morningstar Fund Investor, juillet 2005, tome 13, numéro 11.

Tableau 4.10 Les investisseurs courent après la performance des fonds communs.

Performances sur dix ans au 30 avril 2005.

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Kinnel observe que la volatilité aggrave le problème. Les fonds de valeurs tech-nologiques montrent un écart stupéfiant de 13,4 % par an entre les performances des fonds et celles des souscripteurs. Les fonds sectorisés spécialisés dans les communi-cations, la santé et toutes les valeurs de croissance sont également en tête de liste des véhicules d’investissement enclins à l’échec.

Bien que tous les groupes démontrent des décisions médiocres de la part des investisseurs, les fonds les moins volatiles produisent des résultats moins épouvan-tables. Le groupe « allocation prudente » affiche les meilleurs résultats, c’est-à-dire un écart de 0,3 %, ce qui reste décevant. D’autres produits peu volatiles sur lesquels les investisseurs se comportent relativement bien sont les grosses valeurs de rende-ment, les valeurs moyennes diverses et l’allocation modérée.

L’étude de Morningstar montre que les particuliers qui investissent affichent avec une régularité impressionnante un comportement de chasseurs de performance dommageable aux résultats. L’addition des effets d’allers-retours mal avisés aux coûts de la gestion active, laisse peu de place à la réussite du particulier qui investit.

Malheureusement, il n’existe aucune donnée comparable sur les souscriptions et les retraits des fonds institutionnels par rapport à la gestion active. Ceci dit, les éléments disponibles indiquent que les institutions souffrent du même problème de chasse à la performance que les particuliers. Observez le cas de Grantham, Mayo

& Van Otterlo (GMO), une société de gestion de fonds extraordinaire basée à Boston.

Malgré un des historiques les plus 1performants à long terme au sein de l’industrie de la gestion de fonds, les clients l’ont désertée en masse lorsqu’elle a traversé une mauvaise passe.

Le style rationnel, systématiquement orientée sur la valeur de GMO n’a pas réussi à tenir le rythme du marché obsédé par les valeurs de croissance de la fin des années 90. Les investisseurs ont paniqué. Entre 1998 et 1999, la surface financière de GMO s’est rétrécie de 30 à 20 milliards de dollars, alors même que le marché actions s’envolait. Les investisseurs qui l’ont lâchée ont perdu sur trois plans : d’une part, en vendant dans un creux, ensuite en allouant leurs fonds à des gestion-naires positionnés sur les valeurs de croissance, donc destinés à subir fortement la crise qui a suivi, et enfin en se privant de participer à la remontée de GMO. Comme pour confirmer les accusations visant la gestion active, les investisseurs qui avaient été assez intelligents pour choisir GMO ont fait preuve de stupidité en abandonnant l’approche rigoureuse de cette société au moment où elle aurait été la plus intéres-sante à suivre.

1. Douglas Appell, “GMO’s Grantham not worried about the bulls”, Pensions & Investments, 5 March 2007.

Voyez l’histoire spécifique de la stratégie internationale orientée sur la valeur intrinsèque appliquée par GMO. Depuis le lancement du fonds en 1987 jusqu’à fin 2006, le fonds a rapporté 11,1 % par an, générant un rendement supérieur de 7,0 % à celui des fonds comparables. Les investisseurs à long terme de GMO s’en sont donc très bien tirés.

Cependant, dans l’ensemble, le comportement des investisseurs a réussi à trans-former cette réussite en échec. Les performances extraordinaires du début des années 90 ont attiré l’intérêt des investisseurs, comme le montre le tableau 4.11. La performance supérieure au benchmark de 8,7 % de 1990 à 1993 a propulsé l’apport de fonds de 378 millions de dollars à 2,6 milliards ! Aussi longtemps que la perfor-mance sur trois ans glissants a dépassé celle du marché, les flux de souscriptions ont

Année Performance Benchmark Écart

Note : Ces données n’incluent pas les comptes sur lesquels GMO pouvait appliquer à discré-tion des stratégies multiples.

Tableau 4.11 Les investisseurs institutionnels de GMO achètent au plus haut et vendent au plus bas.

La stratégie internationale orientée sur la valeur intrinsèque.

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continué, augmentant les capitaux sous gestion jusqu’à un sommet de 2,8 milliards de dollars fin 1996. Les institutions, qu’on suppose raisonnables, se sont en fait livrées à une chasse à la performance de GMO.

En 1997, après que la performance sur trois ans glissants soit devenue négative, l’exode a commencé. Les retraits des clients ont fait passer les capitaux du fonds de 2,8 milliards de dollars en 1996 à 578 millions en 2002. La performance relative médiocre de GMO de 1994 à 1999 a provoqué l’abandon d’une stratégie active sensée par les clients volages.

