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Réélaborations et déplacements des questions

Brigitte Peterfal

OBJET DE RECHERCHE ET CHOIX ÉPISTÉMOLOGIQUES

3.  PRISE EN COMPTE DES DÉCALAGES ET PROBLÉMATISATION

3.3.  Réélaborations et déplacements des questions

En cherchant à comprendre ces décalages et en cherchant à les réduire, la recherche modifie progressivement sa problématique. En effet, à la différence de recherches relevant d’autres paradigmes, la problématisation, dans ce type de recherche doit se concevoir selon plusieurs étapes. Une problématique de départ est proposée par l’équipe de recherche, elle-même est issue de tout un champ de recherches antérieures, qui ont permis de préciser un réseau de questions. Mais cette problématique est loin d’être définitive et un processus de problématisation se développe au long de la recherche. Le système des tensions entre cadre théorique de départ et réalisations pratiques est déterminant à cet effet. La prise en compte des décalages, les choix successifs auxquels on a à procéder pour opérationnaliser le projet conduisent à des déplacements dans les réseaux de questions et à l’émergence de questions nouvelles. On peut ainsi identifier, dans le cas de notre recherche des séries de déplacements.

Comment aider les enseignants à orienter les activités des élèves dans une tâche, de façon que celle-ci soit l’occasion d’acquisitions qui en vaillent la peine (dans le cadre de curricula ouverts) ? Quelles sont les acquisitions vraiment intéressantes à obtenir au cours d’un apprentissage scientifique ? Telles sont quelques une des questions initiales, en amont de cette recherche, posées dans la problématique originelle de Martinand, en 1984. La réponse que donne celui-ci à ces deux questions est l’idée même d’objectif obstacle : les acquisitions vraiment intéressantes correspondent au dépassement d’obstacles et cela peut aider les enseignants à orienter les activités des élèves.

À quel niveau d’enseignement tel obstacle est-il franchissable ? Ce deuxième type de question posé plus tard mais toutefois avant cette recherche concerne cette fois de façon spécifiée les contenus enseignés, dans une optique curriculaire, et a donné un certain nombre de travaux (Orange, 1995)

Comment s’y prendre en classe pour parvenir à faire franchir tel ou tel obstacle qui s’oppose à l’acquisition de telle connaissance ? (question des moyens : conflit socio-cognitif, situations problèmes, réflexion métacognitive…). Ce type de question posé sur un plan général au départ de la recherche se spécifie progressivement : pour tel obstacle spécifié, sur quel type d’expérience empirique peut-on s’appuyer, sur quel type de document, sur quelle situation d’échange entre élèves ? A-t-on intérêt à d’abord faire expliciter les réseaux d’idées dans des groupes homogènes au risque de renforcer l’obstacle ?

Le travail réalisé permet de faire émerger de nouvelles questions, qui se ramifient progressivement. On prend par exemple conscience des liens

entre différents obstacles, ce qui conduit à de nouvelles interrogations : quels sont les obstacles qui convergent en s’opposant à l’acquisition de tel concept ? A-t-on intérêt à traiter un seul obstacle à la fois ou plutôt traiter successivement tous les obstacles qui s’opposent à cette acquisition ? Le travail sur un obstacle ne risque-t-il pas d’en renforcer un autre ? Les tentatives de travail dans des discussions autour de phénomènes ou d’objets problématiques en regard de l’obstacle s’avérant insuffisantes au « franchissement », l’interrogation évolue : comment concevoir une réflexion métacognitive, permettant aux élèves d’identifier a posteriori les obstacles dans lesquels ils étaient auparavant immergés, au point de ne pas les voir ? Conjointement, les termes dans lesquels on pose les questions se modifient : on ne parle plus de « franchissement », mais de « travail sur » les obstacles, de « déstabilisation », et d’« identification » d’obstacles.

Face à certains écarts au projet, tels que la dilution du travail sur les obstacles dans toute situation d’enseignement, d’autres types de questions émergent : peut-on traiter l’ensemble de l’enseignement dans une perspective d’objectifs-obstacles ? quelles complémentarités peut-on envisager entre moments où le travail est centré sur les obstacles et des moments correspondant à une autre logique ? À quel rythme envisager un tel travail ? peut-on envisager des reprises sur le long terme ?

Cet ensemble de questions peut être posé selon un double point de vue : • d’une part sur le plan théorique des principes du travail sur les obstacles

et la compréhension des processus intellectuels sous-jacents,

• mais d’autre part aussi sur celui des réalisations effectives et de leur « faisabilité scolaire ».

Car on parvient à un paradoxe : le raffinement et la complexification des questions posées sur le plan théorique et l’élaboration progressive des situations dans une complexité croissante éloignent les perspectives d’intégration effective de ces pratiques dans le cadre scolaire. Face aux limites rencontrées sur ce dernier plan, on retrouve les questions initiales : comment aider les enseignants à s’engager dans de telles situations de travail ? Les pistes envisageables pour résoudre ce nouveau type de problème engendrent à leur tour une nouvelle famille d’interrogations. Quels sont les obstacles les plus intéressants à traiter à tel moment ? Quels sont les moyens les plus simples et demandant le minimum de formation préalable pour y parvenir ?

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MATÉRIEL ET VIRTUEL DANS LES SCIENCES DE LA