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Le biais dû aux faillites des gestionnaires

Dans le document gestion de portefeuilles (Page 111-115)

Bien que les comparaisons des performances des gestionnaires actifs avec celles de leurs indices peignent déjà un tableau bien pâle, les gestionnaires qui espèrent battre le marché rencontrent une difficulté beaucoup plus grande que celle qui

apparaît à la simple lecture des données. La sélection naturelle qui s’opère parmi les gestionnaires actifs fait apparaître ce groupe comme ayant plus de succès que ne l’indiquerait une image fidèle de la réalité, car les données disponibles sur leurs performances ne concernent que celles des gestionnaires qui ont survécu, les per-formances de ceux qui ont disparu ayant été effacées des tableaux statistiques de résultats.

Ces erreurs statistiques biaisent les données sur les performances des gestion-naires, limitant l’utilité de ces rapports pour comprendre les performances des gestionnaires actifs. Une première erreur apparaît lorsque des gestionnaires dispa-raissent des statistiques sans laisser de trace, la seconde intervenant lorsque de nou-veaux entrants contribuent aux performances historiques de la base de données.

Les compilations des données de performance n’incluent en général que les résultats des gestionnaires en activité au moment de l’étude. Les produits et les ges-tionnaires ayant disparu sont effacés, colorant les données de performance d’un biais optimiste. Si les résultats généralement médiocres de ceux qui n’ont pas survécu étaient inclus dans la base de données, le défi qui consiste à battre le marché paraîtrait encore plus écrasant.

Même si l’on entreprend d’inclure les résultats des gestionnaires qui ont échoué, les chiffres ne peuvent donner une idée correcte que si l’on considère les performances sur une base annuelle. L’horizon de temps le plus court produit les données les plus optimistes, car le nombre de faillites a tendance à être plus faible sur des périodes plus courtes. Les problèmes les plus sérieux apparaissent lorsque l’on examine les performances sur plusieurs années, car un nombre plus grand de gestionnaires disparaissent sur la période. Comme les gestionnaires ont tendance à faire faillite après avoir affiché des résultats médiocres, les comparaisons sur plusieurs années souffrent d’une inflation des performances due aux meilleurs résultats des survivants.

D’autres erreurs apparaissent lorsque les données intègrent de nouvelles entre-prises et leurs historiques de résultats. Comme les nouveaux entrants affichent nécessairement de bons résultats pour attirer l’attention des institutionnels, l’ajout des leurs résultats passés (que l’on appelle également le « backfill bias ») améliore, rétrospectivement et de façon artificielle les performances des gestionnaires actifs.

Une analyse des performances des investissements menée par Russell Investment Group montre de façon lumineuse l’impact du biais dû aux faillites sur les résultats.

Russell, une entreprise de consulting très en vue, compile et publie l’une des bases de données les plus largement utilisées sur les performances d’investissement.

La base de données de Russell souffre d’un biais significatif dû aux faillites de gestionnaires. Observez les performances du gestionnaire d’actions américaines

La philosophie d’investissement 111

moyen telles qu’elles sont enregistrées dans le tableau 4.6. En 1996, selon Russell, le gestionnaire d’actions américaines moyen a obtenu un résultat de 22,4 % d’après les rapports reçus d’un échantillon de 307 gestionnaires. Comme les gestionnaires en faillite avaient été effacés et que les nouveaux entrants avaient été inclus dans la base de données, les performances affichées pour 1996 étaient nettement améliorées.

En 2005, la performance du gestionnaire moyen en 1996 passe à 23,5 %, plus d’un point de pourcentage au-dessus de la performance originellement enregistrée. Il est frappant de constater que le rapport de 2005 sur l’année 1996 n’inclut que 177 ges-tionnaires, soit 130 de moins que le rapport de 1996.

Les données de Russell souffrent d’un double biais. Notez que de 1997 à 1998, le nombre de gestionnaires augmente de 9, ce qui laisse supposer un certain niveau de pollution des données (backfill bias). Comme Russell ne fournit pas d’informa-tion annuelle sur les retraits et les souscripd’informa-tions, les observateurs ne possèdent pas les éléments nécessaires pour estimer l’importance relative des sorties et des entrées.

Ceci dit, le déclin de plus de 40 % sur dix ans du nombre d’entreprises ayant parti-cipé au rapport de 1996 indique que la prépondérance des départs de gestionnaires en faillite.

Une estimation précise de l’impact de ce biais sur la base de données de Russell s’avère impossible. Les performances médiocres des gestionnaires qui disparaissent sont effacées. Et les performances brillantes des nouveaux entrants apparaissent.

Cependant, une idée approximative de l’impact de ce biais nous est donnée par les déviations enregistrées entre les résultats originellement affichés et ceux, faussés, qui apparaissent plus tard. Les déviations, soulignées dans le tableau 4.6, vont d’une augmentation de la performance moyenne de 4,3 points de pourcentage en l’an 2000 (ce qui a eu pour effet de transformer une perte de 3,1 % en gain moyen de 1,2 % enregistré a posteriori) à une stabilité de la performance moyenne en 2005, la dernière année étudiée. En moyenne, ce biais augmente les performances généra-les de 1,6 % par an.

Une estimation imparfaite de l’impact à plus long terme de ce biais, peut être effectuée en reliant ou non les performances moyennes annuelles à l’apparition/

disparition de gestionnaires. L’imperfection de cette mesure vient du fait que les performances moyennes calculées en tenant compte du biais ne représentent pas (sauf coïncidence) l’expérience individuelle de chaque gestionnaire. Même si ces performances ajustées reflétaient par hasard celle d’un gestionnaire, celui-ci ne représenterait probablement pas la moyenne. Cependant, l’application de la technique qui consiste à relier les moyennes à la fois aux données incluant le biais et aux données l’excluant, fournit une estimation grossière de l’importance de l’impact.

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1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Année de report

Tableau 4.6 Le biais dû aux faillites donne une image faussée des performances des actions américaines.

Performances du gestionnaire d’actions américaines moyen.

Année

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Année de report

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