Bien sûr, les clients ayant retiré leurs fonds n’ont pas pu bénéficier de la remontée spectaculaire de GMO. La raison étant revenue sur les marchés après l’effondrement de la bulle internet au début de l’an 2000, GMO a affiché une performance supé-rieure à son benchmark de 9,5 % par an durant les cinq années qui ont suivi. Le fait d’acheter au plus haut et de vendre au plus bas, comme de si nombreux clients de GMO l’ont fait, fait des dégâts durables dans les portefeuilles.

Sur la période allant de 1993 à 2003, le fonds de GMO a battu le marché de 2,8 % par an. Les souscripteurs sont passés à côté du meilleur de cette performance. En se basant sur une pondération des résultats en dollars, les clients ont sous-performé le marché de 2 % par an. Des engagements et des retraits du fonds de GMO mal réfléchis ont transformé un véhicule d’investissement gagnant en choix d’investis-sement perdant.

Dans le monde fermé de l’investissement sur les titres cotés, la simple logique veut que la majorité des capitaux ne parviennent pas à battre le marché, car l’impact des frais de gestion et des coûts de transaction garantit un résultat médiocre à la plupart des participants. L’échec à grande échelle de la gestion active rend encore plus précieuse la réussite extraordinaire d’un gestionnaire. Et lorsque les clients stupides des gestionnaires de qualité détruisent leurs capitaux en réagissant de façon perverse aux performances passées, la réalité de la gestion active devient plus dure encore.

L’investissement orienté sur la valeur donne une fondation solide à la construction d’un portefeuille, car l’acquisition de titres en dessous de leur valeur réelle fournit une marge de sécurité. Dans de nombreux cas, l’investissement orienté sur la valeur s’avère fondamentalement inconfortable, car les opportunités les plus attractives résident dans des secteurs délaissés ou même effrayants. En conséquence, beaucoup d’investisseurs abandonnent les stratégies sensées pour partir à la recherche de la mode du jour. Si l’on s’y engage avec ténacité, les stratégies orientées sur la valeur apportent une bonne dose de stabilité aux programmes d’investissement, réduisant leur dépendance aux vicissitudes des marchés et leur servant à atténuer les risques auxquels sont confrontés les gestionnaires de portefeuilles.

CONCLUSION

La philosophie d’investissement définit l’approche grâce à laquelle un investis-seur va générer la performance d’un portefeuille, et décrit de façon fondamentale les composantes qui influencent le processus d’investissement. Les rendements des marchés proviennent de trois sources : l’allocation d’actifs, le market timing et la sélection des titres. Chacune de ces sources fournit un outil à l’investisseur afin qu’il puisse satisfaire aux objectifs de l’institution. Les investisseurs sensés utilisent les outils disponibles de façon régulière, grâce à une philosophie d’investissement bien définie et soigneusement formulée.

Le comportement de l’investisseur fait que la politique d’allocation d’actifs domine la performance du portefeuille, car les institutions ont tendance à rester fidèles à des portefeuilles de titres cotés diversifiés. La création d’un portefeuille diversifié dans une large gamme de catégories d’actifs orientés sur les actions, qui réagissent de manière fondamentalement différente aux forces génératrices de profit, fournit le sous-jacent essentiel au processus d’investissement.

Le market timing conduit les investisseurs à détenir des portefeuilles qui diffèrent des objectifs de la politique d’allocation, sabotant la capacité d’un fonds à atteindre ses objectifs à long terme. Souvent motivé par la peur ou par l’avidité, le market timing a tendance à détériorer la performance d’un portefeuille. De nombreuses institutions pratiquent une forme implicite de market timing en ne respectant pas les objectifs d’allocation d’actifs à long terme. Le contrôle du risque exige un rééqui-librage régulier, s’assurant ainsi que les portefeuilles reflètent les préférences des institutions.

La sélection active des titres joue un rôle prépondérant dans presque tous les programmes d’investissement institutionnels malgré les performances relatives médiocres affichées par l’écrasante majorité des investisseurs. Les gestionnaires de fonds augmentent leurs chances de réussite en se concentrant sur les marchés inef-ficients, qui présentent le choix d’opportunités le plus large. Le fait d’accepter l’illiquidité rapporte des rendements bien supérieurs à l’investisseur à long terme qui sait se montrer patient, et l’approche des marchés selon une orientation sur la valeur fournit une marge de sécurité. Même si les investisseurs appliquent des programmes de gestion active avec intelligence et prudence, l’efficience des cours rend très dif-ficile l’identification et l’implémentation de stratégies qui battent le marché. Dans la situation trop fréquente où les investisseurs pourchassent les performances élevées et abandonnent les faibles, leurs chances de battre le marché se réduisent spectaculaire-ment. L’efficience rationnelle des marchés et le comportement déraisonnable des investisseurs se combinent pour faire de la sélection des titres un jeu ardu.

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