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La marge de sécurité

Dans le document gestion de portefeuilles (Page 125-128)

Le célèbre investisseur Benjamin Graham résume la composante centrale de l’investissement orienté sur la valeur dans un seul et même concept, la marge de

1. Ibid., 151.

sécurité, ce matelas créé en détenant des actions d’une entreprise dont les bénéfices attendus dépassent largement le taux actuel des obligations. Graham observe :

« L’idée de marge de sécurité devient évidente lorsque nous l’appliquons au domaine des titres sous-évalués ou au rabais. Nous obtenons ici, par définition, une différence favorable entre le prix du marché et la valeur calculée ou estimée. Cette différence constitue la marge de sécurité. Elle permet d’absorber les effets d’une erreur d’éva-luation ou d’une malchance exceptionnelle. L’acheteur de titres au rabais met par-ticulièrement l’accent sur la capacité de l’investissement à résister à des évolutions contraires, bien qu’il n’ait dans la plupart des cas aucun enthousiasme réel pour les perspectives de l’entreprise. Il est certain que si ces perspectives sont définitivement sombres, l’investisseur préférera éviter ce titre, peu importe son prix. Mais le domaine des titres sous-évalués comprend de nombreux cas, peut-être une majorité, pour lesquels l’avenir n’apparaît ni clairement prometteur ni assurément sombre. Si ces titres sont achetés au rabais, même une baisse modérée des bénéfices n’affectera pas forcément les bons résultats de l’investissement. La marge de sécurité aura alors atteint son but »1.

Sur les marchés actions actuels très efficients, il existe peu d’opportunités d’acquérir des titres à meilleur marché que leur valeur réelle. Même avec les meil-leures informations disponibles, les investisseurs peuvent ne pas savoir si leurs positions ont été achetées en dessous de leur valeur intrinsèque. L’ajustement au risque et l’évaluation de l’impact d’événements externes futurs, positifs ou négatifs, compliquent l’estimation de la décision d’achat initiale. À cause de la difficulté à prouver l’efficacité des stratégies d’investissement orientées sur la valeur, les inves-tisseurs admettent la validité de cette approche sur la base de la seule confiance.

Peut-être que l’argument le plus séduisant pour les approches d’investissement orientées sur la valeur réside dans les principes contrariens. Les marchés oscillent fréquemment entre les extrêmes, les plus populaires étant fortement valorisés et ceux qui sont tombés en disgrâce, faiblement valorisés. En recherchant des opportunités parmi les titres négligés, les investisseurs contrariens augmentent la probabilité d’identifier des investissements profitables.

Cependant, l’investissement contrarien mal réfléchi met les portefeuilles en dan-ger. Parfois, des entreprises à la mode méritent leur surcote. Et parfois, des entreprises tombées en disgrâce méritent leur faible valorisation. L’identification des titres négligés sert de point de départ aux investisseurs sérieux, les menant vers une ana-lyse plus approfondie. C’est seulement si l’anaana-lyse attentive confirme les espérances de performances futures élevées que les investisseurs devraient acquérir les titres.

1. Benjamin Graham, The Intelligent Investor, New York, Harper Business, 1973, 279.

La philosophie d’investissement 125

Acheter les actions dont les rapports cours / bénéfice sont faibles est une stratégie naïve. Le fait de sélectionner les actions les moins chères, en ne tenant compte que de leurs bénéfices actuels ou de leur valeur comptable, néglige des facteurs impor-tants comme la qualité du management et les perspectives de bénéfices futurs.

Historiquement, les stratégies naïves basées sur la valeur ont obtenu des rende-ments supérieurs, tout en exposant les investisseurs à un niveau relativement élevé de risque fondamental1. Jeremy Grantham, de Grantham, Mayo & Van Otterloo, met en garde contre la catastrophe exceptionnelle qui peut réduire à néant des années de plus-values engrangées en achetant les actions les moins chères. La véritable valeur peut être acquise en achetant des titres en dessous de leur valeur réelle, en tenant compte des bénéfices anticipés et de l’ajustement au niveau de risque.

Les investisseurs orientés sur la valeur ne doivent pas nécessairement limiter leur choix à des entreprises à faible croissance ou en difficulté. Même les secteurs à forte croissance contiennent des entreprises aux valorisations attractives. Un ges-tionnaire de portefeuille d’actions technologiques, Sy Goldblatt de S Squared, lorsqu’il assiste à des salons d’investissement, évite les salles de conférence regor-geant d’analystes cherchant « l’affaire du mois ». Au lieu de cela, se détachant de la foule, il va à la rencontre d’entreprises qui ne peuvent pas attirer une large audience.

Bien que nombreux sont ceux qui trouvent que les concepts de valeur et de techno-logie s’accordent mal, la rencontre des deux crée une combinaison performante.

Les investisseurs orientés sur la valeur cherchent à acquérir des entreprises en dessous de leur valeur réelle, et non à acheter a priori des titres à faible croissance ou en difficulté.

Benjamin Graham a reconnu que des investisseurs attentifs peuvent identifier la valeur dans des secteurs inhabituels. Il écrit : « … L’approche des valeurs de crois-sance peut très bien fournir le matelas de sécurité qu’on trouve dans l’investis-sement ordinaire, pour autant que le calcul des bénéfices futurs soit effectué de façon prudente, et qu’il démontre une marge satisfaisante par rapport au prix payé.

Le danger, dans un programme d’achat de valeurs de croissance, réside justement ici. Pour de tels titres en vogue, le marché a tendance à fixer des prix qui ne vont pas être correctement protégés par une projection prudente des bénéfices futurs. La marge de sécurité dépend toujours du prix payé. Elle sera confortable à un prix donné, réduite à un prix plus élevé, et inexistante à un prix plus élevé encore. Si, comme nous le suggérons, le niveau de cours moyen de la plupart des valeurs de 1. Voir Eugene Fama and Kenneth French, “Size and Book-to-Market Factors in Earnings and Returns”, Journal of Finance, 50, no. 1. (1995): 131–155, et Eugene Fama and Kenneth French, “The Cross-Section of Expected Stock Returns,” Journal of Finance 47, no. 2 (1992): 427–465.

croissance est trop élevé pour fournir une marge de sécurité correcte à l’acheteur, alors une simple technique d’achats diversifiés dans ce secteur peut ne pas fonctionner de manière satisfaisante. Un degré exceptionnel d’anticipation et de jugement va être nécessaire afin que des sélections individuelles avisées puissent surmonter les risques inhérents au niveau de valorisation de ces titres dans leur ensemble »1. Bien que Graham reconnaisse la possibilité d’identifier occasionnellement des valeurs de croissance démontrant une marge de sécurité, les investisseurs orientés sur la valeur et recherchant des titres négligés par le marché se trouvent face à un choix plus vaste d’opportunités attractives.

Dans le document gestion de portefeuilles (Page 125-128)